Y’a un os dans le potage…
D’accord, mais de quoi tu parles bon sang, me direz-vous à dessein. Un problème dans la cuisine ?
Y’a un os dans le potage, ou YAOP pour les intimes, c’est simplement le petit nom du Festival du Film Fantastique de Bourg-en-Bresse qui a fêté ce week-end sa sixième édition. Un des très nombreux petits festivals de films de genre en France, étouffé par les grosses machines à la meilleure visibilité.
Pourtant, il ne faut jamais oublier que la France est le pays aux 164 festivals (au dernier recensement, mais ça a sûrement évolué depuis), et parmi eux beaucoup beaucoup privilégient ce cinéma-là, la SF, l’horreur, le thriller.
Et pourtant, très peu parmi eux parviennent aux yeux et oreilles du grand public, qui cite habituellement le Fantastic’Arts de Gerardmer comme seul bastion du genre en France, encore que les cinéphiles commencent à s’ouvrir à d’autres perspectives comme le FEFFS à Strasbourg, ou le PIFFF et l’Étrange festival à Paris.
Qui connaît l’excellent festival des Maudits Films à Grenoble, qui connaît Extrême Cinéma à Toulouse et son incroyable retrospective Bis, qui a déjà frayé dans les allées du Bloody Week-end d’Audincourt, qui a pu découvrir feu festival Mauvais Genre à Tours, mort après avoir souffert des années durant de l’absence de soutien des instances officielles ?
On pourrait dresser une liste longue comme le bras qui s’étendrait dans tout l’Hexagone, tant les initiatives sont nombreuses et les passionnés motivés. Et si moyens sont forcément moindres, la qualité des interventions et des projections est généralement autant au rendez-vous que dans les événements plus médiatisés.
C’est le cas à Bourg-en-Bresse, petite ville au Nord de Lyon, où l’association 100%, du haut de ses maigres ressources (une petite salle municipale, pas de possibilité de projeter du DCP, un budget réduit) arrive à garder la tête haute grâce à son armée de bénévoles et sa volonté de fer/faire, et propose chaque année un programme de qualité et une ambiance parmi les plus chaleureuse.
Cette année encore, en plus des séances cultes et de la désormais célèbre Nuit Décalée, le public aura eu droit à 3 programmes de courts-métrages (Francophones, Internationaux, et Hors-Compétition), avec un jury pour les courts francophones, un hameau fantastique avec salon du livre, des séances de dédicaces, une soirée jeux-vidéo rétro, une exposition, ou encore une conférence de Julien Sévéon venu spécialement pour l’occasion.
Et bien sûr des films. Une petite quinzaine de films inédits, en avant-première ou tout simplement passés à la trappe lors de sa sortie en France, que les spectateurs ont pu (re)découvrir lors de ces 4 jours de festivals.
Venus pour vendre des bouquins lors du salon du livre, j’en ai bien sûr profiter pour me délecter des activités annexes et visionner quelques films de derrière les fagots, le tout en ayant été accueilli et traité comme le Prince héritier de Syldavie (on profite au passage pour remercier dès à présent l’équipe du festival avant de passer au compte-rendu proprement dit, Stéphane, Ludovic, Théo, Maxime, Erwann, Olivier, Antoine, Antony, Florence, et tous ceux que je pourrais oublier).
Le festival s’est ouvert jeudi à 18h avec la projection de Leatherface du duo Bustillo/Maury, suivi de l’anglais Double Date pour sa seconde projection française et de l’inénarrable TAG du pas moins narrable Sion Sono.
Étant arrivé à 23h pour cause de grève des cheminots et de chaos généralisé à la gare de Lyon Part-Dieu, je ne pourrais malheureusement pas vous dire du bien (ou du mal, si l’on en croit les premiers échos) de l’enfance du tueur à la tronçonneuse, mais le film étant sorti il y a peu en dvd, cela ne saurait tarder. Double Date, lui, est projeté au BIFFF, on aura donc l’occasion d’en reparler la semaine prochaine, quant à TAG, nous l’avions découvert justement à Bruxelles il y a 2 ans, et pouvez donc retrouver la chronique adéquate sur le site.
Mon festival YAOP 2018 commence donc vendredi à 18h30 avec la projection de l’australien Boys in the Trees. L’Australie qui aura été la thématique improvisée de ce festival, comme le pays de Mad Max et Razorback revenait régulièrement dans la sélection des films à diffuser.
Boys in the Trees ou le teenage movie à la lisière du fantastique qui, dixit Stéphane Laurencin un des programmateurs du festival, « ne prend pas les ados pour des cons ». Le film de Nicholas Verso fait suite à son court-métrage The Last time I saw Richard, qui avait assez impressionné son petit monde pour qu’on lui donne enfin l’opportunité de réaliser un long.
Le film suit donc Jonah (Gulliver McGrath, le fils Collins de Dark Shadows), outcast social et orphelin de mère, maltraité par une bande d’ados « cools » caricaturaux dont l’un d’entre eux s’avèrent… son ancien meilleur ami de l’époque insouciante de l’enfance, Corey (Toby Wallace, que vous avez pu voir dans l’Île de Nim 2 si vraiment vous êtes déviants). La Nuit d’Halloween, Jonah va convaincre son ex-pote de retracer leur passé et rejouer à leur jeu préférer, se raconter des histoires et des rêves comme si ceux-ci étaient bien réels.
Très doux, subtil, et parfois assez poignant, Boys in the Trees est un de ces films sur le passage à l’âge adulte qui ausculte avec beaucoup d’acuité tout le travail de transformation et les angoisses des adolescents sur le point de quitter leur cocon d’enfance. Terrifié à l’idée de grandir, de vieillir, de perdre ses rêves de gosses et devenir un adulte responsable, chacun se réfugie derrière sa propre muraille. Jonah s’écarte des autres ados, qui l’évitent d’ailleurs comme s’il était pestiféré, Corey tâche de se fondre dans la masse, de se couler dans le moule, quant à Jango, « nouveau meilleur pote » de Corey condescendant et paternaliste, il s’échine à rester le chef de meute bully de son petit groupe pour éviter de se retrouver face à la vacuité de son existence.
Pour tous ces gamins paniqués, en cette nuit de Samain, nuit des « Délices de la tombe », grandir s’apparente à une première mort, d’autant qu’Halloween marque en Australie la fin de l’année scolaire, et dans le cas présent, de leurs années de lycée. À la rentrée il faudra choisir. Partir à l’Université, parfois à l’autre bout du monde, rester sur place pour ne pas perdre ses acquis au risque de stagner, quoiqu’il en soit il faudra faire le deuil de son enfance et laisser mourir ce qu’on a été. C’est dans ce cadre d’allégorie très concrète que Boys in the Trees glisse progressivement vers un onirisme de bon aloi et une ambiance visuelle et musicale assez mystérieuse.
Malgré cela, si l’on devait reprocher quelque chose au film, au-delà d’un coup de théâtre que les cinéphiles auront grillé dès la première bobine mais qui ne gâche pas le propos du film, ce serait une certaine tendance à privilégier le sous-texte au détriment de la situation, de brasser des sujets et des allégories en laissant de côté la structure première du film. Le résultat c’est un léger déséquilibre qui ne permet pas toujours de s’attacher au film comme il le mériterait. Le récit en lui-même, les « péripéties », ne semblent pas importer au réalisateur, dont le but est visiblement de brosser un portrait doux-amer de la jeunesse et de ses turpitudes quant à l’avenir. Cela fonctionne, mais cela aurait peut-être encore mieux fonctionner en complément d’une histoire concrète.
La programmation enchaîne directement avec la compétition de courts francophones, mais comme on dit là-bas, « a man’s gotta eat ». C’est donc après un bon gros burger végétarien (jeracontemavie.com) que j’investis à nouveau les lieux, pour la projection de Killing Ground, annoncé par Ludovic Miel, l’autre monsieur loyal du festival, comme « un bon gros -16 qui le mérite ».
La couleur est annoncée, le film (toujours australien) de Damien Power va être un éprouvant survival qui ne laissera pas les esprits intacts.
Et c’est effectivement le moins que l’on puisse dire, tant cette histoire jonglant avec deux temporalités, et laissant un couple aux prises avec deux rednecks ayant déjà assailli une famille la veille, met les nerfs à rude épreuve. Pourtant, à la manière d’un Wolf Creek, et contrairement à d’autres pellicules qui misent tout sur la surenchère de violence visuelle insoutenable, Killing Ground sait admirablement jouer aux montagnes russes avec les émotions du spectateur, préférant la violence psychologique, la suggestion et le hors-champ aux déferlements de sévices gratuits.
On s’identifie très rapidement aux protagonistes principaux, et l’évolution que le réalisateur leur fait suivre, la gestion des différents éléments du récit transforme le survival poisseux en véritable études des (re)ssentiments humains. D’autant que l’horreur visuelle de la situation ne se dévoile qu’à petites touches, par des détails sordides, des arrière-plans, des plans d’ensemble des séquelles d’une agression.
Si le récit redevient un peu plus classique une fois qu’il abandonne la double temporalité, c’est le traitement de certains personnages, cruel, nihiliste, et pourtant terriblement réaliste, qui emporte le morceau in fine, laissant un goût amer après la projection, même à celui qui a vécu des horreurs cinématographiques autrement plus traumatisantes.
S’en suit la séance de minuit du festival, The Devil’s Candy de Sean Byrne (The Loved Ones), déjà vu à Gerardmer en 2016, qui mélange métal, peinture sur toile et possession démoniaque pour un résultat bandant sur le papier, visuellement assez classe, mais pourtant mitigé au final.
Pour ma part je plonge dans les bras de Morphée, demain va être une dure journée.
Le lendemain se passe pour ma part au Hameau fantastique du YAOP, ou peuvent se retrouver festivaliers et badauds pour écouter de la musique, boire un coup, visionner un programme de court-métrage dans un chalet reconverti en minuscule salle de ciné, ou venir baguenauder dans les allées du salon du livre, où l’on pouvait retrouver Cultura, partenaire du festival, les Éditions Armada, les Éditions Luciférines, les Artistes fous Associés (ça c’est moi !), ainsi que quelques auteurs en dédicaces, le local Roland Fuentès, et que Dobbs, scénariste pour les adaptations en BD d’H.G Wells chez Glénat et auteur de Méchants, les grandes figures du mal au cinéma et dans la pop culture.
Les blagues fusent, le soleil est là (le vent aussi), les passants passent et jettent un œil, le tout au son d’Halloween ou Ghostbusters.
Dans la salle du Vox, où ont lieu les festivités cinématographiques, l’heure est aux hommages. Si la matinée a vu la projection du poisseux et très mal distribué Love Hunters (dont vous pouvez retrouver la critique sur le site), l’après-midi se concentre sur deux légendes du cinéma fantastique parties récemment, Tobe Hooper et George Romero. Du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse, le public a droit à l’indémodable Poltergeist, et de celui de la Part des Ténèbres son chef-d’œuvre, le bien nommé Zombie (même si pour ma part j’avoue une préférence pour le troisième volet de la trilogie en 5 épisodes).
Après avoir rapidement plié mon stand, c’est à 18h15 que je retrouve mes fonctions de spectateurs pour la compétition internationale de courts-métrages. Compétition de qualité, si l’on excepte le cryptique et pas très intéressant Welcome Home Allen et ses vikings rentrant dans leur village moderne en bateau à moteur, même si certains efforts se dégagent nettement de la masse.
Le glaçant The Black Ring, court muet et implacable qui voit des nantis se réunir dans un lieu secret et la plèbe espérer son ticket pour une séance photo très spécial. Le très drôle, complètement dingue avant de venir in fine taper un grand coup de poing thématique Great Choice, où une femme découvre qu’elle est coincée dans une pub façon vidéo-cassette pour le restaurant Red Lobster. Le pas du tout fantastique mais percutant Gamechanger, qui commence comme une rencontre innocente et plonge peu à peu dans le malaise sur fond de stress post-traumatique. Et puis l’inénarrable MAMON qui, avec son mécha-Trump décimant les mexicains renvoyés de l’autre côté du mur par catapulte, a fait s’esclaffer la salle entière, malgré un concept qui ne va effectivement pas plus loin que la blague initiale.
Après cela, c’est l’heure de passer à la Nuit Décalée ! Un programme de trois films agrémentés de quizzs et autres jeux pour faire gagner des lots au public dans la joie et la bonne humeur (j’ai moi-même gagné deux shooters en forme de crâne et, croyez-le ou non, une carte blanche pour l’édition 2019…)
Cette année, nous avons donc droit au bien nommé Dave made a Maze, le film (littéralement) en carton-pâte de Bill Waterson qui avait déjà enthousiasmé le FEFFS en Septembre dernier, Mayhem le nouvel effort de Joe Lynch (Knights of Badassdom, Everly) qui confronte Steven Yeun à des employés de bureaux déchaînés, et Patchwork de Tyler McIntire (Tragedy Girls cette année à Gerardmer) et son hommage à Frankenstein et Re-Animator.
Patchwork étant chroniqué dans notre compte-rendu du BIFFF 2017, et Mahyem ayant eu droit à sa critique lors de son passage au PIFFF, je ne reviendrais pas dessus.
Je me permettrais juste de faire part de ma déception quant à Mayhem, bien loin de l’actioner « fun, jouissif et décomplexé » qu’on nous a vendu, et qui malgré quelques fulgurances et des acteurs attachants, échoue constamment à trouver le tempo adéquat, à aller au bout de son délire, à créer des chorégraphies intéressantes, autant dans les scènes d’action que dans sa réalisation. Comme à chaque fois avec Joe Lynch en fait, un pitch incroyable, et une belle occasion manquée.
Dave Made a Maze donc. Détracteurs de l’absurdité et promoteurs des finalités explicatives, abandonnez tout espoir. Le film est une gigantesque allégorie, une analyse des peurs de l’artiste, coincé dans un métier qu’il aime mais qui peine à l’épanouir. Mais contrairement à Boys in the Trees, Dave Made a Maze ne récite pas son propos, mais lui donne vie de la manière la plus ludique qui soit, avec une succession de péripéties et d’images aussi réjouissantes qu’elles n’ont aucun sens au premier degré. Mais si l’on accepte l’absurdité de la situation, le sous-texte devient limpide et se marie admirablement avec les aventures de ces drôles d’olibrius, coincés dans un labyrinthe de carton gigantesque (et qui a sa vie propre) créée par Dave, artiste dépressif qui se sent stagner et ne finit jamais rien, littéralement au milieu de son salon. À l’intérieur, des pièges, des créatures, et une représentation de ses peurs et ses frustrations, comme si en pénétrant dans la structure pour le libérer, les amis de Dave pénétraient dans son esprit et en découvraient tous les recoins et les dangers.
Une sorte de The Cell de bouts de ficelle toujours inventif visuellement (il faut voir les protagonistes attaqués par des cygnes en origami géants, ou périr sous les pièges, leur sang et boyaux transformés en confettis et papier scintillant), trépidant dans ses péripéties, et pourtant pertinent dans ses moments introspectifs, notamment lors d’une superbe scène onirique qui confronte le couple principal à son quotidien, et au sens des mots suivant le ton de la situation.
Dave Made a Maze n’oublie jamais d’aller au bout de son concept, aussi absurde soit-il, jusque dans les dernières images, et se permet même une séquence d’animation façon théâtre de guignol hilarante.
Ajoutez à ça des personnages fendards comme le pote geek placide ou l’équipe de tournage à côté de la plaque, et des acteurs très efficaces (on retrouve Adam Busch d’Altered Carbon), et une durée impeccable, ni trop longue, ni trop courte (si le pitch du film aurait pu donner un court métrage d’une quarantaine de minute, il ne donne pas l’impression, étalé sur 1h20, d’avoir été artificiellement rallongé) et vous avez une belle pépite originale, enthousiasmante, et au final assez touchante.
Je rentre sur les coups de 1h45, ayant complètement oublié que dans 15 minutes il sera déjà 3h. Le dimanche va être rude.
Hé bien curieusement je n’ai pas eu trop de mal à me lever pour la séance de 11h. Un changement d’horaire pour 2018 et le festival, qui avait l’habitude de proposer le lendemain de la Nuit Décalée un film à 10h, et la séance du Culinarium à 12h. Un peu rude pour ceux qui ont tenu jusqu’au bout de la nuit, l’équipe a donc préféré abandonner le concept et proposer une séance à une heure plus raisonnable.
On commence donc le dimanche avec le thriller aux notes de fantastique islandais I Remember You. Ou Les Fantômes du passé, puisqu’exceptionnellement celui-ci nous est présenté en français. Effectivement, très difficile d’avoir une copie, et le film ayant été honteusement diffusé en VOD comme souvent, la seule version disponible est la francophone. Heureusement, malgré la piètre qualité habituelle des VF actuelles (même si l’on retrouve au casting Bernard Gabay, doubleur officiel de Robert Downey Jr ou encore Viggo Mortensen, bien connu des sériephiles pour avoir été la voix de Gary Sinise dans Les Experts : Manhattan), ce thriller glacé sur fond de disparition d’enfant est assez passionnant pour qu’on n’y prête pas attention.
Opaque et déroutant pendant une bonne partie du film, I Remember You se partage entre deux histoires montées en parallèle, celle d’un psychiatre faisant équipe avec une flic sur une affaire ayant de curieuses similitudes avec la disparition de son fils 3 ans plus tôt, et celle d’un groupe de jeunes adultes venu retaper une vieille baraque qui vont être témoins d’événements flirtant avec le surnaturel.
Bien sûr, les deux récits vont finir par se rejoindre, mais d’une façon plutôt originale, et le tout va être enrobé de tout ce que ce genre d’histoire fait de mensonges larvés, traumatismes profonds et autres non-dits.
Dans sa forme clinique, son ambiance glaciale et ses multiples allers-retours entre une enquête présente et un mystère passé, I Remember You rappelle le suédois Millenium, tout en s’interrogeant sur le deuil, la culpabilité, ou encore la nécessité (ou pas) de laisser se diluer ces « fantômes du passé » (pour une fois le titre est plutôt bien choisi).
À mi-chemin entre thriller pesant et malédiction implacable, le film reste vraiment prenant de bout en bout tant il nous manque jusqu’au bout un ou plusieurs éléments pour dénouer les fils du mystère, élément qui, bien entendu, se trouver devant nous depuis le début.
Excellente découverte qui ne méritait pas le sort qu’on lui réservé.
On pourra dire la même chose pour l’excellent It Stains the Sand Red, qui, je viens de le découvrir, est sorti en plus que catimini en numérique sous le titre Bloody Sand. Et pourtant, ô combien le film de Colin Minihan (Les Vicious Brothers, créateurs de Grave Encounters et Extraterrestrial, c’est lui et Stuart Ortiz) méritait de sortir ne serait-ce qu’en dvd. Un peu en perte de vitesse après Grave Encounters (Extraterrestrial s’était avéré un pétard mouillé, et le second Grave Encounters, dont il a co-écrit le scénario, n’avait pas eu le même succès que le premier volet), la moitié du duo s’était à peine rappelé au bon souvenir des spectateurs américains en écrivant Still/Born, sympathique « Blumhouse flick » jamais sorti en France mais que l’on avait pu voir à Cannes l’année dernière.
Et bien le voilà qui revient sous les feux de la rampe avec ce film de zombie d’un genre nouveau, troquant le déferlement de morts-vivants cannibales pour un unique représentant, et les villes dévastées pour le désert du Nevada à perte de vue.
Bloody Sand donc, raconte l’histoire de Molly (Brittany Allen, vue récemment dans Jigsaw et déjà dans Extraterrestrial), danseuse exotique un peu vulgaire et superficielle en route pour un aérodrome direction Mexique en plein début d’Apocalypse zombie, qui après un enchaînement de circonstances hasardeuses va se retrouver seule en plein désert. Seule ? Pas forcément puisqu’un zombie fraîchement démoulé de Las Vegas l’a repéré et la suit à la trace.
La force du film, c’est de conserver son argument principal conceptuel quasiment jusqu’à la fin, et de construire son personnage et l’empathie que l’on a pour elle principalement autour de ça. Perdue en milieu hostile sans pouvoir vraiment souffler, Molly va devoir remettre toute sa vie en question, et le zombie qui se traîne derrière elle (rapidement surnommé Smalls, diminutif de Small Dick) va finir par devenir son interlocuteur principal, voire son confident.
Véritable huis-clos à ciel ouvert, Bloody Sand sait jouer sur les deux tableaux, celui des péripéties propres, ne s’enlisant jamais, trouvant toujours une pirouette pour faire avancer le récit vers de nouveaux horizons, et celui de l’introspection, à mesure que l’on en apprend plus sur Molly, son passé, ses blessures, sa condition, et sa fragilité enfouie derrière une apparence de femme forte et gouailleuse. Même Smalls finit par devenir un personnage à part entière, presque capable de transmettre au spectateur les potentielles émotions que pourrait ressentir un être dans sa condition.
Drôle, prenant, touchant, inventif, le film ne s’essouffle que dans son dernier quart d’heure fortement dispensable qui abandonne son concept pour retomber dans un plus classique combat entre la mère courage et les zombies sur son passage. Même si l’on comprend le cheminement qui mène à cette fin, Bloody Sand n’avait pas besoin de cet épilogue un peu trop explicatif, et aurait pu se terminer sur une fin plus ouverte sans être moins intense. Un petit écueil pour un grand film qu’on vous conseille fortement.
La journée ne souffre d’aucun temps mort, puisqu’à peine sorti de la salle qu’il faut y retourner pour une petite séance de courts hors compétition. Une douceur proposée pour la première fois par les organisateurs devant la quantité de films de qualité reçue cette année. Si la plupart des courts s’avèrent moins intéressants que ceux de la compétition internationale (notamment car ils se contentent souvent d’une idée prometteuse pas totalement aboutie), il reste quelques pépites vraiment enthousiasmantes, comme The Robbery, morceau de bravoure technique de 10 mn en plan-séquence qui voit un braquage de supérette à la petite semaine aller de catastrophe en catastrophe pour une jeune fille désespérée.
Également au rayon intense, Mouse confronte deux toxicos sans le sous au cadavre d’une souris trouvée dans une boite de haricots, et aux perspectives que cette découverte pourrait ouvrir. Un film assez pertinent sur ce que l’humain peut faire lorsqu’il est en manque, en plus d’être plutôt drôle et passablement dégoûtant. Attention aux haut le cœur…
Enfin, RIP, dernier court (espagnol) de cette sélection, est une pochade hilarante, absurde et terriblement macabre, où une veuve est bien décidée à procéder à l’enterrement de son mari pour ne pas perdre la face devant les convives, même quand celui-ci s’avère se réveiller frais comme un gardon, incapable de mourir quel que soit les sévices infligés. Une nouvelle preuve qu’au pays d’Alex de la Iglesia, l’humour noir est roi.
La journée et le festival se termine avec Better Watch Out, que nous avions vu l’année dernière au BIFFF sous le nom de Safe Neighborhood, et qui s’avère lui aussi être sorti discretos directement en VO sous le titre Watch Out… Vous pouvez retrouver la critique dans le compte-rendu du BIFFF 2017, et je vous rappelle que c’est une excellente comédie sanglante qui vous emmène là où vous ne vous attendiez pas du tout.
Enfin, séance de clôture avec l’indétrônable Culte du dimanche soir, et la projection de Predator de John McTiernan, une valeur sûre. Il est précédé du grand gagnant de la compétition court-métrage francophone, Downside Up, film belge drôle et émouvant qui voit un enfant normal naître dans un monde où tout le monde est atteint de trisomie 21. Une manière très intelligente de retourner la situation actuelle et montrer que les différences peuvent être une force.
Moi, après une bise à toute l’équipe et la promesse de revenir l’année prochaine, je suis reparti dans mon Sud, bien décidé à prendre un peu de repos avant de m’engouffrer dans les 12 jours de folie du BIFFF la semaine prochaine.
Y’a un os dans le potage, sans doute, mais la soupe reste délicieuse !
par Corvis.
Merci pour ce retour 😉