mars 28, 2024

1991 – Franck Thilliez

Auteur : Franck Thilliez

Editeur : Fleuve Noir

Genre : Thriller

Résumé :

En décembre 1991, quand Franck Sharko, tout juste sorti de l’école des inspecteurs, débarque au 36 quai des Orfèvres, on le conduit aux archives où il est chargé de reprendre l’affaire des Disparues du Sud parisien. L’état des lieux est simple : entre 1986 et 1989, trois femmes ont été enlevées, puis retrouvées dans des champs, violées et frappées de multiples coups de couteau. Depuis, malgré des centaines de convocations, de nuits blanches, de procès-verbaux, le prédateur court toujours.
Sharko consacre tout son temps à ce dossier, jusqu’à ce soir où un homme paniqué frappe à la porte du 36. Il vient d’entrer en possession d’une photo figurant une femme couchée dans un lit, les mains attachées aux montants, la tête enfoncée dans un sac. Une photo derrière laquelle a été notée une adresse, et qui va entraîner le jeune inspecteur dans une enquête qui dépassera tout ce qu’il a pu imaginer…

Avis :

Pour la scène du polar français, la période de mai/juin coïncide généralement avec la sortie d’un nouveau roman de Franck Thilliez. Depuis les années 2000, l’auteur est parvenu à s’imposer comme l’une des principales figures du thriller dans l’hexagone. En plus d’une constance évidente dans l’écriture, il fait montre d’originalité et de maîtrise dans la narration de ses histoires. En parallèle de one-shots, son œuvre se ponctue d’enquêtes menées séparément ou conjointement par Lucie Hennebelle et Franck Sharko. Pour ce dernier, il est vrai que sa rencontre avec le lecteur s’est faite à mi-parcours de sa carrière, rendant une première partie de sa vie somme toute « mystérieuse ».

Comme le titre du présent ouvrage l’indique, on se retrouve plongé au terme de l’année 1991. Franck Sharko est alors fraîchement promu au mythique 36, quai des Orfèvres. D’emblée, l’intrigue s’écarte de l’image familière de l’inspecteur aguerri que l’on connaît. Sans doute est-ce dû à son inexpérience, mais son caractère se pare d’un certain idéalisme. Il ne s’agit pas de naïveté, car l’enquêteur fait preuve de lucidité sur l’état de la société, sur la nature humaine. Il y a donc un réel clivage entre le policier que l’on côtoie depuis plus de 15 ans et le portrait d’un « bleu » qui s’intègre dans une équipe de flics chevronnés.

Au sortir de ces considérations sur le personnage principal, 1991 s’avance comme un polar au sens classique du terme. Si cela ne présente aucun caractère péjoratif, la structure se tisse sur la base d’investigations méticuleuses que les amateurs distingueront sans difficulté. Entre le travail de terrain, le développement des hypothèses et les réunions destinées à faire le point sur les dernières découvertes, l’ensemble déploie tous les éléments inhérents au genre. Encore une fois, ce n’est pas un mal. Cependant, la progression et le suspense auraient gagné à prendre des chemins de traverse autres que les habituelles fausses pistes ou révélations qui suggèrent un point de vue différent.

L’amalgame des sujets évoqués est, en revanche, plus étonnant. On songe à la magie, à la culture haïtienne et au vaudou, sans oublier quelques dérives médicales et autres troubles psychologiques. Présentées comme cela, les thématiques sont difficilement assimilables. C’est sans compter le savoir-faire de l’auteur pour structurer les tenants et les aboutissants avec des justifications pertinentes et un enchaînement des faits convaincants. Chaque aspect n’entre donc pas en opposition, mais expose une facette spécifique de l’affaire, eu égard à l’intellect et à la méticulosité de l’antagoniste.

Contrairement à d’autres histoires où la base temporelle joue souvent de prétexte, le contexte de 1991 constitue également un élément à part entière du livre. Cela ne tient pas à quelques points disséminés çà et là. L’influence est réelle, notamment en ce qui concerne les méthodes d’investigation. L’informatique n’en est qu’à ses balbutiements. Dès lors, chaque recherche dans des archives s’avère laborieuse. On songe aussi à ces déplacements nécessaires pour consulter un dossier en urgence à plusieurs heures de route de la capitale. Il faut également prendre en compte des moyens de contact qui impacte sur la réactivité des équipes.

Au final, 1991 se révèle un polar aux fondamentaux maîtrisés. Si l’approche demeure classique, Franck Thilliez use du contexte et de la complexité de l’affaire pour faire la lumière sur le passé de son personnage phare. Malgré une progression attendue, le récit s’avère entraînant et devient même intrigant lorsqu’on considère l’intérêt des sujets avancés. Des rituels vaudous qui suggèrent une connotation irrationnelle aux techniques de magie (et de mentalisme ?), sans oublier les dérives du corps médical, 1991 dispose d’une grande richesse sous-jacente. Ancré dans les années 1990, le roman contraste également avec des méthodes d’enquêtes plus « rudimentaires » que les moyens technologiques actuels. À l’image de l’histoire, elles n’en demeurent pas moins efficaces.

Note : 15/20

Par Dante

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