avril 19, 2024

Antebellum

De : Gerard Bush et Christopher Renz

Avec Janelle Monàe, Jena Malone, Kiersey Clemons, Gabourey Sidibe

Année : 2020

Pays : Etats-Unis

Genre : Thriller

Résumé :

L’auteure à succès, Veronica Henley, se retrouve piégée dans un monde effroyable dont elle doit percer le mystère avant qu’il ne soit trop tard.

Avis :

C’est très clairement en 2017 que Jordan Peele a commencé à se faire un nom. Avec Get Out, le réalisateur américain frappait un grand coup pour parler de racisme à travers le prisme du thriller horrifique. Il resigne l’année d’après avec Us, peut-être moins fort, mais au message on ne peut plus clair. Dès lors, les films estampillés « par les producteurs de Get Out et Us » vont fleurir pour attirer le chaland. Démarche marketing bien connue, pour autant, on va trouver de belles réussites, comme ce Antebellum. Premier film pour Gerard Bush et Christopher Renz, ce thriller horrifique va lui aussi causer du racisme systémique aux States à travers une histoire qui se veut percutante et jusqu’au boutiste. Petit succès critique, Antebellum est une petite surprise qui a beaucoup de choses à raconter, même si on reste en deçà des deux films de Jordan Peele.

Grandeur Nature

Le scénario du film peut vite agacer, car il joue au plus malin avec nous. On commence en pleine guerre de sécession, au sein d’une plantation de coton. Les esclaves sont maltraités, battus et les soldats qui montent la garde sont tous cruels. On va alors suivre Eden, une jeune esclave qui monte un plan pour s’échapper. Jusque-là, tout semble très cartésien, jusqu’au moment où, au bout de quarante minutes, un téléphone sonne. On retrouve notre héroïne dans la peau de Victoria, une écrivaine à succès qui se bat pour les droits des femmes noires. Le choc est assez grand, et même si on va vite comprendre les rouages de l’intrigue, on reste circonspect face à ce changement soudain. Cela est d’autant plus agaçant que ça n’apporte pas grand-chose à l’intrigue en elle-même.

Ça brouille un peu les pistes, ça surprend, mais ça reste un plot twist qui n’a que peu d’impact sur le reste. Cet effet de style aura néanmoins un avantage, celui de donner plus d’épaisseur et de profondeur à son personnage principal. Victoria est une femme noire intelligente, percutante, et qui n’hésite pas à remettre à leur place des dirigeants politiques ou de puissants sénateurs. Elle se bat pour l’égalité des « races » et des sexes et on va voir son quotidien, souvent loin de sa famille et dans des restaurants mondains où elle ne se sent pas forcément à sa place. Dès lors, quand on voit ce qui lui arrive, on va vite découvrir les thèmes forts du métrage. Le racisme prend ici toute son ampleur avec la phrase du début, le passé n’est pas mort, il n’est même pas encore passé.

Double effet

On a beau avancer dans le temps, l’homme blanc se croit toujours au-dessus et il n’hésite pas à tuer l’homme noir pour prouver sa supériorité. Notre héroïne va alors se battre pour retrouver sa dignité, pour retrouver sa liberté et pour démontrer qu’elle est aussi forte que les blancs. Le film titre à boulets rouges sur l’histoire des Etats-Unis, qui est basée sur le sang, et notamment celui des esclaves noirs dans les champs de coton. Et rien ne nous sera épargné. Coups de fouet, exécution, viol, persécution, tabassage, le film explore toutes les violences physiques, jusqu’à la saturation de certains esclaves qui préfèrent en finir avec la vie. Outre ce racisme vivace, Antebellum n’est pas non plus exempt de défauts sur sa façon de corriger la haine. On sent une réponse par la guerre, par la révolte, sans pardon si pitié.

Certes, cela donne un côté extrême au film, mais il lui manque un peu de finesse. Tout comme il n’arrive jamais à construire des personnages secondaires forts. On a la sensation que seule Janelle Monàe est bien travaillée et qu’elle est faite pour que l’on ressente de l’empathie pour elle. Working girl, battante, féministe mais sans jamais aller dans les extrêmes, elle est un personnage solide et censé. Contrairement à ses meilleures amies. Si l’une d’elles est assez discrète (la blonde et blanche), il n’en sera pas de même avec la deuxième (la noire et obèse). Cette dernière est tout bonnement insupportable. Elle rabaisse tout le monde, et dans le film, elle ne s’en prend qu’aux blancs, même si ces derniers ne lui ont rien fait. La prof de yoga, une fan de l’héroïne ou encore un mec qui vient la draguer, tous vont en prendre plein la gueule.

Des champs de coton dans ma mémoire

Même au niveau des antagonistes, on reste dans quelque chose de très léger. Si un couple se démarque de par sa virulence, on reste dans du bas du front et le film aurait mérité un meilleur traitement là-dessus. Cependant, s’il y a bien un point sur lequel Antebellum marque des points, c’est sa mise en scène. Le film est beau. Certains plans sont absolument sublimes et le travail de la photographie est excellent. De plus, certains ralentis, notamment sur la fin, viendront appuyer des moments forts, aussi bien graphiquement que sur le fond. Ils marquent le clivage qui va s’opérer en l’héroïne, ce moment où elle cède à la violence pour se sortir de ce guêpier. Les deux réalisateurs, dont c’est le premier film, font preuve d’un joli savoir-faire, d’un bel œil, comme en atteste le plan-séquence d’ouverture. Antebellum est un film classieux et c’est rare dans le thriller horrifique.

Au final, Antebellum est plutôt un bon film. Entre ses thèmes plutôt bien explorés, son héroïne forte et sa mise en scène racée, le premier métrage de Gerard Bush et Christopher Renz tient bien la route. Cependant, il possède des scories qui gâchent un peu la vision. Les personnages secondaires et les antagonistes ne sont pas assez intéressants et le final laisse une trop grande place à un message haineux qui manque de finesse. En dehors de ça, Antebellum trouve bien sa place entre Get Out et Us, et pour une fois, la comm’ marketing n’est pas trop mensongère.

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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