Déjà le troisième jour au Festival des Maudits Films. C’est fou comme le temps passe vite quand on s’éclate.
Hier c’était soirée cinéma fantastique français, aujourd’hui ce sera une spéciale vampires, avec l’italien Le Massacre des vampires et l’américain Vampires, vous avez dit vampire ? Mais ne vous inquiétez pas, soyons un peu chauvin, le pays des fromages qui puent et des vaches qui pètent ne sera pas en reste puisqu’il aura quand même une part privilégiée aujourd’hui, déjà au travers des versions françaises réussies ou inénarrables, mais aussi grâce au film en compétition aujourd’hui, le tryptique de courts-métrages Hormona de l’obscur Bertrand Mandinco (en tout cas obscur pour moi, ce fut une découverte).
Avant cela, une autre présentation enregistré par un François Cau éminemment trublion, présentation qui, de l’aveu même de Karel, ne sera montré que cette unique fois, et enterré ensuite pour ne plus jamais refaire surface, on nous demande même de ne pas trop en parler autour de nous. Je n’en parlerai pas donc, mais sachez juste que c’était très très drôle et que ça spoilait Star Wars 7.
Hormona donc, film(s) étrange et original, sorti des méandres d’un esprit résolument tordu (mais dans le bon sens du terme) est en fait une succession de courts d’une durée de 45 minutes au total, avec en égérie la même Elina Löwensohn (actrice des années 90 vue dans La Liste de Schindler, Basquiat, ou La Sagesse des crocodiles), et un même goût prononcé pour le charnel et le psychédélique.
Dès le premier opus, Y’a-t-il une vierge encore vivante, le ton est donné. Cette histoire racontant comment Jeanne d’Arc n’est pas morte sur le bûcher, mais fut renvoyée errer, les yeux brûlés, et comment elle recueille une semi-vierge violée par un arbre (oui oui, vous avez bien lu) s’avère un pont plutôt poétique entre théâtre, art vidéo et cinéma. Halluciné, fantasmagorique, pétri d’expérimentations visuelles (comme ces filtres géométriques colorés qui donne à certaine images du film des airs de vitraux brisés) et porteur d’une charge érotique assez dérangeante, le film décontenance (une constante aux Maudits Films) autant qu’il fascine, au risque tout de même de laisser dubitatif les spectateurs quand le générique apparaît. Halluciné et fantasmagorique semblent être les maîtres mots de ce monsieur Mandinco puisqu’avec le court suivant on plonge encore plus profond au cœur de son esprit délirant.
Encore plus opaque et perturbant, à mi-chemin entre la fiction arty et la performance pure, Notre-Dame des hormones convoque aussi bien Lynch que Cocteau ou encore (et surtout) Cronenberg, en dévoilant, dans un style proche du conte onirique (narré par Michel Piccoli s’il vous plait), l’histoire de deux actrices découvrant une créature étrange uniquement constituée d’un corps spongieux semblable à une limace légèrement duveteuse, dénué du moindre orifice ou de la moindre aspérité, si ce n’est cet appendice nasal semblable à une trompe faisant office d’organe sensoriel. Une expérience extravagante, psychédélique et glauque, un peu longue et compacte, gorgée de symboles sexuels et de détails déroutant qui, si elle ne remporte pas totalement l’adhésion, reste un objet filmique dont on se souvient.
Quant au dernier segment, Prehistoric Cabaret, il s’avère le plus abscons et le plus court, voyant la meneuse de revue d’un cabaret privé sordide présenter une sorte de caméra organique (une nouvelle fois, on sent une influence toute cronenbergienne) qui, dit-elle, peut filmer l’intérieur des êtres, leur pensées profondes, en étant dans le noir complet. Normal donc qu’elle se l’introduise sans autre forme de procès dans un ou l’autre de ses orifices (le film garde le mystère à ce niveau là). Un film difficile d’accès, non dénué d’intérêt, mais propice à laisser pas mal de spectateurs sur le carreau. Un peu à l’image d’Hormona dans son entièreté en fait.
Encore un peu chamboulé, je profite de la courte durée du film, et du temps vacant avant la prochaine séance donc, pour aller me sustenter dans un Emily’s, un restaurant à burger façon diners des années 50 qui fait de la bonne bouffe dans une ambiance très sympa (oui, je fais aussi des chroniques gastronomiques à mes heures perdues, ne faites pas attention).
Retour à la salle Juliet Berto à 20h donc pour la première partie de la soirée vampires, à savoir le méconnu Le Massacre des vampires de Roberto Mauri, l’une des nombreuses tentatives des italiens de récupérer à leur compte l’imagerie gothique des grands classiques chère à la Hammer, qui s’essouflait déjà quelque peu avec des cross-over improbables et des parodies un peu proprettes (certains, comme la Maison de Frankenstein ou Deux Nigauds contre Frankenstein ayant d’ailleurs été chroniqués ici après leur sortie chez Elephant Films). Le film et la soirée nous sont présentés par Adrien Party de Vampirisme.com, tout timide et balbutiant avec ses petites fiches, qui devait faire son baptême de la présentation en public et s’est révélé aussi intéressant que ses confrères pour replacer le film dans son époque et nous parler un peu de ses acteurs, la plantureuse Graziella Granata, atout érotique du métrage qu’on retrouvera plus tard dans Don Camillo en Russie ou Pas de pitié pour les salopards, le Vincent Price du pauvre (si l’on en croit sa saisissante ressemblance dans ce film) Luigi Batzella, sous le pseudonyme de Paolo Solvay, ou encore le monolithique Dieter Eppler aux yeux de vampire écarquillés qui frayera ensuite dans tout ce que la télévision allemande fit de séries, Derrick, le Renard, la Clinique de la forêt noire, bref comme l’a si bien dit Adrien, on l’a tous vu un dimanche en zappant sur la deux.
Avant que la projection en elle-même démarre, on apprend qu’il a été impossible de savoir si le film était en version française ou originale, et que ce sera une surprise, notamment pour les amis d’Artus Films qui cherche désespérément une version doublée pour sortir le dvd du film dans un futur proche. C’est donc en croisant les doigts pour eux que nous démarrons le film, et…
Et c’est une version française !
Et quelle version française… Elle mérite à elle seule la vision du film, même si elle ne le hisse franchement pas vers le haut. Très classique dans sa structure et sa réalisation, non dénué d’intérêt et de ce charme désuet des pelloches artisanales et sans le sou, mais au rythme plus laudatif qu’hypnotique, le Massacre des vampires acquiert une dimension encore plus anesthésiante par son doublage. Constamment mal synchronisé, neurasthénique, souvent monocorde ou tout simplement à côté de la plaque, celui-ci achève de ridiculiser des acteurs déjà peu aidés par leur jeu, au choix, outré ou soporifique, mais a quelque chose de fascinant dans le côté non-sensique de la mixture alors créée, se mélangeant parfaitement avec l’intrigue et l’action, toutes deux très minimalistes. Quand il n’engendre pas carrément des situations à la limite de la perversion, comme lorsque le héros, mordu par une vampire mais en rémission, propose à la fillette du gardien de son château de venir avec lui dans le parc, la nuit, pour lui montrer des cachettes qu’elle ne doit pas encore connaître…
En bref un film qui a pris un sacré coup de vieux et ne figure pas parmi les grandes réussites du cinéma gothique italien (pas étonnant qu’il soit aussi méconnu finalement), mais devient un sacré OFNI grâce à ce doublage approximatif aussi aberrant que réjouissant.
La pilule passée (et l’assoupissement repoussé, j’avoue), il est temps de finir la soirée avec une valeur sûre pour tous les cinéphiles ayant grandi dans les années 80 et 90, le Vampire, vous avez dit vampire ? premier du nom. Réalisé par Tom Holland (celui derrière le premier Chucky hein, pas le futur Spiderman) (qui n’était probablement même pas encore rêvé à cette époque) avec au casting Chris Sarandon, ex-mari de Susan plus tard de nouveau devant la caméra d’Holland pour Jeu d’Enfants et futur Jack Skellington chez Burton et Sellick, dans le rôle du vampire, et l’impayable Roddy McDowall, le Cornelius de la Planète des singes, dans le rôle du désormais célèbre Peter Vincent, le film est à nouveau présenté par un Adrien Party qu’on arrête plus. On apprend ainsi que le personnage de Peter Vincent est né du croisement des deux acteurs cultes Peter Cushing et Vincent Price, ou qu’il y aurait du avoir un troisième opus (après une séquelle très fun réalisée par Tommy Lee Wallace), si ça n’avait été de cet événement tragique qui mena à la mort du producteur, assassiné avec sa femme par ses propres enfants…
Bref qu’en est-il du film ? Et bien, encore une fois, il a été chipé dans les archives de la Cinémathèque de Grenoble, encore une fois, c’est une version française qui est proposée, et pourtant encore une fois impossible de se plaindre ! Il faut rappeler que le film date de 1986, en plein milieu de l’âge d’or du doublage, et que l’on retrouve du coup au casting vocal de grands noms du procédé, comme Bernard Murat (déjà en ouverture du festival en voix de Malcolm McDowell dans C’était Demain), Luq Hamet (doubleur de Michael J. Fox aka Marty McFly) et le célèbre Richard Darbois (voix officiel d’Harrison Ford mais aussi de… Biff Tannen). Une vraie retrouvaille pour les deux comédiens après Retour vers le futur l’année précédente. Ils donnent une vraie plus-value et un charme nostalgique à un film toujours amusant, aux effets spéciaux impeccables et aux personnages attachants, mais qui a un tout petit peu vieilli dans son rythme (assez plan plan avant la demi heure finale) et son intrigue, finalement assez minimaliste.
Je ne l’avais personnellement pas revu depuis sa découverte en vidéo-club il y a presque 15 ans, et mes souvenirs étaient beaucoup plus explosifs que le film actuel, qui tient plus souvent de la comédie situationnelle sympathique que du film d’horreur léger qui accumulerait les péripéties. Néanmoins, impossible de bouder son plaisir, malgré la copie un peu fatiguée, Tom Holland multipliant les idées de mise en scène et les détails référentiels réjouissants (comme ce vampire sifflotant « Stranger in the Night » en se faufilant dans la chambre de sa future victime). Et il faut bien avouer que la dernière partie, assaut désespéré sur la demeure du monstre pour sauver la love-interest du héros, est particulièrement prenante et bourrée ras la gueule de scènes enthousiasmantes et d’effets spéciaux croquignolets.
Une seule envie après la vision du film, (re)découvrir sa suite ! Seulement après quelques recherches, apprenez que suite à des problèmes de droits, le film n’a jamais été distribué en France en VHS ou dvd, si ce n’est dans les vidéo-clubs aujourd’hui disparus. Une seule solution : chiner une antique VHS avec droits locatifs, ou espérer l’existence d’un dvd américain…
Les yeux plein d’étoiles autant qu’ensommeillés, je me faufile hors de la salle en résistant à la tentation de me payer un des délicieux hot-dogs végétariens proposés à la sortie (j’ai assez mangé aujourd’hui), et je file vers le tram. Après un changement, 20 minutes d’attente et 5 minutes de marche dans le froid, je peux enfin retirer mes pompes et me reposer, déjà impatient à l’idée d’entamer une nouvelle journée qui devrait encore une belle aventure.