Quand on aime le cinéma, il est difficile de passer à côté de certains réalisateurs. On passera facilement sur les plus faciles, comme Stanley Kubrick, Steven Spielberg (au début), Clint Eastwood et consorts, pour s’attarder cinq petites minutes sur nos réalisateurs bien de chez nous. Alors je ne parle pas des expatriés comme Alexandre Aja, même si j’adore son boulot, ou Louis LeTerrier, même si j’aime moins son boulot, mais de ceux qui restent à la maison et qui s’efforcent de faire bouger les choses, les mentalités au travers un travail sincère et profond. On pourrait alors parler de Jean-Jacques Annaud, Jean-Pierre Jeunet ou encore Bertrand Blier, mais ils n’étaient pas là et même si une partie de leur filmographie demeure très importante et très belle, elle ne contient peut-être pas cette touche fantaisiste et clown triste dont seul Albert Dupontel a le secret. Car il s’agit bien de ce monsieur (vous vous en serez doutés avec le titre du papier et l’image d’illustration), qui en toute humilité est venu le mercredi 05 juin en Avignon pour parler de son cinéma en tant que réalisateur. Alors que s’est-il passé durant cette soirée ? Comment était le réalisateur du cultissime Bernie ?
L’attente est longue. Arrivés à la bourre, sandwichs et boissons à la main, Mickey et moi-même attendons dans une file qui ne cesse de s’allonger sous le soleil enfin revenu d’entre les morts. La bonne humeur est là, on rigole, il fait beau et en plus on va voir un artiste hors norme à l’univers décalé et drôle. Le plus frappant, c’est que la population est très hétérogène et cela fait vraiment plaisir en ces temps de crise identitaire et haine raciale prégnante et dégueulasse. On y croise des vieux, des moins vieux, des enfants, des tatoués, des chevelus et même des chauves, des métalleux (oui, le bassiste de Breed Machine était présent, je l’ai vu !), des punks, des moins punks et de voir tout ce petit monde réuni pour un seul homme prouve bien que son univers est universel. Nous entrons alors dans une salle qui comporte quelques sièges vides malgré l’annonce « complet » sur l’affiche mais qui demeure bien garnie, comme un panier lors d’un loto. Damien Garrel, co-organisateur avec Colin Arteaga, entame alors une jolie introduction en présentant la prochaine Deviant Zone sur la nuit des courts-métrages et explique le déroulement de la soirée. Malheureusement, monsieur Dupontel n’est pas encore présent. Problème de train dixit le SMS envoyé par Albert Dupontel sur le téléphone de Damien. Mais comble de joie, le monsieur avait envoyé son prochain film (qui ne doit sortir que fin octobre) 9 Mois Ferme, alors terminé à 95%. Il explique alors sur le texto, très drôle qu’il sera présent à la fin du métrage pour en discuter. Pour un cadeau, c’est un sacré cadeau ! Généreux le bonhomme et la salle le sait puisqu’elle applaudit à cette nouvelle !
Le film débute alors et c’est un vrai plaisir. Le pitch est irréaliste comme on a l’habitude avec ce réalisateur. Il s’agit d’une jeune juge très stricte, qui ne se consacre qu’à son travail. Elle n’a pas de mari et encore moins d’enfants et n’en veut surtout pas. Le soir du réveillon, un peu pompette, et même carrément bourrée, elle rentre chez elle. Six mois plus tard, elle se rend compte qu’elle est enceinte. Elle va alors essayer de retrouver le père, qui n’est autre que Robert Nolan, un cambrioleur notoire, accusé d’un horrible meurtre. La suite est bien entendu une succession de quiproquos, de gags burlesques et de drame comme c’est si bien le faire Dupontel. S’ancrant encore une fois dans les problèmes de jeunesse et dans les problèmes sociétaux d’aujourd’hui comme la différence de classes, le talentueux réalisateur livre un film sincère, drôle, burlesque, parfois gore et bien plus accessible que ces autres réalisations. Est-ce un défaut ? Oui et non, car si le film m’a moins touché que Bernie en terme de drame, il recèle quelques passages jouissifs absolument géniaux qui font de ce film un très bon film. C’est alors que les lumières s’allument et la surprise est assez grande (même si on sentait le coup venir), monsieur Albert Dupontel était présent depuis le début au fond de la salle pour voir et écouter les réactions du public face à son nouveau bébé. L’échange commence alors !
Colin retourne en maternelle et s’amuse à refaire les gestes du maître !
Les échanges se font dans une bonne humeur ambiante très agréable. Le constat est rapide, les réactions sont très positives et le film a vraiment plu. Les questions du public sont diverses et variées, allant de la position du cadrage, à la déclaration d’amour, de la présence de la voix-off à l’emploi du réalisateur en tant qu’acteur. Albert Dupontel se prête gaiement au jeu, répondant avec franchise et sincérité et humour aux différentes questions et prouve une fois de plus qu’il est un homme humble et très ouvert. Il parle ensuite des difficultés pour écrire un film, de ses thèmes récurrents et de sa volonté de mettre en avant des problèmes pour les dénoncer avec un côté tragicomique. Il parle aussi de son futur prochain projet dont l’écriture est déjà terminée, mais avec un budget encore plus mince. Punaise, les gars, arrêtez de donner des sous à Michael Bay, mettez-les dans quelque chose qui sert, qui possède un fond ! Donnez-les à Albert Dupontel ! La soirée se finit par une séance de dédicaces à la cool devant le s portes de la salle de cinéma. Encore une fois, le bonhomme se montre ouvert, écoute tout le monde, ne refuse rien et prend des photos à la pelle. Tiens, d’ailleurs on est là, Mickey à droite avec son t-shirt noir et moi à gauche avec ma vieille barbe mal rasée.
Bref, encore une soirée géante organisée par les amis de la Deviant Zone, qui reste dans une dynamique incroyable, qui font bouger le cinéma du centre-ville et qui donne envie de revenir. Un gros cadeau pour cette soirée entièrement gratuite, qui aura permis de rencontrer un grand monsieur, d’une humilité extraordinaire et de découvrir un film absolument superbe. Un gros merci à Albert Dupontel pour sa générosité, et un gros merci à Damien et Colin pour leur boulot fantastique. On se retrouve donc pour la soirée Court-Métrage, avec là aussi, de nombreuses surprises !
Par AqME