Déjà 9 jours au BIFFF, ça sent doucement la fin, et la fatigue commence à se faire sentir.
La preuve, c’était une toute petite journée aujourd’hui, avec seulement trois films visionnés (enfin je triche, trois et demi, mais comme je n’ai pas encore fini Who killed Cock Robin, je le compte pas), et on rentre quand même sur les rotules.
On ne dirait pas, mais c’est épuisant de regarder des films à longueur de journée, surtout dans une ambiance pareille, et quand on passe sa journée à voguer d’un endroit à l’autre, de la salle 2 à la salle presse, du village à la salle 1 (et encore je vous parle pas des toilettes aux heures d’affluence).
Du coup, après avoir commencé le thriller surnaturel russe The Envelope dont je parle juste après, je me dirige vers le ciné 2 sur les coups de 16h30 pour la première projection salle de la journée, Luciferina. Narrant l’histoire de Natalia, une jeune nonne qui, après la mort de sa mère, part avec sa sœur pour un trip initiatique en vue de découvrir ses véritables origines, le film de l’argentin Gonzalo Calzada, premier volet d’une « trilogie des vierges » (si, si), était alléchant au premier abord, avec son titre frondeur, son sous-titre qui l’est encore plus (baptisée par le Diable), et ses promesses d’ambiance satanique couplée à un trip à l’ayahuasca (le peyotl sud-américain).
Hélas, 666 fois hélas, le film s’avère majoritairement très très lourd, avec une imagerie à base de possédée aux cheveux sales très bateau, une introduction qui n’en finit pas, des personnages peu charismatiques et une interprétation à l’avenant (le macho rebelle est très méchant, la douce vierge semble constamment traumatisée, etc.). Alors qu’approche l’heure de film, et comme rien de très enthousiasmant n’a eu lieu jusqu’à présent (si ce n’est des toiles peintes par la défunte mère assez glauques, qui rappellent un peu The Devil’s Candy), le public s’avère soulagé de voir enfin se mettre en place le trip tant attendu, et attend avec impatience un déluge de visions dantesques et une plongée en enfer au moins digne du très bon Charismata vu la veille.
Malheureusement il n’aura droit qu’à une scène d’accouchement de possédée assez graphique qui fait froid dans le dos, avant que le récit ne retombe dans une linéarité qui fait aussi froid dans le dos, avec vieille qui sait tout sortie de nulle part et confrontation avec un possédé avec force cercles de sel. Le possédé en question surjoue comme un goret, roulement d’yeux et babines retroussées sur de vieilles dents pointues à l’appui. Et le film de suivre sa trajectoire pépère de film de possession déjà vu moult fois.
Jusqu’à une dernière scène, néanmoins, qui relance l’intérêt par son outrance conceptuelle et sa volonté d’abandonner toute subtilité, où la nonne (désolé je spoile mais vous ne verrez probablement jamais le film, sauf pour faire avance rapide jusqu’à cette scène) offre son corps nue au possédé, qui la prend sans ménagement sur l’autel d’une chapelle, avant que le sexe finisse par faire revenir à la surface le jeune dont le démon avait emprunté le corps, jusqu’à ce que Natalia viole littéralement le suppôt de Satan.
Voilà une scène assez folle pour faire sourire (et se rincer l’œil, filles comme garçons, avouons-le), grandement aidée par l’ambiance survoltée du BIFFF et ses belges qui ont hurlé « enfin un bon film ! » ou « Exorcisez-moi ! ». Pour le reste, c’est hautement dispensable.
Ce qui est moins dispensable par contre, et que je finis en salle presse, c’est le très bon The Envelope, premier film du russe Vladimir Markov.
On a pu avoir la confirmation lors de ce BIFFF et des précédentes éditions que la Russie savait y faire en terme de blockbuster, que ce soit film de guerre, film historique barbare ou film de SF, mais ce serait oublier qu’il leur arrive de toucher leur bille également dans le domaine du fantastique pur (on se souvient du pas désagréable Queen of Spades, vu ici il y a deux ans).
Et alors qu’on a plutôt l’habitude de long-métrages gargantuesques, assez brutaux, en tout cas pas forcément subtils, avec The Envelope c’est à un cinéma de l’épure, très efficace et dégraissé, qui ne dure qu’1h15 et ne se détourne jamais de sa ligne directrice simple mais prenante. L’histoire d’Igor, chauffeur pour une grande entreprise à qui la secrétaire demande un jour de faire le coursier pour apporter une lettre à quelques rues de là. Celui-ci accepte à contrecœur, et va vite s’en vouloir quand une fois sur place, il s’aperçoit que l’adresse a changé. Le voilà chargé d’une mission dont il se passerait bien, retrouver le destinataire, d’autant qu’il est prévenu, s’il ouvre la lettre, un fléau s’abattra sur son entourage.
Voilà, je vous ai résumé les dix premières minutes du film, tout le reste n’est que péripéties, rencontres, retournements de situation, coups de théâtre et distorsions temporelles. La preuve que le métrage va droit à l’essentiel pour nous mettre de suite dans le récit, d’autant qu’Igor, chauffeur blasé qui a toujours l’air de cacher quelque secret, est immédiatement attachant. Bien entendu, on finit par se dire que le scénario minimaliste aurait fait un excellent épisode de La Quatrième Dimension, un format qui lui aurait peut-être même suffit, mais The Envelope ne souffre pourtant d’aucun temps mort, et n’ennuie jamais, quand bien même le rythme serait plus celui d’une enquête lancinante que d’une course contre la montre trépidante.
Il se permet même le luxe d’une photographie urbaine très grise partagée entre immeubles sans âmes et banlieue décrépite qui sied très bien au film. Bref, la Russie est toujours dans la place, et si cette Envelope n’atteint pas les sommets époustouflants de Frontier ou The Scythian, elle reste une petite série B très regardable, avec ce qu’il faut d’émotion pour emporter l’adhésion.
Enfin, il est temps de se jeter sur la salle 1 pour ce qui s’annonce comme un nouveau gros morceau coréen, Memoir of a Murderer de Shin-yeon Won (The Wig), tiré du roman Ma Mémoire assassine de Young-ha Kim. Le film sortant demain en France en e-cinema, on vous concoctera une critique exprès pour lui, mais on peut d’ores et déjà vous conseiller de vous jeter sur ce petit bijou d’une noirceur extrême où un ancien serial killer atteint d’Alzheimer essaie de protéger sa fille du tueur qui lui tourne autour, et finit par se demander si ce n’est pas lui l’auteur des nouveaux meurtres qui entachent la région.
On vous en reparle très vite.
En attendant, nous on va se coucher, parce qu’on commence petit à petit à manquer de sommeil.
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Par Corvis