mars 29, 2024

Qiu Jin, la Guerrière

Titre Original : Jian hu nu Xia Qiu Jin

De : Herman Yau

Avec Yi Huang, Yu-Hang To, Pat Ha, Anthony Wong Chau-Sang

Année : 2011

Pays : Chine, Hong-Kong

Genre : Action

Résumé :

Née dans une famille d’érudits, Qiu Jin est une fille déterminée qui, dès son jeune âge, montre son fort caractère. Douée en équitation, au tir à l’arc et à la poésie, elle aime la rivalité. Ayant été témoin de la souffrance des Chinois dans la capitale, la haine de Qiu Jin à l’égard du gouvernement Qing s’amplifie. Sa détermination à renverser le pouvoir et sauver la nation est de plus en plus grande. Pour cela, elle se joint à un parti révolutionnaire secret. Ils ont l’intention d’assassiner le gouverneur de Qing. Mais les choses vont être toutes autres…

Avis :

La Chine compte de nombreuses figures historiques qui, avec le temps, se sont parées d’une aura mythique. C’est notamment le cas d’Ip Man ou de Wong Fei-hung. Bien moins connue en Occident, Qiu Jin est une autre personnalité qui s’est distinguée par ses actions et son engagement face à la répression du régime chinois au début du XXe siècle. Sa vie a fait l’objet de biographies et de productions cinématographiques qui, pour la plupart d’entre elles, sont restées inédites dans nos contrées. On songe aux films de Kuang-Chi Tu et de Jin Xie, biopics éponymes sortis respectivement en 1953 et 1984. Après avoir réalisé un long-métrage sur la jeunesse d’Ip Man, Herman Yau propose une version spectaculaire de celle que l’on considère comme l’une des premières féministes de l’histoire.

Entre le film d’action et le drame, Qiu Jin a pour ambition de concilier un divertissement rythmé à un traitement crédible. Dans ce type de productions, le fond fait bien souvent défaut, et ce, malgré des séquences chorégraphiées avec brio. En l’occurrence, les arts martiaux ne constituent pas le cœur du récit ni même la résultante d’un évènement prétexte. Ils sont intégrés à l’intrigue sans pour autant la supplanter. Les combats sont bien menés et fluides. De plus, ils entretiennent une certaine dynamique au fil de l’histoire. On regrette néanmoins que certains affrontements se perdent dans des joutes surréalistes pas vraiment de circonstances pour étayer les propos défendus par la protagoniste.

Les discours sur la liberté d’expression ou le droit à l’éducation sont nombreux et bien argumentés. L’une des grandes particularités du film est de mettre en avant un point de vue féministe dans un tel contexte. Ici, il n’est pas question d’exploiter une « tendance », mais d’exposer des valeurs et des requêtes avec légitimité, sans sombrer dans la misandrie. Ce traitement n’est pas si simple à aborder. Il n’y a donc pas une diabolisation de l’homme. Après tout, le mouvement révolutionnaire partage un avis similaire et présente une composition mixte. Autre aspect notable : l’engagement politique tient d’une nécessité et non d’une réelle volonté à s’immiscer dans les strates du pouvoir.

Quant au personnage de Qiu Jin, la jeune femme s’avance comme un amalgame entre Jeanne d’Arc et Mulan, toute connotation sacrale et mythologique écartée. On sent une idéalisation qui en fait un symbole de soulèvement, sans pour autant se perdre dans une hagiographie. Là encore, l’équilibre est délicat, mais est respecté durant la majeure partie de l’intrigue. De plus, cela n’enlève rien à son charisme ni à son courage. Mais résumer Qiu Jin au seul statut révolutionnaire occulte ses autres talents. Auteure, journaliste et poétesse, elle se distingue aussi par sa maîtrise du sabre et des arts martiaux. Une spécificité pour le moins surprenante à l’époque, puisque souvent réservée aux hommes et à leur formation militaire.

On a donc droit à un récit travaillé dont la caractérisation fait écho à un traitement soigné. Pour autant, il est difficile de faire l’impasse sur des défauts formels qui nivellent la qualité de cette production vers le bas. Si l’on peut passer outre sur les furtives exubérances de quelques confrontations, le montage est à l’aune d’une trame temporelle confuse et anarchique. La présentation du contexte et les enjeux ont beau rester intelligibles, il n’en demeure pas moins une remise en condition constante qui altère le sentiment d’immersion. Cela sans compter sur une nette propension à plébisciter le pathos avec des ralentis clairement dispensables au sortir d’un affrontement ou d’une situation mélodramatique.

On a donc droit à des flashbacks récurrents qui enchaînent les retours en arrière sur des intervalles de temps variables. Au lieu de se focaliser sur un flashforward initial et faire preuve d’un plus de linéarité par la suite, on casse la dynamique ambiante avec peu de repères et des incursions brouillonnes. Celles-ci aboutissent sur un dernier quart redondant qui évoque à nouveau les faits présentés en début de métrage. Seuls de menus détails viennent grossir lesdits passages alors qu’une ellipse temporelle était ici essentielle. Il en ressort des longueurs inutiles et un traitement qui ne rend guère honneur au travail de fond amorcé jusqu’alors.

Au final, Qiu Jin aurait pu s’avancer comme un très bon compromis entre drame historique et film d’action. La défense des valeurs féministes et la volonté d’ébranler les mentalités résonnent encore d’un discours avant-gardiste sur l’égalité sociale et la liberté d’expression. Le personnage de Qiu Jin est aussi l’un des points forts du scénario, notamment à travers ses talents littéraires, sa rhétorique, sa persévérance ou sa maîtrise des arts martiaux. Malheureusement, ces a priori sont handicapés par des écueils et des archaïsmes de mise en scène. Le métrage d’Herman Yau pâtit en effet d’une progression brouillonne, affublée d’un piètre montage. Le traitement chaotique retire alors une bonne partie de la tension dramatique pour jouer d’un faux suspense dont on se serait bien passé. Une itération maladroite en dépit de ses qualités et des valeurs prônées à l’écran.

Note : 13/20

Par Dante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.