avril 20, 2024

J’me Sens pas Belle

De : Bernard Jeanjean

Avec Marina Foïs, Julien Boisselier

Année : 2004

Pays : France

Genre : Comédie, Romance

Résumé :

Fanny, une trentenaire célibataire, ne veut plus entendre parler d’amour mais seulement d’aventures d’un soir. Elle tente alors d’obtenir les faveurs de Paul, un collègue de bureau, mais les choses vont prendre une tournure inattendue.

Avis :

Bernard Jeanjean est un réalisateur français quasi-inconnu, voire même totalement inconnu. Jeanjean, qui voulait être comédien, s’est trouvé scénariste dans les années 90 pour la télévision. Oubliant ses rêves d’acting, Bernard Jeanjean s’est finalement retrouvé derrière la caméra et l’envie de réaliser s’est fait de plus en plus sentir, mais il lui fallait pour cela une idée, un sujet, en plus de trouver une production qui lui ferait confiance. Et ce sujet, il l’a eu une nuit, quand il a fait le rêve d’une femme, dont l’homme avec qui elle allait coucher se dénigrait, quand ce dernier la déshabillait.

Premier film pour Bernard Jeanjean (qui par la suite ne réalisera pour l’instant que deux autres films), « J’me sens pas belle » fait partie de ces tous petits films que personne ou peu de monde connaît et c’est bien dommage, car on tient là une petite merveille d’humour et surtout de délicatesse. Tourné avec très peu de budget, limité à un seul décor, l’appartement de l’un de ces deux personnages, cette petite comédie romantique est aussi amusante qu’elle est touchante, car derrière ces histoires de coucherie ou pas, Jeanjean livre un film humain sur un homme et une femme au cœur fragile. À l’époque de sa sortie, « J’me sens pas belle » fut une très belle surprise et seize ans plus tard, je m’y replonge à chaque fois avec le même amour.

Fanny, trentenaire et célibataire, invite un soir chez elle, pour dîner, Paul, un collègue qui lui a donné un coup de main. Fanny a tout un plan en tête et compte bien coucher avec Paul. Or, la soirée qu’elle avait prévue ne va pas être du tout celle qui va se dérouler, et c’est bien mieux comme ça…

Je ne sais pas pour vous, mais il y a des films comme ça, dont je n’attendais rien. Des films qui m’ont fait me déplacer en salle pour un acteur ou une actrice, ou juste une idée, un concept et le premier long-métrage de Bernard Jeanjean est de ceux-là. À l’époque, je venais de découvrir Julien Boisselier dans le superbe « Clara et moi« , et j’avais envie de découvrir un peu plus l’acteur, du coup, je m’étais plongé dans ce film avec cette simple base et quelle ne fut pas ma surprise face à un petit film quasi parfait. Un petit film habile, bourré de tendresse, d’amour, de blessure et de fragilité.

« J’me sens pas belle » est une histoire toute simple, qui peut se résumer à « une femme et un homme se rencontrent, que va-t-il se passer ? ». Et écrit par Bernard Jeanjean, il va s’en passer des choses dans cet appartement.

Bon, il est vrai que « J’me sens pas belle » ne peut pas se vanter d’être extrêmement original. Il est tout aussi vrai que côté mise en scène, Bernard Jeanjean fait très simple, mais en même temps, l’ensemble tient parfaitement la route. Optant pour le huis clos, Jeanjean arrive en permanence à renouveler son film, pour que jamais l’on ne sorte de cet appartement et surtout, et c’était peut-être là le plus difficile et le réalisateur s’en sort avec brio, il arrive à faire que tout tienne la route avec cohérence et fluidité et jamais l’on ne s’ennuie devant. Non, jamais, ici, il y a toujours quelque chose, un petit geste, une petite réplique, ou un regard, qui fait comme un rebond, et ainsi, cette soirée peut encore et encore avancer, avec son lot de petites intrigues, de petites révélations, de craintes, et même si ça reste assez facile, on y trouve son petit lot de suspens.

Si la mise en scène est discrète, « J’me sens pas belle » s’appuie énormément sur son écrit, qui est un petit bijou. La construction de ces personnages est parfaite, et au-delà de ça, elle se révèle être un pur plaisir. Oui, on adore découvrir cette femme et cet homme. Il y a quelque chose de très spontané et qui sonne comme terriblement juste et vrai qui s’échappe de leurs propos, de leurs révélations, et plus largement de leur histoire, qui se loge dans tous les non-dits, et ce que l’autre devine. Toujours du côté de l’écriture, Bernard Jeanjean mêle merveilleusement la comédie et le drame, oscillant de l’un à l’autre avec assurance, parfois même, il mélange les deux genres en même temps, et il s’en dégage beaucoup de délicatesse. Avec le fameux  » – Je suis désolé, mais ta façon de pleurer me fait rire… », difficile de ne pas être touché et rire en même temps, tant l’ensemble sonne vrai. Et des répliques ou même des scènes comme celle-ci, le film en regorge, au point qu’on finit toujours par se demander, ce que le réalisateur et scénariste va bien pouvoir inventer et imaginer de mieux pour la scène, ou le moment suivant. On remarquera aussi que dans cette spontanéité véridique que Bernard Jeanjean a su capturer, il y a beaucoup de moments où chacun d’entre nous peut se reconnaître. Un petit geste, un petit détail, une petite maladresse, ou un message qu’on aura vécu, et ça, ça rend l’ensemble encore plus attachant.

Puis, l’autre atout qu’a « J’me sens pas belle« , c’est ces deux acteurs qui sont faits pour ces rôles. Marina Fois, qui tient là l’un de ses premiers « grands rôles », est absolument parfaite dans la peau de Fanny, cette femme blessée, peu sûre d’elle, qui aimerait croire à une belle rencontre, mais qui cherche tellement à se protéger, qu’elle pourrait tout gâcher, et ça, elle le sait très bien. Quant à Julien Boisselier, lui aussi il est parfait dans la peau de Paul, trentenaire optimiste, tendre, conciliant, à l’écoute, qui se laisse surprendre. Ces deux acteurs, dans ces rôles, sont merveilleux, très touchants et il se dégage énormément de tendresse, de vérité et de simplicité, ce qui fait qu’on n’a pas envie de voir cette soirée et cette nuit se finir. À noter qu’on peut aussi s’amuser à découvrir les voix d’interlocuteurs que peuvent avoir les personnages au téléphone, Jeanjean ayant réuni, sans qu’on les voie, un joli casting (idem pour les voisins qui s’engueulent au-dessus).

« J’me sens pas belle » fait partie de ces films inconnus qui, quand on les regarde comme ça, ne paye pas de mine. Franchement, son affiche n’est pas terrible et est déjà-vu, son accroche sentle réchauffé, et quand on survole son intrigue, ça respire quand même la comédie qu’on connaît par cœur et pourtant, il serait vraiment dommage de s’arrêter sur tous ces détails, car derrière eux se trouve un petit bijou de délicatesse, de tendresse, d’humour, de romance, et plus largement de sentiment humain. « J’me sens pas belle« , par la simplicité de son histoire, de sa mise en images, de ses personnages, ou encore des sentiments qu’il explore, parle à tous, et c’est un film qui fait du bien.

Note : 15/20

Par Cinéted

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