octobre 1, 2023

Festival des Maudits Films Jour 3

GRENOBLE, JOUR 3

Le soleil vient de se lever (air connu).

Et il n’est pas le seul. Non seulement nous aussi on est debout aux aurores (10h30 au moins), mais en plus un vent glacial souffle sur la ville, découvrant un peu les montagnes alentours, et obligeant le festivalier à se couvrir un peu plus.

Bref, il fait un froid de C A N A R D (c’est comme un froid de canard, sauf qu’on se l’épèle).

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Pourtant il faut bien prendre son courage à son cou, il y a encore un tas de films à voir aujourd’hui, et même si on retarde l’échéance en se pelotonnant dans un canapé, à un moment, le devoir nous appelle.

Donc, c’est sur les coups de 18h que nous arrivons à la salle Juliet Berto, pile pour le premier film de la journée, et le deuxième film en compétition.

Deuxième film de la compet et deuxième film français, puisqu’on nous propose de découvrir Dealer, aux antipodes de concept et de style du film de la veille, et qui s‘apparente à un Pusher français, ou, comme l’annonce François Cau le programmateur de la compétition, à « un sale gosse qui arrive dans la pièce, qui fait des doigts, et qui repart en claquant toutes les portes ». Tout un programme.

Et c’est peu dire en voyant arriver l’acteur/producteur Dan Bronchison (dont le passé houleux a donné son scénario au film) qu’on repère de suite le coup de poing dans les dents qu’on va se prendre pendant 75 mn.

Au premier abord, le spectateur peut penser que ce type est ivre. Ou shooté. Ou les deux. Mais en fait non, après quelques minutes de présentation du film, on s’aperçoit que ce mec est juste complètement fou. Mais dans le bon sens du terme. Une personnalité joviale, exubérante, énergique qui donne le ton d’un film tourné « à l’arrache », en 24 jours et bien souvent sans autorisations, avec des acteurs inconnus au bataillon.

Bref, c’est des étoiles déjà balancées dans les yeux et le souffle déjà court qu’on entame la projection.

Qu’en est-il de ce Dealer de Jean-Luc Herbulot donc ? Et bien exactement ce à quoi on s’attendait.

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Un film-mandale porté principalement par son rythme sans faille et ses acteurs impliqués, dont l’histoire de deal qui tourne mal et de course contre la montre resserrée sur 24 heures rappelle effectivement le film de Nicolas Winding Refn. D’autant que la réalisation se fait intégralement en caméra portée, avec une énergie brute et au plus près des personnages. Mais là où le danois cherchait à dérouler une ambiance crasseuse, glauque, et un rythme pesant parsemé d’éclats de violence (ce qui est devenu sa marque de fabrique), Jean-Luc Herbulot mise tout sur un montage haché, un enchaînement frénétique d’embûches et une réalisation ludique qui le ferait presque plus passer pour une version à petit budget du Hyper Tension de Neveldine et Taylor. Les truands sont typés et diversifiés (pakistanais, blancs, arabes, noirs, manouches, toute la faune du petit banditisme y passe), les fausses pistes nombreuses, les dialogues ouvertement imagés, et Dan, notre pauvre héros, navigue de l’un à l’autre sans temps mort. Le principe aurait pu être redondant, mais le réalisateur utilise des gimmicks ludiques variés pour toujours conserver notre intérêt, des astuces de réalisation qui rappellent un peu le cinéma de Guy Ritchie ou le David Fincher anarchiste de Fight Club. Quant aux acteurs, ils ont le mérite de sortir de nulle part et s’avèrent immédiatement attachants (même les plus sadiques), en plus d’être d’un naturel confondant. Et il fallait avoir un sacré talent pour ne pas sombrer dans le ridicule avec des dialogues aussi gouailleurs et orduriers. De ce côté là, Dealer frôle souvent le too much sans jamais y tomber, malgré des répliques bigger than life, et c’est grâce à leur implication et leur sérieux que celles-ci deviennent cultes plutôt que de faire pouffer de honte.

Au pire on pourrait reprocher au film son utilisation un peu systématique du montage alterné, mais ce serait du pinaillage tant il a une fonction précise et permet au spectateur d’être toujours tenu en haleine.

Notre première réaction pendant le générique de fin fut : « putain, mais y’a presque personne qui a bossé sur ce film ! » Effectivement, non content de se remettre de cet uppercut à l’estomac, visuellement et psychologiquement violent, il faut digérer le fait incroyable qu’il a été vraiment fait en mode commando avec une équipe très réduite.

Ce que confirme le père Bronchison, excellent acteur au demeurant (et je baise mes mots) (en levrette) qui au final aura fait 800 km aller retour dans la journée juste pour venir présenter son film et se frotter à une séance de question/réponse. Toujours aussi extraverti et emphatique, il nous explique que le budget final du film ne dépasse pas les 100 000 euros, qu’il s’est endetté pour pouvoir le sortir, mais que grâce à tous ces efforts et cette bonne volonté, le film sortira bien au cinéma dans quelques temps. Dans peu de salles, certes, mais ce n’est pas une raison suffisante pour s’empêcher de voir cette pelloche revigorante, qui flirte toujours avec le trop plein sans jamais sortir de sa ligne de conduite complètement punk.

Aux Maudits Films on a rarement le temps de se remettre de nos émotions. Dix minutes de discussions supplémentaires à l’entrée du bâtiment en se protégeant des morsures du vent, que l’on doit déjà venir se réinstaller dans la salle pour le double programme de la soirée, placé sous le signe de la jungle et des marais.

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Avec l’aide de la Cinémathèque de Grenoble, l’équipe du festival nous a encore concoctée une soirée rétrospective de toute beauté, avec tout d’abord un film d’aventure suranné et joyeusement kitsch de 1956, Quand la Jungle s’éveille. Une œuvre de Curt Siodmak (scénariste du Loup-Garou de 1941, et frère de Robert, le réalisateur culte des Tueurs, du Corsaire rouge ou de Pour toi j’ai tué, tous trois avec Burt Lancaster), dont Eric Peretti, toujours aussi intarissable, nous compte les déboires à coups de tourista générale, de toilettes à 10 minutes du plateau et autres acteurs mis en danger par de véritables serpents.

Quant au film, si bien sûr il faut le voir au second degré pour vraiment l’apprécier, la VF rajoutant encore un cachet nanardesque à ce pur produit de son époque, paternaliste, machiste, à l’exotisme de studios et au monstre de carton pâte, il n’en demeure pas moins plaisant, rythmé, jamais avare en péripéties improbables. Mieux encore, on peut même y déceler certaines idées et thématiques pas bêtes du tout, qui peuvent surprendre le spectateur là où l’on pouvait s’attendre à une petite gâterie plus ou moins ridicule et cousue de fil blanc. Certes, on rit plus qu’on est inquiets pour les personnages, mais ça ne se fait aussi avec le film et pas seulement à ses dépends, puisque le scénario a la bonne idée de parsemer le tout de situations rigolotes, de dialogues enlevés et de bons mots.

Alors oui, les stock-shots animaliers sont nombreux et voyants, les rares fonds verts encore plus, et les figurants semblent parfois un peu perdus au milieu de tout ça, mais c’est aussi ce qui donne son charme à ces œuvres nostalgiques pleines de bonne volonté et qui ne craignent jamais le ridicule, même avec un costume de monstre confectionné avec des plumes de poule du fermier du coin.

Le second film, bien que plus récent (enfin tout est relatif), s’attarde lui aussi dans les contrées de la série B bancale mais réjouissante.

Mais avant tout, l’entracte, l’événement de la soirée, l’instant que tout le monde attend sans trop savoir à quoi il va assister, c’est le show burlesque de Wanda de Lullabies !

L’instant sensuel avant le retour de la pellicule, soit une accorte jeune fille à la silhouette de pin-up, qui joue à la fois victime (corps et bras gauche) et créature du lac noir (bras droit et tête accrochée à l’épaule) pour un strip-tease qui fait autant chauffer les slips que muscler les zygomatiques. Tour à tour agressée ou déshabillée par sa créature, Wanda nous offre un show musical sexy proche du mime qui aura écarquillé les mirettes de plus d’un spectateur. Une jolie fille qui se déshabille, c’est déjà un spectacle attrayant en soi, mais quand le show est également drôle, théâtral et référencé, alors là… C’est mot compte triple ! « Menu best of normal ou maxi ? Maxi s’il vous plait ! »

Enfin bref, revenons à nos mouflons.

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On passe donc de la jungle au marais, avec Le Retour de la créature du Lagon ‘Return of the Swamp Thing en VO, ne me demandez pas pourquoi les titreurs français ont préféré le lagon au marais), suite du film moyen de Wes Craven, et cette fois-ci réalisé par Jim Wynorski, un vieux briscard du bis toujours en activité qui a connu une petite heure de gloire dans les 80’s avec des titres sympathiques comme Chopping Mall ou Le Vampire de l’espace, avant de plonger dans les abîmes du DTV fauché. Ici, il convoque les principaux protagonistes du film original, à savoir le musculeux Dick Durock en créature et le français Louis Jourdan (Comte de Monte Cristo en 1961 et Kamal Khan dans Octopussy) en grand méchant en chef. À leur côté une nouvelle venue, qui à cette époque n’en finissait plus de faire parler d’elle sur les écrans avec Hooker et Dynastie : Heather Locklear, qui jouera la fille du méchant.

Sans chichi et sans honte, Le retour de la créature du lagon est un pur produit des années 80 qui fleure bon la déconnade, de la musique aux costumes en passant par les effets spéciaux. Tout est kitsch. Pas foncièrement raté, mais clairement too much. Les gardes du méchant sont des musclor et des playmates tous droits sortis d’un manuel d’aérobic, la créature court difficilement dans un costume de latex qui gigote et prend des poses héroïques dignes du comics, une galerie de mutants en caoutchouc s’ébat dans les caves du vilain docteur Arcane, et Heather joue la potiche ingénue avec une énergie qui force le respect. Elle est tout de même le centre de l’attention, puisque l’histoire tourne autour de ses gènes, qui comme ceux de sa défunte mère pourrait servir à l’élixir de jeunesse tant recherché par son père. Elle sera ainsi pourchassée, sauvée par une Créature du lagon qui apparaît toujours au bon moment, et dont elle tombera amoureuse (si si, ça existe, ça s’appelle la dendrophilie) (ressortez votre dictionnaire bande d’ignares).

Oui c’est con, oui c’est un peu mal foutu, mais jamais ennuyant, et surtout comme le film précédent, le Retour de la Créature du Lagon a la bonne idée de ne pas se prendre au sérieux, et là encore le métrage prodigue plus souvent le rire qu’il ne le subit.

Il faut dire que la présentation d’Eric Peretti, où l’on a vent des relations houleuses entre le réalisateur et Louis Jourdan (qui ne voulait pas d’allusions sexuelles dans les dialogues, quand bien même il aurait tourné juste avant un film dénommé Octopussy) et de la physionomie actuelle de l’héroïne, passant peu à peu, par excès de botox, du statut de la Belle à celui de la Bête.

Une bien belle soirée quoi !

Du moins si tout cela s’était conclu sur un court trajet en tram et un retour agréable dans nos pénates. Las, à cause d’une agression sur une des lignes, tout le trafic est interrompu, et c’est la mort dans l’âme et du givre entre les miches que nous nous mettons en route, pour une marche de 40 minutes dans le vent sibérien.

Il faut qu’on l’aime le cinéma hein !

Par Corvis

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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