mars 28, 2024

Small Soldiers

De : Joe Dante

Avec Gregory Smith, Kirsten Dunst, Jay Mohr, David Cross

Année : 1998

Pays : Etats-Unis

Genre : Science-Fiction, Action

Résumé :

Alan Abernathy est un adolescent trop remuant pour la petite bourgade de l’Ohio où il habite. Expulsé du lycée pour une innocente plaisanterie, il aimerait se racheter aux yeux de son père, marchand de jouets. Un jour où son père part en voyage d’affaires, il prend sur lui de renouveler un stock de jouets désuets. C’est ainsi qu’il obtient une douzaine de figurines d’action : un commando d’élite super-musclé et une tribu de monstres patauds, les Gorgonites. Comment pouvait-il se douter que ces charmants jouets étaient programmés pour s’entretuer et semer la panique ?

Avis :

Dans les années 90, Joe Dante commence déjà à être sur la pente descendante. Alors qu’il avait traversé avec brio les années 80 avec un cinéma oscillant constamment entre fantastique, horreur et familial, il bat un peu de l’aile la décennie suivante. Et cela malgré un très bon Gremlins 2. Malgré un très bon Panic sur Florida Beach et quelques épisodes de série, la carrière de Joe Dante stagne. Et elle ne va pas redécoller avec Small Soldiers. Il faut dire que le film eut un accueil plus que mitigé par la presse spécialisée, et surtout, la production du film a été une vraie galère. Entre des producteurs exigeants comme Burger King, qui avait une gamme de jouets à vendre, un acteur qui se fait tuer par sa femme empêchant des reshoots et une volonté d’amoindrir la violence, Joe Dante a fait ce qu’il a pu.

Dans la sauce

Small Soldiers est ce que l’on pourrait appeler un miracle. En effet, la production du film fut percluse de problèmes, notamment sur le script, mais aussi sur la nécessité de reshoots. Parmi les sponsors du film, on retrouve Coca-cola, mais aussi et surtout Hasbro et Burger King. Ces deux derniers avaient des idées bien arrêtées sur le métrage, le voulant tout public et sans trop de violence, pour pouvoir vendre des figurines et en mettre dans les menus enfants. Lors de la première présentation, le film fut jugé trop violent, bénéficiant d’un PG-13, signifiant interdit aux enfants de moins de 17 ans sans adulte. De ce fait, la pression a été mise pour refaire des plans et le montage. Mais c’était sans compter sur le décès d’un des acteurs du métrage, assassiné par sa femme et dont le générique de fin rend hommage. Bref, un sacré calvaire.

Et il faut ajouter à cela que le script n’était pas fini lors du tournage. L’équipe recevait les pages à tourner le matin même, et Joe Dante lui-même ne savait pas ce qu’il allait tourner dans la journée. Certains dialogues furent même un peu improvisés. Avec tout ce bordel, tous les ingrédients étaient réunis pour que Small Soldiers soit un échec retentissant, adoucissant son propos et son image, au profit d’un film tout public et innocent. Mais c’est mal connaître Joe Dante qui, à force d’abnégation et de malice, va fournir un métrage qui aujourd’hui encore fonctionne à merveille. Pourquoi et comment ?

A la guerre comme à la guerre

Le film raconte comment un riche investisseur va permettre à un créateur de jouets de mettre une puce intelligente dans toute une gamme de figurines guerrières. Dès la commercialisation, c’est un fiasco, les soldats faisant la guerre aux Gorgonites. Alan, jeune garçon dont le père est vendeur de jouets, va alors tout faire pour sauver les gentils de l’histoire. En lisant dans les grandes lignes le synopsis, on pourrait croire à un film pour enfants dans lequel des jouets vont se faire la guerre dans le monde des grands. Mais il n’en est rien, et Joe Dante va inclure dans son métrage des références diverse et variées, ainsi qu’un pamphlet anti-consumériste assez fort. Mais revenons rapidement au scénario de base. Le film ne souffre d’aucun temps mort. Rapidement Alan découvre que les jouets sont vivants, et il va se battre aux côtés des gentils, qui ont des gueules de méchants.

Et toute la saveur du film se retrouve, à quelque part, dans cette distanciation. C’est-à-dire que les militaires humains, qui sont sensés être les héros sauveurs, sont en fait les méchants. De l’autre côté, les monstres, difformes, sont en fait les gentils qui ne veulent qu’une chose, vivre paisiblement dans leur contrée. Ainsi donc, on voit rapidement que Joe Dante peaufine son scénario en y incluant de nombreuses références à la guerre du Vietnam. Guerre inutile et futile qui aura coûté la vie à de nombreux soldats. Ici, elle est transposée à travers des jouets, et en modifiant la nature des ennemis, qui n’en sont pas vraiment. Difficile dès lors d’adoucir son propos. Et c’est pourtant ce que va devoir faire le réalisateur. Les jouets seront cyniques, mauvais, mais moins que les Gremlins dans le film du même nom. On sent qu’il y a un frein au délire.

Fric Show

Joe Dante n’a pas les coudées franches pour livrer des scènes comme il l’entend. Cela se voit à l’écran, où certaines séquences auraient pu être plus violentes. Les attaques des jouets restent néanmoins impressionnantes, avec une sorte d’inhibition de la pitié, et le film ne s’adresse pas vraiment aux enfants. Tout du moins de nos jours, où si on pouvait enrouler nos gosses dans du papier-bulle, on le ferait. Pour pallier à ce côté enfantin, le réalisateur va alors glisser quelques références plus adultes. Titanic, Apocalypse Now, Patton, sont autant de films qui trouvent un écho particulier dans ce métrage. Mais il y a une chose qui est plus forte que l’image du militaire décérébré dans ce métrage. Il y a un point qui est très fort et qui permet au film de se hisser dans les grandes œuvres de Joe Dante.

Ce point, c’est sa critique acerbe de notre société de consommation. Alan est un garçon qui sait que le magasin de jouets de son père est en train de couler à cause des gros centres commerciaux. Il veut bien faire et arrive à soudoyer le livreur pour avoir les jouets en avance. Ce qui va déclencher une vraie guerre. On peut donc y voir une sorte de punition pour avoir voulu concurrencer les grosses chaînes, mais aussi pour avoir désobéi à son père et renier une certaine authenticité. Au-delà de ça, si les jouets sont fabriqués, ce n’est pas par passion, mais pour des raisons mercantiles.

A qui la faute ?

Ainsi, on octroie des droits à des types dont la seule motivation est l’argent. L’argent qui reste le roi du monde à la toute fin, lorsque, pour faire taire les victimes des jouets, le grand dirigeant sort son chèque et cloue le bec à tout le monde. Une façon intéressante de montrer que les véritables méchants, ce ne sont pas les jouets, mais les fabricants. Tout comme on pourrait dire que les véritables méchants ne sont pas les soldats, mais les dirigeants qui donnent les ordres. Ainsi, Joe Dante livre un véritable pamphlet contre la consommation de masse, mais aussi contre la guerre en générale, avec des soldats qui exécutent bêtement des ordres incohérents. Une justesse que l’on ne retrouve plus dans les films familiaux contemporains. Et on passera volontiers sur les effets spéciaux qui ont un peu vieilli, mais qui restent tout à fait honorables.

Au final, Small Soldiers est une belle petite réussite qui n’a pas eu le succès mérité. Si on reste dans un petit Joe Dante, on est tout de même dans un univers qui a sa marque de fabrique. Le film est généreux, intelligent, plus profond qu’il n’y parait, et il contient cette petite naïveté qui manque tant de nos jours. Bref, Small Soldiers est un film qui, plus de vingt ans plus tard, est toujours autant d’actualité et fonctionne toujours autant.

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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