avril 25, 2024

Bliss

De : Mike Cahill

Avec Salma Hayek, Owen Wilson, Madeline Zima, Nesta Cooper

Année : 2021

Pays : Etats-Unis

Genre : Drame, Science-Fiction, Romance

Résumé :

Récemment divorcé, Greg, dont la vie va à vau-l’eau, rencontre la délicieuse Isabel, une femme vivant dans la rue, convaincue que le monde brisé et pollué autour d’eux n’est pas réel. Elle est persuadée qu’ils vivent dans une simulation laide et rude à l’intérieur d’un autre vrai monde, beau et en paix. D’abord sceptique, Greg finit par découvrir qu’il y a peut-être une part de vrai dans la théorie du complot d’Isabel.

Avis :

Mike Cahill est un réalisateur américain assez discret. Après des études à l’université de Georgetown où il rencontre sa compagne Brit Marling, Mike Cahill passe les années 2000 à faire du documentaire animalier pour la National Geographic Society. C’est en 2011 que Cahill fait son entrée dans le monde cinéma imposant dès le départ un petit chef-d’œuvre, le sublime « Another Earth« , film fabuleux mélangeant drame humain et science-fiction.

D’ailleurs, ce mélange de drame humain et de science-fiction, Mike Cahill ne le quittera pas, et ce n’est pas son nouveau et troisième film, sept ans après « I Origins« , qui prouvera le contraire. Débarqué en catimini sur Amazone Prime, « Bliss » est un film très étonnant. Film de science-fiction intime qui questionne l’existence et le bonheur de cette dernière, « Bliss » est le genre de film qui ne se livre pas si facilement que ça et c’est ce qui va en faire sa saveur. À l’heure des plateformes et surtout à l’heure où le cinéma s’uniformise, il est intéressant de trouver encore des auteurs capables de prendre des risques, d’oser offrir un projet qui ne ressemble pas aux autres et surtout un auteur qui tient un bon sujet, pose de bonnes questions et surtout n’offre pas toutes les réponses, laissant finalement son spectateur libre d’en conclure ce qu’il en veut. Le pari est risqué, certains détesteront, et d’autres peut-être comme moi, demanderont un second visionnage, afin d’en reprendre encore un peu et surtout, afin d’essayer de percer son secret. Bref, le nouveau Mike Cahill est imparfait, mais il ne laisse pas indifférent et pour ma part, j’ai déjà envie d’y retourner, pour savoir (ou non) ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.

Greg, la quarantaine bien passée, est dépressif. Fraichement divorcé, Greg passe ses journées à son travail, à rêver une vie, une maison, un endroit qui n’existe que dans son imagination. Un matin, après s’est fait licencier, Greg va faire la connaissance d’Isabel, une femme qui vit dans la rue. Isabel est persuadée que le monde dans lequel elle vit n’existe pas et que la plupart des personnages qu’elle croise ne sont pas réels. Si Greg est sceptique, il se laisse pourtant charmer par cette femme et plus il apprend à la connaître, plus il se dit que cette théorie du complot peut être plausible…

Arrivé en toute discrétion, un peu à l’image de son réalisateur, « Bliss » est le troisième long-métrage de Mike Cahill et c’est avec un certain plaisir que l’on se laisse entraîner dans cette théorie du complot, entre un monde volontairement laid et désastreux et un autre, qui ressemblerait à un paradis. Avec « Bliss« , Mike Cahill a décidé de questionner le bonheur. Faut-il connaître le malheur et l’horreur pour savoureux le bonheur et la tranquillité d’une vie ? La question est intéressante et sous l’œil et l’écriture de Mike Cahill forcément la réponse sera plus complexe qu’elle n’en a l’air.

Avec « Bliss« , Mike Cahill nous entraîne dans une sorte de « Matrix » pour dépressif et il va être aussi amusant qu’intéressant d’en découvrir le vrai du faux, ou le faux du vrai, ce sera à vous de voir.

Écrit par Mike Cahill, le scénario de « Bliss » nous offre une vision assez horrible du monde. Le ton est gris, les gens font la gueule et le personnage principal ne fait que s’enfoncer de plus en plus et tout l’intérêt, voire même la philosophie de « Bliss« , et de Mike Cahill, va être de questionner l’idée de bonheur et d’optimisme dans l’existence.

Le scénario de « Bliss » est bien construit, et surtout, il sait se faire étonnant, même si on pourra lui reprocher de « noyer un peu le poisson » avec des détails, d’un côté comme de l’autre, qui auront tendance à nous perdre un peu. Mais cette perdition est aussi l’un des charmes de « Bliss« . Il aurait été facile de livrer tout bêtement la solution à cette intrigue, à savoir si oui ou non, les propos d’Isabel sont réels ou non, mais Mike Cahill est plus intelligent que ça, et surtout il a envie de jouer avec son spectateur, de jouer avec les optimistes et les pessimistes et ainsi, selon qu’on se pose d’un côté ou de l’autre, « Bliss » ne se laisse pas regarder de la même manière et surtout il ne se conclut pas de la même manière et c’est tout ce qui en fait son charme. C’est tout ce qui fait que « Bliss » sort du lot et c’est vraiment bien de ne pas avoir des réponses toutes faites. « Bliss« , selon ce que l’on en a conclu, apporte même un débat, ce qui n’était pas arrivé depuis un bon bout de temps.

Après, tout n’est pas incroyable non plus dans ce nouveau Mike Cahill, et outre les détails évoqués plus haut qui laissent certains doutes et parfois sont même incohérents (et là encore, en y repensant, ça pourrait être une question d’interprétation), on pourra aussi pointer du doigt une relation père/fille assez facile, qui se poserait comme un filet de sauvetage histoire de ne pas vraiment perdre tout le monde. A contrario, il faut aussi dire que cette relation, si facile soit elle, reste touchante. Idem, la relation père/fils n’apporte rien à l’intrigue et laisse même une sensation d’avoir été oubliée en route.

Naviguant toujours dans une science-fiction intime, « Bliss » se pose toutefois comme un film à plus « gros budget » pour son réalisateur. Mike Cahill nous a alors imaginés plusieurs séquences qui valent à elles seules le coup d’œil. Du côté de sa réalisation, on retrouve l’univers réaliste et intime qu’on apprécie chez le metteur en scène et son « Bliss » se pose comme un divertissement, intéressant sur son fond et vraiment sympathique, voire même assez drôle dans sa forme. À noter que le réalisateur joue avec la colorimétrie de son film et si parfois ce n’est pas vraiment subtil, dans le fond ça reste intéressant.

« Bliss« , c’est un duo, Owen Wilson et Salma Hayek et les deux acteurs tiennent de bons personnages. Ainsi, on se laissera charmer par leur folie (ou pas). Salma Hayek en SDF fantasque est excellente, même si parfois, on pourrait dire qu’elle en fait un peu trop. Mais la vraie surprise de « Bliss« , c’est Owen Wilson qui s’aventure dans un registre et une palette d’émotions auxquelles on n’est pas habitué et il s’en tire parfaitement. Après, il est dommage que « Bliss » n’offre pas vraiment d’autres personnages que ces deux-là. Certes, il y a quelque chose de plus développé entre Owen Wilson et Nesta Cooper qui incarne sa fille, mais on sent que Mike Cahill s’est principalement basé sur ces deux personnages et les autres, c’est du surplus que le film survole.

Sept ans après « I Origins« , Mike Cahill revient avec un plus gros projet et le tout est vraiment intéressant. Certes, le film a ses facilités et ses difficultés, certes parfois, il n’est pas subtil, ce qui amène un trouble et un doute, mais sur l’ensemble, « Bliss » pose de bonnes questions philosophiques et le fait de ne pas donner de réponse claire, le fait de semer un doute et de nous laisser conclure ce dont on a envie, bouscule un peu les choses et est vraiment un plaisir. Puis au-delà de ça, toute la filmographie de Mike Cahill, cette idée, ces questions comme son film, sont parfaitement cohérents. En espérant maintenant ne pas attendre sept années de plus pour avoir un nouveau film du cinéaste.

Note : 14/20

Par Cinéted

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