avril 23, 2024

Le Tigre Blanc

Titre Original : The White Tiger

De : Ramin Bahrani

Avec Adarsh Gourav, Priyanka Chopra Jonas, Rajkummar Rao, Mahesh Manjrekar

Année : 2021

Pays : Inde, Etats-Unis

Genre : Drame, Policier

Résumé :

Balram Halwai raconte avec humour noir son ascension fulgurante de villageois sans-le-sou à entrepreneur prospère dans l’Inde moderne. Rusé et ambitieux, notre jeune héros parvient à devenir le chauffeur d’Ashok et de Pinky, qui viennent de rentrer d’Amérique. La société l’ayant formé à une unique fonction – celle de servir – Balram se rend indispensable aux yeux de ses riches maîtres. Mais après une nuit de trahison, il comprend jusqu’où ils sont prêts à aller pour le piéger et se protéger. Alors qu’il est sur le point de tout perdre, Balram se rebelle contre un système truqué et inégalitaire pour devenir un maître d’un nouveau genre.

Avis :

Réalisateur américain ayant un regard plus qu’intéressant sur le monde, Ramin Bahrani est un observateur de la société et il a décidé à travers ses films de parler du monde. Social, american dream, religion, rêves et désillusions sont autant de thèmes qui submergent le cinéma de Ramin Bahrani. Après les salles de cinéma, Ramin Bahrani commence à faire un tour des plateformes, puisque sa précédente œuvre, l’adaptation de « Fahrenheit 451« , est sorti directement sur HBO en 2018. Le film est arrivé chez nous directement en DVD.

Trois ans après son dernier film, le réalisateur américano-iranien est alors de retour et cette fois-ci, il a choisi Netflix pour présenter son adaptation du roman d’Aravind Adiga, « Le tigre blanc« . Sorti assez discrètement, le metteur en scène a donc quitté le sol américain pour placer sa caméra en Inde et il nous livre un film très fort. Un film aussi passionnant qu’il est terrible, encore une fois, de par le regard critique et pessimiste que le réalisateur livre sur le monde. Rêves, désillusions, sortir de sa condition, émancipation et plus encore, sont autant de thèmes que Ramin Bahrani met puissamment en scène, dans un film qui se pose d’ores et déjà comme l’un des meilleurs films de l’année.

Balram Halwai est né dans un village reculé de l’Inde. Un village où peu, voire même personne, ne sort de ses rues et devient quelqu’un. Balram ne veut pas de cette vie-là, et sans trop savoir ce qu’il veut vraiment, il sait qu’il ne veut pas finir comme les membres de sa famille. Balram va alors quitter son village pour la ville où il va être chauffeur. Balram ne le sait pas encore, mais sa vie va changer à tout jamais et pour réussir, pour sortir de sa condition, pour voir plus haut, plus grand, il va devoir faire des choix radicaux et saisir toutes les opportunités.

Passionnant ! « Le tigre blanc » est un film dont l’envie de le découvrir ne tenait uniquement que parce qu’il est réalisé par Ramin Bahrani et plus je découvre « l’univers » de ce metteur en scène, et plus ce dernier se fait incroyable. Il y a quelques jours de cela, je prenais une petite gifle avec le très peu connu et terrible « At Any Price« , et c’est avec grand plaisir que la gifle est de retour avec ce cru 2021, qui lance un regard terrible et poignant sur la société indienne.

Quand on survole le synopsis de ce « … tigre blanc« , le film de Bahrani a tout l’air d’être une success story, celle d’un jeune villageois devenu entrepreneur à succès, mais évidemment l’histoire, le personnage et le contexte sont bien plus complexes que cela et c’est ce qui va rendre le film passionnant et même un poil dérangeant.

« Le tigre blanc« , c’est un scénario incroyable. Un scénario qui en l’espace de deux heures va nous conter une destinée terrible. Ce qu’il y a de génial avec le cinéma de Ramin Bahrani, c’est qu’il s’aventure sur plusieurs ficelles en même temps. Ici, en plus de peindre une success story, le réalisateur peint le portrait d’un personnage foutrement intéressant. Un personnage qui se sait coincé, et qui a l’envie plus qu’un autre de s’en sortir. Avec un très simple montage en flashbacks, Ramin Bahrani alterne entre passé et futur et c’est ainsi qu’il nous tient de bout en bout. Parfaitement maîtrisé dans ce qu’il raconte, le réalisateur lâche alors des indices qui ne vont faire qu’accroître l’intérêt et passionner son spectateur, ne sachant comment ce jeune homme au sourire éclatant va sortir de sa condition d’esclave. Qu’a-t-il fait ? quelle décision a-t-il pris ? jusqu’où a-t-il été ? Bref, autant de questions qui trouveront des réponses, et certaines sont très dérangeantes, voire même glaçantes d’une possible réalité.

Puis s’ajoute à ce portrait toute la vision et le regard que le réalisateur lance sur la société indienne. À travers le destin de son personnage, Ramin Bahrani en profite pour parler de la condition de la population indienne. Ainsi religion, éducation, lutte des classes, esprits étriqués, politique, corruption, justice, tradition, famille, droit et devoir sont au cœur de ce film qui ne cesse de s’enrichir et d’être passionnant d’une scène à l’autre. Comme toujours chez Ramin Bahrani, le regard qu’il lance est noir, dur et injuste, mais ce regard pousse à la réflexion, et pose de vraies questions et c’est pour cela que le film, et plus largement le cinéma de Ramin Bahrani, est si intéressant. D’autant plus qu’il ne fait que raconter des destinées, des choix, et ne juge jamais ses personnages.

« Le tigre blanc » est aussi un film qui étonne et passionne car il est la vision d’un américain sur l’Inde et autant dire que chez Ramin Bahrani, cette vision est à mille lieues des films made in Bollywood. Sombre et réaliste, le réalisateur oscille entre un coté presque documentaire, et un côté cinéma de divertissement, injectant en permanence suspens, intrigue et émotion. Mention spéciale pour le montage de ce film qui, si l’idée est déjà vue et très simple, est diablement bien employée et sert en permanence l’intrigue et l’intérêt qu’on peut porter à cette dernière.

Si « Le tigre blanc » est passionnant, c’est aussi grâce à ce casting, et notamment le trio qu’a réuni Ramin Bahrani. Alors certes, il y a Adarsh Gourav qui incarne Balram, qui s’envole et tient presque tout le film sur ses épaules, livrant un personnage complexe, fascinant, touchant tout en ayant un côté dérangeant, mais il ne faut pas laisser de côté Priyanka Chopra Jonas et Rajkummar Rao, car les deux personnages, de par notamment leur éducation et le regard qu’ils portent sur le pays, apportent énormément d’intérêt à l’ensemble.

Décidément, plus je découvre le cinéma de Ramin Bahrani et plus ce dernier est passionnant. Le cinéaste a une vision dure et réaliste du monde et il en parle sans hypocrisie. Tout comme dans « 99 Homes » ou « At Any Price« , il est ici question de choix. C’est compliqué, c’est difficile, c’est dérangeant, c’est touchant, c’est infiniment nuancé, rien n’est vraiment blanc ou noir, et c’est tout ce qui fait la saveur de ce film, de ce pays, de cette histoire, et plus largement de ce personnage parti de rien et qui s’est élevé. Bref, ce « … tigre blanc » est une belle gifle et assurément un film qui trouvera une belle place dans un top de fin d’année, j’en prends d’ores et déjà le pari.

Note : 18/20

Par Cinéted

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