avril 16, 2024

Kids Return

Titre Original : Kizzu Ritân

De : Takeshi Kitano

Avec Masanobu Ando, Ken Kaneko, Leo Morimoto, Hatsuo Yamaya

Année: 1996

Pays: Japon

Genre: Drame

Résumé:

Masaru et Shinji n’aiment pas le lycée. Ils préfèrent traîner dans les bars, voler et glander. Mais un jour, les deux adolescents reviennent accompagnés d’un ami boxeur qui met Masaru KO. Ce dernier décide alors de se mettre au Noble Art, rapidement suivi par Shinji, lequel va se révéler bien meilleur boxeur. Dépité, Masaru va tenter sa chance du côté de la pègre locale…

Avis :

La filmographie de Takeshi Kitano constitue un véritable cas d’école qui interpelle et décontenance face à tant de disparités artistiques. Réalisateur inclassable, il privilégie les toiles de fond et l’exercice de style en lieu et place des traitements standardisés, pour ne pas dire stériles. Polar, romance, drame, comédie… Chacun de ses projets incorpore des éléments propres à plusieurs genres. On peut parler d’éventuelles prédominances de l’un d’entre eux pour tenter de catégoriser son travail. Cependant, ses pieds de nez constants et le caractère anticonformiste de ses longs-métrages en font une figure singulière autant dans son pays qu’à l’échelle internationale.

Aussi, Kid’s Return marque une nouvelle étape dans sa carrière. Après le succès mondial de Sonatine, le potache Getting Any ? et un accident de la route qui lui avait laissé des séquelles, Takeshi Kitano s’insinue dans les affres et les errances de l’adolescence. L’absence de perspectives d’avenir, l’incapacité à s’insérer dans le système scolaire, la tentation de l’argent facile, l’amitié… Chacun de ces sujets n’a rien de foncièrement novateur à raconter dans le fond. Pour la forme, il découle néanmoins une fibre nostalgique indéniable qui évoque le passé du réalisateur, notamment en ce qui concerne le manzai. Cet art de la comédie renvoie en effet à ses débuts de carrière en tant que comique.

Comme souvent dans le cinéma de Kitano, les personnages ne sont pas forcément attachants, presque pathétiques dans leur vaine tentative de trouver un sens à leur existence. Pourtant, il y a une tonalité nihiliste qui plane constamment sur l’intrigue. Peut-être est-ce dû à ces échecs successifs, à l’absence de persévérance ou à de mauvaises influences qui prodiguent de piètres conseils et leçons de vie. Toujours est-il que la progression demeure trompeuse, mais pas d’une manière péjorative. Elle laisse entrevoir une lueur d’espoir. Les prémices d’une ascension sociale avant de faire voler en éclat la somme des efforts consentis. Avec un minimum de cynisme, d’aucuns diraient que les protagonistes perdent leurs illusions pour se confronter à la « réalité ».

Mais les choses ne sont jamais clairement définies lorsqu’on évoque un film de Takeshi Kitano. Ce dernier confirme sa propension à multiplier les ellipses, les passages contemplatifs et autres détournements rythmiques. Il fait néanmoins preuve de davantage de rigueur dans le montage avec une intelligibilité qui résonne comme l’écho d’une chute annoncée pour ses personnages. Toutefois, la responsabilité ne leur incombe pas uniquement, mais aussi à leur entourage. L’absence d’un modèle parental, des professeurs condescendants, des voyous de bas-étage… En vérité, seuls les marginaux leur montrent un minimum d’attention, si intéressé soit leur comportement respectif. Là encore, la critique sociétale reste perceptible.

À l’image d’A Scene at the Sea, Kid’s Return met également l’accent sur un sport, synonyme d’évasion et de dépassement de soi. En l’occurrence, il s’agit de la boxe. Sous cet angle, l’itération en territoire japonais relève presque d’un traitement inédit. Tout comme son prédécesseur, la discipline n’est pas le cœur du film. Elle revêt surtout une connotation cathartique, presque salvatrice pour le duo de têtes. L’une des grandes particularités du présent métrage réside dans l’exposition des faits. On se rend compte que les personnages ne sont pas forcément centraux, mais pris dans un tourbillon d’évènements qui échappe à leur contrôle, ainsi qu’à leur compréhension.

Pour en revenir à la boxe, la caméra se focalise sur les entraînements, la salle de sports, la rigueur et l’hygiène de vie qu’implique un tel choix. De même, les combats sont rapidement expédiés pour s’attarder sur une séquence dans un vestiaire ou la « célébration » d’une défaite autour d’une bière dans un bar miteux. La violence ne reste que peu représentée. Cela vaut aussi pour les tableaux qui dépeignent le milieu des yakuzas, traduit ici non comme un fantasme du crime organisé, mais la lie de la société qui regroupe des incompétents et des idiots. Les codes du polar ne sont pas une occurrence importante, mais attestent du passif du cinéaste en la matière.

Au final, Kid’s Return s’avance comme un film sur le désespoir à travers le parcours d’adolescents en perte de repères et de soutiens moraux. Malgré quelques éléments indissociables de son style, Takeshi Kitano fait preuve de davantage de sobriété dans sa mise en scène et les propos véhiculés. Quand bien même ces derniers sont assez sentencieux, car ils entretiennent une part d’illusions. Il en résulte une odyssée sans concession sur le passage à l’âge adulte, faite de haut et surtout de bas. La confrontation à la société et non à la réalité est d’autant plus éprouvante qu’elle est la principale responsable de leur marginalisation. À son habitude, Takeshi Kitano suscite de nombreuses émotions, parfois contradictoires, au fil de son métrage ; de l’attendrissement à la plus profonde des mélancolies.

Note : 14/20

Par Dante

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