mars 28, 2024

Les Vampires

Titre Original : I Vampiri

De : Riccardo Freda et Mario Bava

Avec Gianna Maria Canale, Carlo d’Angelo, Dario Michaelis, Wandisa Guida

Année : 1957

Pays : Italie

Genre : Horreur

Résumé :

Paris, 1956. Le cadavre d’une jeune femme est retrouvé dans la Seine. Peu de temps après, une comédienne est enlevée dans sa loge. Parallèlement à la police, un jeune journaliste, Pierre Lantin, mène l’enquête sur le mystérieux tueur en série, appelé « le Vampire ». Mais son travail est constamment interrompu par les avances répétées de la belle et riche Gisèle, nièce de la Duchesse du Grand…

Avis :

Les débuts de carrière de Mario Bava sont pour le moins discrets. Après avoir réalisé quelques documentaires sous forme de court-métrage, il est amené à collaborer auprès de Riccardo Freda qui, à l’époque, est au sommet de son art. L’homme est également connu pour sa personnalité entière et emportée. D’ailleurs, il n’hésite pas à plaquer Les Vampires après une quinzaine de jours de tournage. La moitié du film reste à boucler en… moins de trois jours ! Les producteurs demandent à Mario Bava de s’y atteler alors qu’il occupe déjà le poste de responsable des effets spéciaux, cameraman et directeur de la photographie. Malgré la qualité de son travail, il n’est pas crédité en tant que coréalisateur, de son propre souhait à vrai dire.

En parallèle de conditions de tournage chaotiques, Les Vampires se distingue également par une autre particularité. D’un point de vue historique, le film est considéré comme la première production italienne qui officie dans un style fantastico-horrifique après la Seconde Guerre mondiale. Depuis le régime de Mussolini, le genre est tout bonnement interdit. Le présent métrage présente donc une importance majeure à bien des égards. Il constitue tout d’abord le fer de lance de la carrière de cinéaste pour Mario Bava et augure déjà de ses projets tels que Le Masque du démon, ainsi que Le Corps et le fouet. Les Vampires amorce également le courant gothique qui touche surtout les productions britanniques par la suite.

Régulièrement transposé sur grand et petit écran, le mythe du vampire n’est pas nouveau, même dans les années 1950. Là encore, Les Vampires se retrouve à la croisée des chemins avec une histoire contemporaine à laquelle on insuffle une atmosphère sépulcrale digne des chefs-d’œuvre de la littérature fantastique. L’association entre ces deux styles aux antipodes peut décontenancer. Il n’en demeure pas moins que l’alternance des ambiances se révèle naturelle. Le contraste entre l’effervescence urbaine et le cadre isolé du château permet de triturer l’esthétisme classique pour ce type de production. L’intrigue s’inscrit donc entre tradition et modernité.

Cela vaut également pour le traitement du vampirisme. En l’occurrence, on s’éloigne de l’image communément admise qui confère parfois aux clichés. On évite sciemment des visages blafards et des dents longues pour se concentrer sur la quête de la jeunesse éternelle. Eu égard à la principale antagoniste, on se rapproche davantage de l’histoire d’Élisabeth Báthory que de Vlad Tepes. On remarquera également un traitement « scientifique » qui rappelle les expérimentations du docteur Frankenstein. Preuve en est avec ce savant fou, son fidèle comparse benêt ou ce laboratoire qui ressemble plus à une chambre de torture qu’à un espace de recherches.

Si Les Vampires est souvent qualifié de films d’horreur. La violence se révèle très mesurée, voire inexistante. De même, le rapport au sang (de jeunes femmes, de préférence) reste ténu et peu explicite au fil du récit. On apprécie pourtant des effets spéciaux remarquables, notamment ceux qui ont trait à la métamorphose de Gianna Maria Canale ; de sa prime jeunesse à son visage décati par les affres du temps. Le trucage par un habile jeu de lumière et le maquillage de la comédienne demeure bluffant, car il s’agit de plans fixes qui n’ont donné lieu à aucune coupe au montage. Sa transformation est progressive et l’astuce explique pourquoi le film a été tourné en noir et blanc.

En ce qui concerne l’approche contemporaine, elle tend à privilégier le caractère rationnel de l’affaire. Preuve en est avec ces investigations journalistiques qui se heurtent aux conclusions des policiers. Il n’y a pas à proprement parler de fausses pistes, mais des impasses qui empêtrent l’enquête du personnage principal. Seul bémol dans l’enchaînement des faits, des explications développées succinctement pour prétexter la suite des évènements, au sein du château, comme dans les ruelles parisiennes. Lors des premières séquences, on notera aussi les prémices du giallo en la personne d’un agresseur dont on découvre tout d’abord les gants noirs qu’il porte.

Au final, Les Vampires s’avance comme une œuvre fondatrice pour Mario Bava et le cinéma de genre italien. Le film contient déjà tout ce qui caractérise les qualités du metteur en scène. Doté d’une esthétique pleine d’élégance, ce métrage se montre à la fois avant-gardiste dans son approche du mythe du vampire et traditionnel pour les investigations qui en découlent. Ce dernier aspect tend davantage à rationaliser le sujet par des expériences scientifiques en vue de contrer les effets du vieillissement. Le premier point s’ancre dans la connotation surnaturelle, spécificité inhérente aux légendes originelles. Malgré des conditions de tournage difficiles et contraignantes, il en ressort une indéniable réussite qui anticipe le courant gothique qui submergera la décennie suivante.

Note : 16/20

Par Dante

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