mars 28, 2024

La Patrouille Perdue

Titre Original : The Lost Patrol

De : John Ford

Avec Boris Karloff, Victor McLaglen, Wallace Ford, Reginald Denny

Année : 1934

Pays : Etats-Unis

Genre : Guerre

Résumé :

Durant la Première Guerre mondiale, une patrouille de militaires traverse le désert de Mésopotamie lorsque leur commandant, le seul à connaître leur destination, est abattu par des bandits cachés. Le sergent de la patrouille décide de continuer d’avancer en espérant retrouver la brigade.

Avis :

Cinéaste à la carrière prolifique, John Ford est l’un des réalisateurs américains les plus importants de sa génération. On lui doit plus de 140 métrages partagés entre la période expressionniste et parlante ; du drame contemporain aux plus grands classiques du western. S’il est facile de citer quelques incunables, notamment Rio Grande ou La Chevauchée fantastique, son œuvre s’est ponctuée de productions moins grandiloquentes, mais tout aussi intéressantes à appréhender. A priori, c’est le cas de La Patrouille perdue qui, derrière ses atours de film de guerre, s’oriente surtout vers le récit d’aventures, sorte de préambule historique du 7e art au courant « survivaliste ».

La présente intrigue prend place durant la campagne de Mésopotamie, lors de la Première Guerre mondiale. De prime abord, le contexte laisse à supposer une incursion au cœur du conflit opposant l’Empire ottoman et le Royaume-Uni. On suit ainsi un groupe de soldats britanniques qui s’éloignent de leur troupe, s’égarent et trouvent refuge au cœur d’une oasis avant d’être cernés par l’ennemi. Le prétexte ne s’embarrasse guère de circonvolutions narratives pour dissimuler sa simplicité apparente. En cela, le scénario fait preuve de linéarité et suggère très rapidement l’inéluctabilité du sort des principaux intervenants.

On notera également de nombreuses libertés prises avec le corps de l’armée. Cela passe tout d’abord par une absence presque totale de hiérarchie qui présente d’ordinaire une importance fondamentale. Ici, l’esprit de camaraderie est exacerbé à tel point que le sergent s’apparente davantage à un grand frère à l’écoute plutôt qu’à un leader responsable de la vie de ses hommes. De plus, John Ford met en avant l’image du soldat qui fait preuve d’une bravoure inconsidérée face à l’ennemi. Celle-ci se traduit aussi bien par la ferveur religieuse que par la colère ou même la volonté de se venger. Une témérité inutile, presque irrationnelle, car elle débouche sur une finalité similaire pour chaque personnage.

Cependant, les comportements peu crédibles ne se font pas l’écho de la caractérisation, soignée au demeurant. À travers leurs conversations, les protagonistes se dépeignent en fonction de leurs aspirations et de leurs motivations à intégrer l’armée. Là encore, l’idéalisation est assez évidente dans le sens où il s’agit d’un engagement et non d’une mobilisation forcée. Toujours est-il que les soldats présentent un visage humain et perfectible ; du bleu au baroudeur. Il est dommage que cette profondeur liée aux personnalités décrites ne se répercute pas sur leurs réactions, ne serait-ce qu’à travers une remise en cause de cette situation inextricable ou même de l’ironie qui en découle.

Les confrontations intestines sont plutôt sporadiques et s’appuient sur des divergences superflues. La notion de survie est aussi peu développée, même si le cadre du désert et la raréfaction des ressources prêtaient à creuser cet aspect de l’intrigue. On peut également regretter un discours manichéen qui ne laisse aucune ambiguïté quant au bien-fondé de la présence des soldats britanniques qui affrontent les locaux. Les Arabes sont alors l’ennemi invisible. En l’occurrence, cette optique ne sous-tend pas une menace latente, mais suggère surtout la veulerie de l’antagoniste face aux vaillantes troupes du Royaume-Uni. Un propos archaïque et suranné.

Ce qui s’avançait comme la découverte d’un classique du film de guerre (ou d’aventures) se solde finalement par un métrage vieillissant à tout point de vue. La principale force de La Patrouille perdue tient surtout à la caractérisation de ses personnages et à son cadre. Remake éponyme du film de Walter Summers, la version de John Ford survole tous les aspects de son récit. Le contexte de la Première Guerre mondiale se contente de lignes grossières. L’image du corps de l’armée n’est à aucun moment mise à mal, tandis que la survie en milieu hostile s’étiole bien vite. Ajoutons à cela une violence édulcorée et des comportements emportés guère plausibles pour se confronter à une production basique et anodine, même si elle pose quelques fondamentaux pour l’évolution des genres respectifs par la suite.

Note : 11/20

Par Dante

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