avril 24, 2024
BD

Le Baron

Auteur : Jean-Luc Masbou

Editeur : Delcourt

Genre : Aventure

Résumé :

À l’automne de sa vie, le Baron de Münchhausen se retrouve confronté au livre fraîchement publié qui raconte ses aventures. Un livre qui, certes, lui amène une popularité et une certaine notoriété bien au-delà de la région où il réside mais qui le confronte à la mort en faisant de lui un héros de papier et non plus un conteur ! Notre baron se décide à rétablir la vérité, et quelle vérité !

Avis :

Il est des auteurs, on sait d’avance que l’on va se prendre une petite claque derrière la nuque. Jean-Luc Masbou fait partie de ceux-là. Pour les profanes du neuvième art, il est clair que ce nom ne dit rien. Et pourtant, il fait partie de ces auteurs dont chaque projet est un évènement. Sa carrière commence dans les années 90, où il va lancer l’un de ses premiers projets, De Cape et de Crocs. Alors au dessin et aidé par Alain Ayroles au scénario, la série va cartonner, jusqu’à son point final en 2016 avec un douzième tome. Entre temps, Jean-Luc Masbou va travailler sur d’autres projets, mais il fait clairement son retour en 2020 avec Le Baron.

Racontant comment le baron de Munchhausen va découvrir que quelqu’un a couché ses aventures dans un livre, la BD va surtout parler de la noblesse, de sa vacuité, de la passion des histoires et de ce qui restera après. Derrière le comique, derrière l’humour imparable, il y a une vraie histoire qui transite entre quête de soi, testament et émancipation. Car oui, encore une fois, Jean-Luc Masbou va nous faire rire comme il va nous toucher et nous amener du grain à moudre dans un conte plein de fantaisie, de justesse et de bonne humeur. Mais commençons par le commencement et voyons un petit peu ce qui se cache derrière la trame générale, les grandes lignes. Ici, on ne va pas suivre le baron de Munchhausen et son fameux boulet de canon (image véhiculée notamment par le film de Terry Gilliam).

L’auteur va plutôt nous raconter l’impact du baron sur les gens de son village, à travers ses histoires, mais surtout sa bonne humeur. Un colporteur va arriver dans la ville du baron, et vendre sans le savoir les aventures du baron aux villageois qui sont abasourdis par la nouvelle. Le colporteur est invité à la taverne et à tour de rôle, des villageois vont tenter de faire venir le baron pour qu’il raconte lui-même ses histoires. Mais le baron a fait la promesse à sa femme de ne plus venir à la taverne et de ne plus raconter ses histoires farfelues aux villageois. Dès lors, durant chaque rencontre, le baron va raconter une anecdote sur sa vie, une aventure extraordinaire qui fait rêver tout un chacun. Et c’est là l’un des points forts de cette histoire, le rêve. Tout le monde est conscient que le baron fabule et s’invente des histoires, mais tout le monde se laisse porter par ces aventures et ce doux rêve.

A travers cette histoire, Jean-Luc Masbou invite tout un chacun à se rêver une vie et à lui donner des moments extraordinaires. En orateur phénoménal, le baron va attraper son auditoire et lui faire vivre des moments merveilleux. Des voyages sur la lune, des combats maritimes haletants et même des combats victorieux avec la moitié d’un cheval. En racontant ces histoires, le baron s’invente une vie, mais surtout, il passionne, fait rêver et apporte de la magie dans les yeux des gens. Cela va lui apporter quelques misères et autres moqueries de la part des nobles, mais l’auteur va bien montrer que les objets, les riches atours, ne passeront pas à la postérité, alors que le baron tout saltimbanque qu’il soit, restera dans les mémoires collectives. La vraie force de ce récit est qu’il démontre que le rêve est souvent plus fort que la réalité.

Plus doux, plus joyeux, plus beau. Et la plus belle preuve de cette vérité reste ce livre, qui restera dans les annales.

Afin d’apporter un peu de profondeur à ce récit déjà intelligent et riche car porteur d’un beau message sur l’imaginaire, Jean-Luc Masbou va mettre en avant un personnage très attachant en la présence du baron. Un homme tête en l’air, affabulateur, mais d’une très grande gentillesse, d’un amour profond pour sa femme et le peuple et qui est d’une extrême générosité. Le passage le plus touchant étant peut-être lorsque sa femme accepte le côté farfelu de son mari et lui laisse le champ libre pour retrouver son auditoire à la taverne. Un moment intime, amoureux, où elle rompt les armes, voyant en son mari un homme bon, et malheureux de ne pouvoir raconter ses histoires. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, et tout un chacun est profondément bon. Jean-Luc Masbou arrive à créer une BD sans antagoniste, sans méchanceté, mais avec des protagonistes simples et gentils.

Enfin, la très grande force de cette œuvre réside dans son dessin. Très personnel sur la première planche avec le travail de deux amis du dessinateur, la suite est un véritable bijou. Si on ne peut que faire un rapprochement avec De Cape et de Crocs, cela sera surtout sur les personnages et leurs expressions. C’est bon, c’est bucolique, et comme le fond, ça respire une forme de sérénité. Mais le plus fort réside dans les choix de graphisme des histoires du baron. Jean-Luc Masbou expérimente, s’amuse à dessiner des marionnettes, puis des esquisses. On aura droit à du dessin proche d’un art russe. On aura par moments des moments plus éthérés avec cette planète faite de fromage. Bref, Le Baron est un terrain d’expérimentations qui invitent au voyage, à l’imaginaire, au rêve.

Au final, Le Baron est un véritable chef-d’œuvre. Ceux qui adorent De Cape et de Crocs ne seront pas dépaysés et nageront en eaux connus, dans un univers soyeux et serein. Jean-Luc Masbou parfait son art avec des planches d’une beauté incroyable et un humour dévastateur qui peut parler à n’importe quel âge. Mais en plus de cela, l’auteur invite à réfléchir à ce que l’on laissera une fois mort. Il invite au rêve, à la fable, à l’écriture et à une forme d’insouciance qui fait un bien fou en ces temps troubles. Le Baron est une œuvre à part, entre aventure, introspection, récit de vie et amour inconditionnel d’une douce rêverie.

Note : 19/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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