avril 20, 2024

Hex – Thomas Olde Heuvelt

Auteur : Thomas Olde Heuvelt

Editeur : Bragelonne

Genre : Horreur, Thriller

Résumé :

Quiconque né en ce lieu est condamné à y rester jusqu’à la mort. Quiconque y vient n’en repart jamais. Bienvenue à Black Spring, charmante petite ville de la Hudson Valley. Du moins en apparence : Black Spring est hantée par une sorcière, dont les yeux et la bouche sont cousus. Aveugle et réduite au silence, elle rôde dans les rues et entre chez les gens comme bon lui semble, restant parfois au chevet des enfants des nuits entières. Les habitants s’y sont tellement habitués qu’il leur arrive d’oublier sa présence. Ou la menace qu’elle représente. En effet, si la vérité échappe de ses murs, la ville tout entière disparaîtra. Pour empêcher la malédiction de se propager, les anciens de Black Spring ont utilisé des techniques de pointe pour isoler les lieux. Frustrés par ce confinement permanent, les adolescents locaux décident de braver les règles strictes qu’on leur impose. Ils vont alors plonger leur ville dans un épouvantable cauchemar…

Avis :

Exception faite des classiques et des best-sellers, il est particulièrement difficile de trouver des incursions horrifiques, a fortiori novatrices, sur le sol français où les traductions ne sont pas systématiques. Bien entendu, cet état de fait ne se confirme pas quand un livre se vend bien dans ses terres natales, puis à l’échelle internationale. Ainsi, une partie de l’œuvre d’Adam Nevill (Derniers jours, Le Rituel…) a pu nous parvenir au cours des années 2010, révélant une propension évidente pour les ambiances glauques et oppressantes. Avec Hex, Bragelonne semble avoir entrepris la même démarche pour mettre sur le devant de la scène une incursion notable dans le genre.

La genèse d’Hex s’avère singulière dans le sens où son exportation a donné lieu à une réécriture pour réinventer le cadre. Une anecdote suffisamment rare dans le domaine de l’édition pour la souligner. L’auteur transpose ainsi son histoire des Pays-Bas vers l’état de New York, tandis que le dénouement a également fait l’objet d’ajustements. Sur le papier, il faut connaître le roman publié dans sa langue d’origine pour pleinement saisir les différences ou l’évolution de la narration entre les deux versions. En effet, ce travail en aval du projet demeure invisible aux yeux des lecteurs. La plongée dans cette bourgade de l’Amérique profonde est alors immédiate et efficace.

D’emblée, il est aisé de distinguer les influences de l’auteur à travers le cadre ou l’atmosphère, notamment Twin Peaks ou The Wicker Man. Si ce n’est quelques connotations modernes, l’intrigue peut se transposer dans les années 1980, voire une période antérieure. Toutefois, l’utilisation des outils du web et des systèmes de vidéosurveillance de la ville entière renvoie à une approche orwellienne où la vie à Black Spring se fait en vase clos. L’absence d’intimité tient autant au faible nombre d’habitants, à cette sensation d’observation constante et, surtout, à la présence de la sorcière qui s’insinue dans n’importe quel recoin domestique ou sauvage.

En cela, le traitement demeure frontal et plutôt dynamique. En marge du formidable travail de construction sur le contexte et l’organisation globale de la commune, les incursions de l’entité restent imprévisibles, accentuant leur aspect angoissant. Au lieu de jouer sur la suggestion, l’intégration de la sorcière rend ses irruptions et son comportement d’autant plus pernicieux. On a beau deviner une passivité de façade, les manifestations préservent leur aura ténébreuse. Cette tonalité inquiétante fait office de catalyseur pour générer la peur chez les habitants et le lecteur.

Malgré une trame temporelle contemporaine, les superstitions sont particulièrement vivaces devant le caractère irrationnel de la situation. Lynchage, lapidation, sacrifice humain… La violence des comportements est également forte. Leur écho tient autant à la résurgence de mœurs moyenâgeuses qu’à l’organisation de systèmes totalitaires. Outre la sensation d’être épié en permanence, les jugements expéditifs et la question de la religion sont des facteurs qui entrent en ligne de compte dans un contexte qui se dégrade progressivement, avec de nombreuses nuances selon les intervenants concernés.

Au final, Hex tisse une trame âpre, dont la maîtrise et la structure sont admirables pour un premier roman. De la qualité de la caractérisation au soin apporté à l’atmosphère, le livre de Thomas Olde Heuvelt s’avance comme un excellent récit d’horreur. L’originalité de l’idée initiale est particulièrement bien exploitée, jouant sur l’omnipotence de l’antagoniste pour mieux suggérer le sentiment de vulnérabilité qui en découle. Sous le prisme de choix personnels ou collectifs, l’histoire traite de ses thématiques avec réalisme, notamment en ce qui concerne les croyances (superstitions et religions) et la famille au sens large du terme. Il en ressort une lecture à l’aura sinistre qui use d’une peur séculaire pour démontrer toute son efficacité dans la veulerie humaine.

Note : 17/20

Par Dante

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