avril 20, 2024

Benedetta

De : Paul Verhoeven

Avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Hervé Pierre, Lambert Wilson

Année : 2021

Pays : France, Pays-Bas

Genre : Drame

Résumé :

Au 17ème siècle, alors que la peste se propage en Italie, la très jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia en Toscane. Dès son plus jeune âge, Benedetta est capable de faire des miracles et sa présence au sein de sa nouvelle communauté va changer bien des choses dans la vie des sœurs.

Avis :

Après avoir bousculé les Pays-Bas, puis les Etats-Unis, Paul Verhoeven a connu un long passage à vide. S’il est bien revenu dans son pays et a signé un film puissant et magnifique, « Black Book« , le hollandais a surtout connu une dizaine d’années où il n’a plus rien fait. Puis c’est en 2016 que le metteur en scène revient et pour cela, il « s’installe » en France et propose « Elle« , film porté par Isabelle Huppert et Laurent Laffite. Ce retour aux affaires de Paulo fut aussi marquant que bon. Dès lors, le réalisateur se lance dans un second film en français. Un film plus grand, « Benedetta« . Tournée en 2018, le film devait être projeté à Cannes en 2019, or, il fut alors décalé pour des raisons de santé, Verhoeven devant se fait opérer. Pas grave, il sera présenté à Cannes en 2020 et comme on le sait, le Covid est passé par là.

Ainsi donc, quatre ans après son tournage, et trois festivals de Cannes plus tard, « Benedetta » arrive enfin dans les salles et l’attente valait bel et bien le coup. Trente-six ans après « La chair et le sang« , Paul Verhoeven se replonge dans un film d’époque, mais cette fois-ci, il s’intéresse à une histoire bien étrange. Une histoire qui laisse planer un doute. Cette histoire, c’est celle de la Sœur Benedetta, une nonne qui communiquait avec Jésus qui fut l’objet de bien des discussions sur la véracité de ses propos. Mysticisme, fabulatrice, réelle communication, miracle, ou simplement manipulatrice ? À travers l’histoire de cette sœur, Paul Verhoeven livre-là un bon film, qui se fait très intéressant aussi bien du point de vue mystique, que du point de vue religieux, pointant du doigt la façon dont les instances religieuses s’accommodaient, ou non, des miracles, ou encore d’un point de vue historique. Puis le tout est saupoudré d’une sauce Verhoeven tout à fait appréciable. Si l’on ajoute à cela une grande Virginie Efira, comme je le disais, ça valait le coup d’attendre ce « Benedetta« .

Italie, XVIIe siècle, dans la commune de Pescia, dans le monastère des Théatines, la sœur Benedetta prétend être entrée en contact avec Jésus. Très vite, « sa possession » est le sujet de toutes les discussions, entre ceux qui l’adulent et ceux qui ont de sérieux doutes sur ledit miracle et surtout sur les stigmates qui apparaissent sur le corps de la sœur.

Dix-septième film de Paul Verhoeven, si « Benedetta » demeure assez loin de la violence et des scandales habituels qui parcourent le cinéma du hollandais, il n’en demeure pas moins un bon cru pour son réalisateur. Un cru certes un peu sage (et encore, un certain passage a déjà fait sa petite polémique, et même entraîné une pétition pour blasphème…), mais un cru tout à fait respectable, qui tient son lot de petites merveilles.

Le cas de la sœur Benedetta est un sujet à mystère, et c’est bien là que le film de Verhoeven se fait plus plaisant, intriguant et intéressant. Certes, à travers l’histoire de cette sœur possédée ou non, le réalisateur en profite pour peindre une église assez hypocrite, pécuniaire et jalouse. Tout le tableau fait sur l’Italie de l’époque est excellent. Une Italie ravagée par la peste, qui cherche des miracles. Mais là où le film est le plus réussi et intéressant donc, c’est sur les dires et les actes de la sœur Benedetta. Racontant les visions, racontant l’amour et la relation qu’a la sœur avec le seigneur, racontant les stigmates, racontant le procès, Paul Verhoeven laisse planer un doute sur le miracle ou non, ce qui est très plaisant. La sœur était-elle possédée ou s’agissait-il là d’une fabulatrice qui a manipulé tout le monde ? La réponse est très loin d’être claire et le réalisateur, à travers les récits et les actes, laisse cohabiter deux vérités au sein de son film, ce qui laisse le spectateur sujet à l’interprétation. A-t-on envie de croire Benedetta ou non, chacun, au vu de ce qui nous est raconté, en tirera sa « propre vérité » et c’est là que le film tient toute sa saveur.

On ajoutera aussi à cela des pours et des contres, des qualités et des défauts, avec d’un côté, une histoire d’amour et de découverte de soi, du plaisir et « du partage » avec une autre sœur, et de l’autre, des visions toutes intéressantes, car elles décrivent bien l’amour et les doutes de la sœur, mais il faut dire aussi que Paul Verhoeven s’amuse avec ces visions, les caricature parfois, poussant quelque peu au kitsch qui peut prêter à sourire. Notons aussi que si l’écriture est bonne, le film tient aussi certaines répliques qui sonnent fausses, voire même très fausses.

Autre bon côté, pour le film, c’est bien sûr sa mise en scène, et si dans un sens « Benedetta » reste très sage, il n’en demeure pas moins un film redoutablement exécuté. Certes, d’un côté, on aura le droit à des idées et des moments quelque peu kitschouilles, mais de l’autre, on aura surtout une excellente reconstitution d’époque, un rythme qui ne faiblit pas, des séquences qui sont très belles. Paul Verhoeven nous offre une excellente plongée dans ce monastère, et oscille très bien entre désir, pêché, petite provocation, intime, et dans une certaine mesure, « Benedetta » peut se vanter à une démesure (sa reconstitution, les scènes de la comète, les scènes d’église, le bûcher).

Enfin, dernier atout et pas des moindres, son casting, qui pour la plupart est impérial. Si l’on peut avoir des doutes sur la jeune Daphné Patakia dont on n’arrive pas à saisir si elle est excellente ou mauvaise, pour le reste, le film nous offre surtout une grande Charlotte Rampling, qui en impose à tout instant, et une immense Virginie Efira qui décidément n’a pas fini de surprendre, devenant une essentielle dans le paysage du cinéma français.

« Benedetta » est donc un bon cru pour le réalisateur néerlandais. Paul Verhoeven continue son « exploration » du cinéma français, et si « Benedetta » n’entre pas au panthéon des meilleures réalisations de son auteur, entre ses qualités et ses défauts, il demeure plaisant, intéressant et au-delà de ça, entre mystère, mysticisme et manipulation, il laisse planer un doute sur son histoire, qui m’a captivé et me donne d’ores et déjà envie de me replonger dans cette histoire.

Note : 14,5/20

Par Cinéted

Une réflexion sur « Benedetta »

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