juin 8, 2023

BIFFF 2015: Itinéraire d’un Biffeur Gâté Jour 3: Du BIFFF et du Bof

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Au BIFFF, les journées se suivent et ne se ressemblent pas.

Aujourd’hui, c’est le Belgian Fantastic Day, presque entièrement consacré au cinéma belge dans tous ses états, avec conférence et court-métrages en et hors compétition.

J’avoue que ça m’intéresse moins (et comme je vous aime fort, j’ai passé une partie de l’après-midi à écrire la précédente chronique et à prendre des photos), du coup pour commencer mon programme j’ai le choix entre The Ignorance of Blood à 18h, adaptation espagnol du roman d’espionnage de Robert Wilson, ou la co-production franco-belge Être de Fara Sene à 19h, qui à la vision de la bande-annonce fleure bon le film chorale un peu trop mélodramatique.

Malgré cela, je décide de laisser sa chance au film du plat pays, tourné quasi intégralement à Liège mais sensé se dérouler à Paris (ce qui provoque quelques faux raccords rigolos, surtout quand on cadre en plein champ la devanture d’une boutique qui annonce les soldes en français et en flamand), curieux de voir à quoi peut ressembler ce film bien éloigné des propositions habituelles du festival.

Etre

Une chose est à noter : Bruno Solo tient un des rôles principaux du film, et il joue plutôt bien, de manière assez subtile.

Et c’est à peu près tout.

Je suis embêté, j’aimerais bien ne pas être dur avec cet Être qui respire la bonne volonté, et montre une envie évidente du réalisateur de faire le maximum avec très peu de moyens (imaginez, seul 10.000 euros ont pu être alloués aux décors pour un film qui multiplie les personnages et les environnements).

Seulement on ne sait que trop bien de quoi est pavé l’enfer…

Il y aurait énormément de choses à reprocher à ce film. Le jeu trop théâtral de certains acteurs, des dialogues pas beaucoup plus naturels rarement amenés avec subtilité, les histoires pas très passionnantes qu’on relie tant bien que mal pour conserver le principe de « film choral », les choix musicaux un peu discutables… Mais ce qui gêne le plus, c’est le manque de crédibilité des situations (il faut voir ce personnage dont « la colonne vertébrale a été fortement touchée » alors qu’on lui a tiré dans le foie) et surtout le pathos sans limite, à la lisière du misérabilisme le plus total, qui se dégage de l’ensemble.

Il n’y a pas de mal à tenter le lyrisme et le drame dans un film, mais il faut pour cela faire preuve d’un minimum de subtilité ou d’intensité, deux qualités dont Être semble dénué. Le film ne commence pas très bien, finit encore plus mal, et accumule comme des perles tous les stéréotypes de situations dramatiques possibles. Certes le film, suivant 24h de la vie de nombreuses personnes dont les destins vont s’entrecroiser, est divisé entre plusieurs histoires, et évite ainsi de concentrer tout le malheur du monde sur un seul personnage, mais dans un même film, ça fait quand même beaucoup.

D’autant qu’à trop se disperser entre les récits et les personnages, le film peine à donner une profondeur à ses thématiques, qui ne peuvent qu’être, au choix, survolées ou grossièrement surlignées. Parfois, sur une phrase, un échange de regard, une courte séquence, le film trouve son instant de grâce et fonctionne, le temps d’un instant, d’une surprise, mais hélas cela ne dure jamais longtemps, et le film recommence toujours à s’engouffrer dans le mauvais mélo et les gros sentiments. Fort dommage pour une équipe qu’on imagine investie malgré le budget étroit, mais un Bruno Solo plutôt subtil, ou un sous Tahar Rahim convaincant ne seront pas suffisant pour relancer l’intérêt d’un film qui manque gravement de finesse

Plombé par cet essai poussif, il fallait bien quelque chose pour relancer la machine. Heureusement, à 22h30, c’était l’heure de TURBO KID !!!

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Après les enragés canadiens d’Astron-6 hier, c’est au tour des détraqués québécois de RKSS de débarquer au BIFFF. Comme leurs congénères, les zinzins de la Belle Province se sont fait connaître avec des films autoproduits complètement barjes (et souvent d’un gore jubilatoire), héritiers d’un cinéma suranné et codifié qui fleurissait dans les années 70 et 80. Avec des pépites comme Bagman, Kalashnipot, Total Fury, Red Head Red Dead ou encore la série des Ninja Eliminator, Anouk Whissel, Yoann-Karl Whissel et François Simard ont fait les beaux jours des sites d’hébergements vidéo et la joie des internautes.

Pourtant, contrairement à leurs homologues canadiens, ils n’avaient jamais passé le cap du long-métrage. C’est maintenant chose faite avec ce Turbo Kid, version étendue de T is for Turbo, leur participation au concours d’ABC’s of Death qui avait fait forte impression en 2011.

Chauffés à blanc par un petit apéritif en la présence de Ninja Eliminator 4 :The French Connection (avec les impayables Rurik Sallé et David Doukhan), on s’attendait tous à un délire cradingue hyper-rythmé et totalement déluré dans la droite lignée de Manborg, qui fut le premier essai des Astron-6, mais les Roadkill Superstar ont pris tout le monde à revers.

Loin de ne se baser que sur l’outrance du concept et l’exagération graphique des situations, à l’inverse d’un The Taint ou d’un Hobo with a shotgun, ils ont décidé de prendre les choses avec sérieux et investissement, et de créer un univers certes décalé et second degré (nous sommes en 1997, l’apocalypse a eu lieu avant la fin des années 80, et l’humanité survit maintenant dans un désert asséché en se déplaçant à vélo et en écoutant des cassettes sur des walkmans), mais qui a un sens et une profondeur, plutôt que d’en faire un simple prétexte à une débauche de gaudriole.

Soit l’histoire du Kid (Munro Chambers, un illustre inconnu en ce qui me concerne), un gamin désœuvré en plein hiver nucléaire, troquant ses trouvailles pour de l’eau, qui se retrouve embarqué dans une aventure aussi incroyable que sanguinolente lorsqu’il va, dans la même journée, croiser le chemin de l’étrange et jolie (et envahissante) Apple (Laurence LeBoeuf, instant Love à faire rougir le geek le plus réfractaire), découvrir le véritable costume d’un super-héros d’avant l’apocalypse, et s’attirer les foudres du terrible et despotique Zeus (Michael Ironside très content de venir s’amuser).

À suivre cette histoire douce-amère, échevelée mais terre à terre, on pourrait presque croire les RKSS assagis et calmés. Il suffira d’un combat jubilatoire et ultra-sanglant dans une piscine à sec reconvertie en arène pour se rendre compte que non, les québécois fous n’ont rien perdu de leur mordant. Nous auront encore droit à l’avalanche d’idées saugrenues, de déclarations d’amour au 80’s et de déferlements gores, mais au profit d’un propos qui va chercher ses racines bien au-delà des zygomatiques.

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C’est là tout le miracle de Turbo Kid. Arriver à faire réfléchir, à émouvoir, à faire sourire, arriver à être un véritable plaisir pour les yeux, les oreilles (superbe bande-son électronique) et le cœur, sans jamais oublier de ruer dans les brancards en brandissant fièrement l’étendard du joyeux désordre et du mauvais goût. Au milieu des têtes tranchées, des mâchoires arrachées, des tripes sorties et des geysers de sang dans le plus pur style Troma, le film arrive même à nous décrire la rencontre touchante de deux adolescents, pleine de découvertes et d’espoir, alors que l’on nage en plein chaos post-apocalyptique sanglant. Tant et si bien qu’entre deux tueries grandiloquentes, on se retrouve émerveillé, le cœur serré devant l’ingénuité et la naïveté des protagonistes, et un désir de vivre qui donne envie d’aller leur faire un gros câlin.

C’est ça Turbo Kid. Un vibrant hommage au cinéma qui nous a vu grandir, le mélange improbable d’Amblin et du grindhouse, le croisement parfait entre les Goonies et Mad Max, l’euphorie sanguinolente en plus (curieuse coïncidence qu’un des personnages s’appelle Bagou, qui était le surnom de Corey Feldman dans la version française du chef-d’œuvre de Richard Donner).

Un film qui touche tellement l’enfant qui est sensé être resté en nous, tout en ne reculant devant aucun excès, qu’il nous réconforte un peu d’être devenu des adultes. Car comme disait le regretté Terry Pratchett : « Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé » (putain revient Terry, s’il te plait, on commence déjà à s’ennuyer).

Je ne sais pas pourquoi j’écris tout ça en fait. Pourquoi est-ce que j’aurai besoin de justifier quoique ce soit en analysant le film ? C’est une tuerie, c’est drôle, c’est gore, c’est beau, c’est poignant, c’est pas con, point barre. Faites-moi confiance bordel de merde. Attendez patiemment qu’un distributeur se décide à le diffuser dans nos vertes contrées, laissez tout cynisme au placard, et allez voir Turbo Kid. C’est bon pour le cœur.

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Je pense qu’il n’y a plus rien à ajouter, c’est comme ça que je finis ma soirée, des fulguropoings bariolés pleins les yeux et des robots qui jouent à chat plein le cœur. Ca fait que deux films, mais c’est bien assez en attendant la grosse grosse journée de demain et sa Nuit Fantastique qui m’emmènera dans ses méandres jusqu’à l’aube.

Par Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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