Aujourd’hui j’ai enfin pu voir plus d’un programme dans la même journée.
Et pour essayer de rattraper mon retard dans les sélections principales, je me suis penché sur les compétitions nationales et internationales.
C’est donc avec cinq courts venus des quatre coins du monde que j’ai commencé ma journée, ce qui me fait remarquer que les films semblent être de plus en plus long chaque année. La durée moyenne des métrages est de 15 minutes, et il n’est pas rare de voir des courts dépasser les 25 minutes. Autant dire que dans ces cas-là, ils ont intérêt à être sacrément intéressants.
Dans ce programme internationale, si l’absurde film québécois Sigismond sans image amuse beaucoup, avec son jeune homme (très bon acteur par ailleurs, qui pourrait se retrouver sur le podium) né sans image, que la réalité semble nier vu qu’il n’a ni reflet, ni photo, ni vidéo, et si le documentaire contemplatif A Very Hot Summer sur la vie sous les bombes à Gaza serre le cœur, c’est bien l’allemand Étage X qui aura fait souffler un vent de folie dans la salle Cocteau.
Ce qui démarre comme un postulat de comédie sociale ou de thriller (deux quinquagénaires se retrouvent coincées dans un ascenseur entre deux étages) glisse progressivement vers l’absurde le plus complet et le plus irrévérencieux. Tout en silences, en regards et en sous-entendus, le film fait mentir le cliché habituel sur la lourdeur des films allemands, et fait figure de souffle d’air frais au ton revigorant.
Dans le programme français suivant, un titre faisait peur : Je les aime tous, qui du haut de ses trente minutes et sur un sujet sérieux avait tous les atours d’une chronique sociale lourde et bavarde, rébarbative comme seule la France sait en faire dans ses moments de faiblesse.
Et pourtant, il s’avère que le film de Guillaume Kozakewiez est un des meilleures de la journée, et du festival pour l’instant. Avec beaucoup de pudeur et de légèreté, il raconte la nuit d’une travailleuse du sexe sur le retour dans les années 70, fortement inspirée de la vie de Grisélidis Real, écrivaine, peintre et prostituée activiste qui fut une des meneuses de la « Révolution des prostituées ». Bien sûr les dialogues, et les textes tirés des véritables écrits de Grisélidis, sont d’une justesse incroyable, bien sûr la réalisation est racée et douce, très sensitive, mais c’est surtout l’interprétation de Corinne Masiero (Louise Wimmer dans le film éponyme), qui pourrait bien décrocher un prix d’interprétation tant elle apporte une profondeur et une empathie à cette « femme de la nuit » assumée et protectrice.
À côté de ça, si le joli Le sens des choses met un peu de baume au cœur, c’est une sélection qui brillera par sa piètre qualité. Le public a dû subir un film de la Fémis (qui comme à son habitude fait dans le chiant et le prétentieux, qui veut faire de l’art social et oublie de raconter une histoire intéressante, avec un titre bien pompeux, ici Au loin, Baltimore) et un ovni longuet et au final assez insupportable, Marie Salope, qui n’a ni queue ni tête et semble surtout ne pas savoir où aller.
Après ça, il faut se laver les yeux, et je vais pouvoir le faire avec une autre sélection française, qui pouvait faire peur également avec ses deux films de 30 minutes, mais qui s’est avéré diablement excitante.
Si l’on excepte un Kymco franco-grec absolument inintéressant qui ne raconte rien, on aura été gâté par la qualité des métrages.
Notamment celle de Goût Bacon, une comédie où deux copains de cité essaient de faire taire les rumeurs autour d’eux en partant à l’assaut de deux jeunes filles, le tout dans une semi improvisation et avec des dialogues délicieux (je retiendrais surtout le « Elle me met des ‘vus’ » d’un jeune qui se plaint du comportement d’une fille envers lui sur les réseaux sociaux). Un langage fleuris, des acteurs énergiques, et une ambiance rafraichissante qui rappelle le court Guy Moquet qui en 2015 était reparti avec le prix du public et le prix du jury. Pas impossible que celui-là se fraye aussi un chemin jusqu’au palmarès final, grâce à la gouaille de ses interprètes et à la sympathie dégagée.
Et on retiendra aussi la qualité de Du Plomb pour les bêtes, la preuve que oui, les français savent faire du cinéma de genre sans copier et sans perdre leur authenticité, avec un ton qui leur est propre, pourvu qu’ils se donnent les moyens. Du Plomb pour les bêtes raconte une histoire simple, pas forcément surprenante, celle d’un ancien militaire qui atterrit dans les Vosges et devient gardien de nuit dans un hôtel où semble régner un étrange climat, entre le malaise constat et la franche camaraderie trop appuyée pour être honnête. Véritable thriller condensé, écrit et monté au cordeau, Du Plomb pour les bêtes est un film acéré d’où rien ne dépasse, sans gras, et avec une tension qui ne se relâche jamais, tant on suppute une catastrophe ou une entourloupe qui finira par arriver. Là où un tâcheron aurait délité le propos pour en faire un actioner sans âme d’une heure trente, Théodore Sanchez ramasse son récit tendu et conserve la crispation du début à la fin. Sans compter une très bonne interprétation, encore une preuve que la France est aussi capable du meilleur, quand elle le veut.
Satisfait, je rentre dans mes pénates.
Demain, c’est mon dernier jour (et ouais, problèmes familiaux, je dois rentrer dans le Sud) et je compte bien en profiter au maximum pour voir encore quelques sélections officielles, et si possible un autre programme Humour Noir qui avait fait forte impression.
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Corvis.