avril 20, 2024

Les Nuits Rouges du Bourreau de Jade

De : Julien Carbon et Laurent Courtinaud

Avec Frédérique Bel, Carrie Ng, Carole Brana, Stephen Wong Cheung-Hing

Année : 2011

Pays : France, Hong-Kong

Genre : Thriller

Résumé :

Hong Kong, de nos jours. Carrie est obsédée par les châtiments du Bourreau de Jade. Exécuteur du premier Empereur de Chine, il torturait ses victimes à l’aide de redoutables griffes et d’un poison provoquant un plaisir extatique mortel.
Avec la complicité de son amant, elle explore des perversions sadiques inouïes et rêve de redonner vie à la légende en mettant la main sur la potion maudite.
Surgit alors Catherine, une Française recherchée par Interpol et détentrice à son insu du précieux élixir, caché dans une antiquité qu’elle entend bien écouler.
Le destin les réunit par l’entremise de Sandrine, trafiquante d’art, tandis que l’objet brûlant suscite aussi la convoitise d’un mafieux taïwanais, Monsieur Ko…

Avis :

Duo de réalisateurs français, Julien Carbon et Laurent Courtinaud se sont tout d’abord fait connaître au début des années 90 en tant que journalistes et critiques de cinéma. Amoureux du cinéma Hongkongais, les deux journalistes ont tout fait pour faire mieux connaître ce cinéma-là en France. Écrivant des scénarios aussi, l’un d’entre eux se fait remarquer par un certain Tsui Hark, qui après avoir acheté l’un de leur scénario, les invite à rejoindre sa compagnie de films. Dès lors, Carbon et Courtinaud vont écrire pour Johnnie To, Peter Paul ou encore Kit Wong.

Après avoir passé du temps à écrire pour les autres, les deux metteurs en scène ont eu l’envie d’écrire pour eux, et c’est ainsi qu’en 2011, les salles obscures voient débarquer sur leurs écrans un film bien particulier, « Les nuits rouges du bourreau de Jade« , le premier long-métrage, et seul d’ailleurs à ce jour, de Julien Carbon et Laurent Courtinaud.

Inclassable, original, malaisant, fascinant et maladroit, le premier film du duo français est un film comme on en voit rarement au cœur du cinéma français, et même s’il est vrai que l’ensemble n’est pas une réussite totale, l’élégance, la démarche, l’intrigue, et la proposition sont, pour ma part, un joli coup de cœur qui tient depuis dix ans maintenant.

Le bourreau de Jade, exécuteur du premier Empereur de Chine, avait créé un poison qui décuplait le plaisir, mais aussi les souffrances. C’est à l’aide de ce poison et de griffes qu’il lacérait ses victimes. Avant de mourir, il a laissé une fiole de poison. De nos jours, Carrie est obsédée par ce personnage de légende et elle rêve de mettre la main sur la maudite fiole. Elle apprend que la fiole en question est entre les mains de Catherine Trinquier, une jeune française recherchée par Interpol. De là va commencer une traque entre les deux femmes, pour la possession du terrible élixir. Mais quand un mafieux taïwanais, Monsieur Ko, entre dans l’histoire, l’issue ne peut être que fatale…

« Les nuits rouges du bourreau de Jade » est donc le premier film des Français Julien Carbon et Laurent Courtiaud et dès les premières images, le ton est donné. Cette introduction, où la victime se retrouve sur un lit de suffocation, est absolument merveilleuse et va en marquer plus d’un.

Original dans son récit, le scénario que nous ont concocté les deux Français est un petit bijou de fascination, même s’il faut aussi dire que tout n’est pas réussi dans cette histoire, qui apparaît parfois comme quelque peu bordélique et surréaliste de par certaines des décisions de la part de ces personnages.

Explorant une vieille légende chinoise, les deux Français nous entraînent dans un film à l’univers terriblement marquant. Un film et une traque au féminin. Jouant sur beaucoup de fronts, s’inspirant de beaucoup de genres, cette histoire est parfaitement inclassable, et c’est en partie ce qui la rend encore plus intéressante qu’elle ne l’était déjà de base. Il y a toute une fascination pour cette légende autour de ce poison, et les deux réalisateurs, dans leur écrit, arrivent bien à mélanger cette légende avec un film noir d’un côté, et un film mafieux de l’autre. Bien sûr, comme je le disais plus haut, tout n’est pas réussi, on sent que les deux réalisateurs tatillonnent parfois pour avancer dans ce récit et tout ne sera pas convaincant non plus. Là, on pense d’emblée à cette enquête policière, qui arrive comme un cheveu sur la soupe. Clairement, cette enquête est si survolée qu’elle ne sert strictement à rien. Des éléments comme ça, il va y en avoir quelques-uns, c’est vrai, mais cet affrontement entre ces deux femmes, et le magnétisme, voire même le côté inquiétant de cette intrigue, suffira alors à nous tenir accroché, de son ouverture inoubliable à cette fin bien trouvée.

« Les nuits rouges du bourreau de Jade« , c’est aussi un film à l’esthétisme fou. Un film qui tient une mise en scène classieuse. Un film à l’univers érotique et sanglant, qui tient un sadisme exploité à la perfection, ne tombant jamais dans le vulgaire, ou dans le gore pour faire du gore. Les deux réalisateurs n’ont pourtant pas lésiné quand ils ont fait dans le gore, le peu de scènes sanglantes qu’il y a, elles se justifient dans ce scénario, servant toujours à exploiter et renforcer l’intrigue et la force, voire le pouvoir, de ce poison. On notera aussi une ambiance terrible et oppressante. Une ambiance tenue par d’un côté la photographie de Ng Man-ching, chef op qui a bossé sur des films de Tsui Hark, Ang Lee, ou encore Alan Mak, et de l’autre par cette BO sombre et électronique de Seppuku Paradigm, compositeur a qui a bossé sur le « Martyrs » de Laugier, « Eden Log » de Vestiel ou encore le « Scorpion » de Seri.

Si l’univers est fort et marquant, si la mise en scène est visuelle et originale, il faut quand même noter que le duo n’arrive pas vraiment à gérer le rythme de son film, qui, dans un paradoxe étrange, alors qu’on est pris dans cette intrigue, arrive toutefois à se faire longuet à plus d’une reprise. On notera aussi la facilité assez géniale et assumée de mélanger les langues dans une conversation pour que les personnages se comprennent, ça ne tient absolument pas la route en vrai et pourtant, ça peut marcher dans ce film.

Côté casting, là encore, les deux Français ont fait dans l’originalité, en choisissant assez courageusement Frédérique Bel pour incarner une voleuse recherchée, qui a de fausses allures de blonde Hitchcockienne. Bel sort de son registre et si elle peut avoir du mal à convaincre parfois, sur l’ensemble, elle arrive à créer un personnage intéressant et imprévisible, ce qui est plutôt cool. Mais il est vrai que la véritable vedette de ce film, c’est bien Carrie NG qui est tout simplement incroyable. Redoutable à souhait en tigresse de luxe qui lacère ses proies vivantes à grands coups de griffes (la pauvre Carole Brana…). C’est bien simple, Carrie NG nous met mal à l’aise et nous fascine dès qu’elle apparaît.

Pour leur premier film, Julien Carbon et Laurent Courtiaud ont réalisé une œuvre unique. Une œuvre qui est aussi dérangeante que sensuelle. Maladroit, souffrant de petits défauts ici et là, « Les nuits rouges du bourreau de Jade » demeure un film assez fou dans un sens. Un film qui ose essayer des choses (le film part dans tellement de directions) et prendre des directions qui ne plairont pas à tout le monde. Pour ma part, à l’heure de la redécouverte, je ressors de ce seul film du duo Carbon/Courtinaud aussi conquis qu’il y a dix ans maintenant.

Note : 13/20

Par Cinéted

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