Le lundi, c’est permis, les enfants retournent à l’école, et le Cannivore se plante devant un dessin animé en suçant son pouce.
Au menu, Isabelle Huppert est partout, le cinéma aussi, et à Cannes, il y a de l’animation.
La bande-annonce du jour
Vice Versa, tout le monde l’a vu, La Loi du Marché sort demain dans les salles, du coup, la bande-annonce du jour, c’est celle de Plus fort que les bombes. Ce film de Joachim Trier (remarqué en 2011 avec Oslo 31 Aout) est présenté en sélection officielle et réunit un casting hétéroclite, puisqu’on y retrouve la française Isabelle Huppert, le vieux briscard Gabriel Byrne ou encore l’étoile montante Jesse Eisenberg, révélé en Mark Zuckerberg dans The Social Network et futur Lex Luthor de Zack Snyder.
On y parle de deuil, de traumatisme post guerre du journaliste et d’une famille brisée dans l’impossibilité de communiquer, dans un film que certains critiques qualifient non sans une certaine déception d’une « version sérieuse de Garden State ».
Ça ne nous empêchera pas de vous faire découvrir quelques images de ce qui est le troisième film d’Isabelle Huppert présenté cette année à Cannes, après Asphalte de Samuel Benchettrit, et dans quelques jours Valley of Love de Guillaume Nicloux, avec le camarade Depardieu qu’elle retrouve pour la première fois depuis Loulou de Maurice Pialat il y a déjà 35 ans.
Elle va finir par se lasser des marches…
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Z8ShA9ei_yw[/youtube]
Le Programme du jour
En plus de Plus fort que les bombes, on retrouve un autre français dans la compétition officielle avec La Loi du Marché de Stephane Brize (Le Nouveau Protocole, Quelques heures de Printemps), avec Vincent Lindon, seul acteur professionnel du projet, qui hésite, alors qu’à 51 ans son nouveau travail est plus que précaire, entre l’éthique et cette fameuse « Loi du marché ». Un film qui fait déjà le buzz par son concept avant même qu’on découvre son sujet.
Et puis bien sûr, aujourd’hui c’est la toute première (française, mondiale ?) du nouveau Pixar, Vice Versa, qui revient à un sujet original pour la première fois depuis Rebelle, et qu’on espère revenir aussi à son meilleur niveau après plusieurs années très en dessous de leur qualité habituelle. Et enfin, les couche-tard pourront tenter la séance de minuit, le thriller coréen (décidément c’est une orgie) Office de Hong Wong-Chan (producteur et directeur photo de The Chaser et The Murderer), qui voit un détective suivre un serial killer responsable du meurtre d’une famille entière jusque dans la compagnie au sein de laquelle il travaille…
Rayon Un Certain Regard, c’est un ancien palmé qui revient, le thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, qui présente Cemetery of Splendour après avoir été récompensé du prix Un Certain Regard en 2002 pour Blissfully Yours, et bien sûr de la Palme d’or en 2010 à la surprise générale, pour le déroutant Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. A ses cotés, Las Elegidas (Les Elues), du mexicain David Pablos, conte la triste histoire de Sofia, tombant dans un réseau de prostitution par la faute d’Ulyses, son amoureux, qui devra lui trouver une remplaçante pour la sortir de là.
Les spectateurs de la Quinzaine des réalisateurs pourront eux continuer leur odyssée moyen-orientale, avec la deuxième partie des Mille et une Nuits de Miguel Gomez et deux heures de programme. Ils pourront aussi découvrir Les Cowboys, de Thomas Bidegain, qui force François Damiens à rester à Cannes, puisqu’après avoir été au générique du Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael aux côtés de Benoit Poelvoorde, il tient ici la tête d’affiche de ce drame en forme d’enquête qui voit un père, pilier d’une communauté country de l’Est de la France, partir à la recherche de sa fille disparue.
Quant au cinéma de la plage, pour changer un peu, il propose une exclusivité ouverte à tous, Enragés d’Eric Hannezo, remake du road-movie en huis-clos Chiens enragés de Mario Bava, qui réunit Lambert Wilson, Virginie Ledoyen et Guillaume Bouix, et qu’on attend avec impatience tant le premier fait figure de serie B culte énervé parmi les cinéphiles avides de cinéma d’exploitation.
Pour ma part, après Inside Out en séance presse à 11h, c’est journée spéciale film de genre, puisque j’enchainerai le film d’horreur Last Shift d’Anthony Diblasi (Dread), le film de mercenaires fauché (le film, pas les mercenaires) Atomic Eden avec Fred Williamson et Lorenzo Lamas, Enragés, et enfin Office en séance de minuit.
Wish me luck !
L’anecdote du jour
Aujourd’hui, la petite histoire des grandes erreurs.
Le président du jury de la 33e édition du festival était là par erreur. Le télégramme transcrit à la hâte devait arriver entre les mains d’un certain « Douglas Sirk« , mais il était affligé d’une problématique faute de frappe. C’est Kirk Douglas qui l’a reçu, et se trouva nommé par défaut.
Une fois installé dans son fauteuil de président du jury, il trouve une méthode imparable pour que son favori, All That Jazz, de Bob Fosse, reçoive aussi la palme d’or contre son jury : alors qu’il est ex-aequo avec Kagemusha, de Kurosawa et qu’un nouveau vote se préparait, Kirk Douglas s’enferme dans sa chambre et prétend être malade.
En 1983, David Bowie est la star de la croisette pour son rôle dans Furyo, de Nagisha Oshima. Quelques heures avant la remise des prix, une rumeur se répand: le film japonais a gagné la Palme d’or. Las, il s’agira en fait de l’autre film japonais, que tout le monde avait oublié, La Ballade de Narayama, de Shoei Imamura. L’histoire ne dit pas si l’équipe de Nagisha Oshima a bu tout le champagne qu’ils avaient déjà sabré.
Figurez-vous que j’ai passé la nuit dehors.
Dans l’impossibilité de rentrer après Green Room faute de moyen de transport, je suis resté à Cannes, tentant désespérément de me trouver un coin au chaud (on crève la journée, mais le soir le froid reprend ses droits), et à l’abri de la frénésie cannoise.
Du coup j’ai très mal dormi (sur les sièges de la gare), et c’est un peu la tête dans le rectum que je commence ma journée. Le bon côté des choses, c’est que je suis déjà sur place, je ne risque pas de rater la séance d’Inside Out à 11h, et une heure avant je suis bien placé dans la queue.
Et dans une salle déjà conquise, le nouveau Pixar fait ses débuts.
Quel retour mes amis, quel magie !
Rarement vu une salle autant à l’unisson, réceptive, hilare, touchée, rarement entendu autant de reniflements et de mouchages de nez, avec mes deux voisins qui tentaient de s’essuyer dignement les joues le plus discrètement possible (et je n’en menais moi même pas large). On se retrouve avec le meilleur Pixar depuis Toy Story 3 (vous me direz, ce n’était pas compliqué, mais tout de même), et celui-ci rentre directement dans le top 5 en ce qui me concerne. Doux, profond, drôle, pertinent, attachant, les qualificatifs manque pour cette odyssée au royaume des émotions qui touchera les adultes au cœur et qui parlera aux ados et pré-ados. Les plus petits passeront à côté du cœur de l’histoire mais seront forcément ravi par l’avalanche de péripéties et de couleur.
Je vous en parle plus longuement à mon retour.
Les yeux dans les étoiles, je sors un peu groggy, mais ravi, et je prends le temps de revoir mon planning. Celui-ci va quelque peu changer. Je n’ai dormi que quelques heures, la séance de minuit va être très compliquée. De plus, j’ai raté le Tout Nouveau Testament, et il ne repasse que demain à 10h, je serais jamais debout. Ou alors il passe ce soir. Je décide donc d’abandonner Office pour le voir demain en séance du lendemain, et préfère me rabattre sur le Van Dormael à 22h30. Tant pis pour Enragés, je regarderai peut-être le début avant de filer faire la queue.
Mais avant ça, direction le marché, j’ai des invitations glanées sur les stands et je compte les utiliser.
Tout d’abord Last Shift, petit film d’horreur avec des inconnus, réalisé par un inconnu, mais dont l’affiche m’a fait saliver, qui raconte la première nuit d’une jeune recrue de la police, dans un commissariat sur le point d’être désaffecté et qui doit être gardé en attendant les nettoyeurs. En gros, c’est un film de « commissariat hanté », très très classique dans son déroulement, à base de bruits étranges, de portes qui claquent et d’apparitions fantomatiques, et qui cherche à surprendre avec des procédés éculés. Mais à côté de ça, on a d’autres coups de théâtre qui marchent très bien, une héroïne charismatique qui tient le film sur ses épaules (c’est quasiment le seul personnage du film), une réalisation très appliquée qui révèle même quelques très bons passages (notamment un plan séquence final diaboliquement réussi), et une ambiance délétère assez glauque qui rappelle par à-coups la saga vidéoludique de Silent Hill. Du coup, sans être foncièrement original, ça se laisse agréablement regarder.
Ce n’est pas pareil pour Atomic Eden, un film complètement fauché produit par une obscure maison de production allemande, qui voudrait marcher sur les traces du Grindhouse et d’Expendables, anciennes gloires à l’appui. La présence de Fred Williamson et Lorenzo Lamas, ainsi que les character poster plutôt efficaces laissaient augurer du bon, mais du bon il y en a très peu. Direction artistique anémique (un immeuble abandonné et des couloirs font office de décor), acteurs à la ramasse, visuel digne d’un film amateur, effets spéciaux au rabais (mention spéciale au mur de briques en polystyrène pas fini d’être peint), le tout pas assez grand-guignolesque et drôle pour être un nanar, bref, à part les capacités martiales réellement impressionnantes de Mike Möller (cascadeur dans une tripotée de blockbusters et qui mérite que l’on s’attarde sur lui), la performance tout en dérision de Lorenzo Lamas, et quelques vannes, il n’y a rien à garder, si ce n’est la bonne humeur communicative du réalisateur. Ça fait trop peu hélas.
Exit donc Enragés, je prends le temps de faire un vrai repas avec des amis, et nous allons faire la queue pour être sûr de rentrer au Tout Nouveau Testament, ce que nous ferons sans problème aucun. Et c’est parti pour le nouveau film du réalisateur du Huitième Jour.
Jaco Van Dormael ne réalise peut-être pas souvent de films (4 en 25 ans), mais il fait mouche à tous les coups. Ici, avec ce récit poétique et ultra-caustique (je prédis les scandales religieux à la sortie du film), il raconte l’histoire de Dieu, qui existe, vit à Bruxelles, et s’avère odieux avec sa famille. Ou plutôt celle d’Ea, sa fille, cloîtrée dans un appartement depuis 10 ans, qui décide un jour sur les conseils de la statue de son frère JC de partir en quête de six apôtres supplémentaires et d’écrire un Tout Nouveau Testament. Et avant de partir, pour bien ennuyer son père, elle dévoile à tous les humains la date de leur mort par sms. Un film extrêmement ambitieux dans ce qu’il raconte, presque provocateur, mais d’une douceur phénoménale et d’une pertinence folle sur les rapports humains et notre rapport à la mort. Van Dormael mélange les préoccupations et les styles visuels de Mr Nobody et du Huitième Jour (on retrouve d’ailleurs Pascal Duquenne dans un caméo), pour réaliser une sorte de version douce et éthérée du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, sans perdre son humour irrévérencieux. Parler de la religion en y incluant envie de meurtre, zoophilie, transsexualisme, dépendance sexuelle ou encore maltraitance d’enfants, ça risque de faire grincer des dents, mais cela fait du film, porté entre autre par Benoit Poelvoorde, François Damiens ou Catherine Deneuve, un sacré morceau de cinéma.
Par Corvis