avril 25, 2024

Top 10 EP 2020

2020 a été une année étrange tout le monde en conviendra. Une année où une pandémie mondiale a stoppé net toute l’industrie de la culture. Privés de concerts depuis des mois, les musiciens n’ont pas pour autant baissé les bras et ont fait preuve d’une créativité insondable (vous en aurez la preuve avec le top musique 2020). Albums, ressorties, concerts en livestream, tous les moyens ont été bons pour garder un lien avec le public. Et cette année a été également riche en EPs de très bonne qualité, un format dont on parle peu mais qui regorge de pépites. En voici, selon l’humble avis de l’auteur de ces lignes, les 10 plus marquants.

#10 Get Real – Rise

On commence par Get Real, venu de la cité albigeoise, un quatuor de hardcore bien énervé. Rise est un EP de 4 titres. 4 titres pour 16 minutes, de quoi aller à l’essentiel. Et le moins qu’on puisse dire est que Get Real ne met pas les gants pour cogner et ça fait du bien. Entre breakdowns bien saignants, lignes de basse et de guitare tranchants et vocalises de damnés, Rise décrasse les cages à miel et les nuques, il est taillé pour causer du pays et ça fait du bien.

#9 Scour – Black

Formé en 2015 par le couteau suisse Phil Anselmo, Scour est un supergroupe composé d’Adam Jarvis (Misery Index, Pig Destroyer) à la batterie, Derek Engemann (Cast the Stone, Philip H. Anselmo & The Illegals, ancien de Cattle Decapitation) et Mark Kloeppel (Misery Index, Cast the Stone) à la guitare, John Jarvis (Agoraphobic Nosebleed, ancien de Pig Destroyer) à la basse et Phil Anselmo au micro. Après les EPs Grey en 2016, et Red en 2017, il était logique que la couleur noire soit abordée. Black a bénéficié d’un peu plus de publicité que les EPs précédents en raison des invités du morceau Doom, à savoir Erik Rutan de Hate Eternal à la gratte mais surtout Jason Momoa au micro. Pour le reste, on a du black metal hyper rapide teinté de death et grind bien dégueulasses, le tout fait par des musiciens qui sont loin d’être des manches. Bien sûr, c’est pas révolutionnaire, mais ça fait le job en offrant une bonne grosse de brutalité.

#8 Mrs Piss – Self-Surgery

On doit tenir là le nom de groupe (et l’artwork) le plus WTF et le plus improbable de l’année. Non, Mrs Piss n’est pas un hommage aux dames pipi qui font un taf pas facile et payé au lance-pierres. Mrs Piss est un duo entre Chelsea Wolfe et Jess Gowrie qui fut sa batteuse sur l’album Hiss Spun.
Quelques mois après le sublime album folk gothique The Birth of Violence, Chelsea Wolfe revient donc en duo avec quelque chose de plus radical et électrique. Difficile de définir la musique de Mrs Piss, ça oscille entre punk crust, relents doomeux crades, et même électro-rock énervé, le tout avec une approche expérimentale. Mrs Piss ne fait pas dans la dentelle et en même temps, avec un nom pareil, le contraire aurait été décevant.

#7 Evas Kiss Anger – Stories

Outre son nom étrange issu d’une digression à 3 grammes du matin, Evas Kiss Anger a un autre truc insolite : c’est le seul groupe de métal de tout l’Aveyron (terre la moins métal du monde). Au départ influencé par Deftones, le groupe a évolué, marqué par des groupes comme Will Haven, Converge, Dillinger Escape Plan mais aussi Sepultura (ce qu’on retrouve sur certains morceaux dans le jeu de batterie). Tendu comme un macroniste à la Fête de l’Huma, rugueux et d’une noirceur totale, Stories est une œuvre mature, un nouveau disque de référence sur lequel Evas Kiss Anger peut s’appuyer pour marquer une discographie future au fer rouge.

#6 Te Ruki – E Tika Mateu

Du black metal sous influence norvégienne de groupes comme Taake ou Satyricon joué par un groupe polynésien qui incorpore des éléments de culture locaux, derrière ce mélange inattendu que beaucoup appelleraient kamoulox se cache le premier EP d’un jeune groupe solide. Te Ruki (qui signifie « la nuit ») est un groupe qui vient des îles Tuamotu, archipels de 76 atolls faisant partie de la Polynésie Française. Te Ruki fait dans le black metal épique et old school en langue Tuamotu. E Tika Mateu est leur premier EP. Te Ruki nous offre avec E Tika Mateu un des ouvrages les plus originaux de l’année, un vrai vent de fraicheur dans une scène black traditionnelle qui faisait de la redite depuis quelques temps. Et surtout, preuve une nouvelle fois que le métal, malgré un traitement merdique par des médias français à côté de la plaque, est l’une des musiques les plus globalisées et les plus universelles qui puisse exister.

#5 7 Weeks – What’s Next (The Sisyphus Sessions)

Quelques mois seulement après leur nouveau missile Sisyphus, les excellents 7 Weeks sont retournés en studio pour livrer un cadeau aux fans dans un contexte de morosité sanitaire générale. 6 titres dont deux superbes inédits, une superbe cover de King Crimson et trois titres de Sisyphus dans une version acoustique classieuse, les limougeauds nous gâtent et offrent à leur discographie, pourtant riche de galettes sublimes, un nouvel effort d’une beauté à couper le souffle.

#4 Carcass – Despicable

7 ans qu’on n’avait pas entendu de nouveau morceau de Carcass. Les titans du death anglais sortent enfin de leur silence. Manque de bol, c’est pour un EP. De quoi être légèrement frustré, avec 4 morceaux pour 18 minutes et espérer qu’un album débarque bientôt. D’autant plus qu’on retrouve ce qui fait Carcass, notamment ces riffs monstrueux signés Bill Steer, la grosse basse (bien pesante sur Under the Scalpel Blade) et le timbre si particulier de Jeff Walker, cette orchestration chirurgicale, ce style combinant l’élégance anglaise, la rapidité, la technique et un côté très massif. On s’en prend plein les oreilles dès The Living Dead at the Manchester Morgue et les 3 autres titres sont de même qualité. 4 titres, 4 tubes death en puissance, 4 mandales de 50 kgs dans la gueule. Mais faites nous un album putain, on se croirait à un coït interrompu, là!

#3 Hinayana – Death of the Cosmic

Hinayana est un groupe basé à Austin, Texas. Pourtant, à l’écoute de leur musique, on a l’impression qu’ils viendraient plutôt de Finlande ou de Suède. Hinayana fait dans le melodeath atmosphérique avec quelques relents de doom-death. Planant, orné de superbes plages contemplatives et hyper émouvantes, contrebalancé par le growl puissant et profond de Casey Hurd, le melodeath que propose Hinayana n’aurait pas été renié par Insomnium ni Wolfheart ou Omnium Gatherum. Pitch Black Noise conclut l’EP avec un doom bien massif. Pour le reste, en dehors de la plage instrumentale quasi méditative Yet Here I Wait Forever, Death of the Cosmic nous plonge dans un death mélodique puissant et majestueux. Des nappes de claviers comme sur la superbe intro de Death of the Cosmic, des riffs et des solis déchirants ou encore des touches orientalisantes avec le morin khuur joué par feu Nature Ganganbaigal, le regretté frontman de Tengerr Cavalry, qui apporte un supplément de profondeur sur Cold Conception. Pas grand-chose à redire, aucune faute de goût, le seul défaut est la courte durée du voyage. On espère que le groupe durera le plus longtemps possible et nous sortira encore bien d’autres albums de cette qualité.

#2 Soilwork – A Whisp of the Atlantic

Depuis l’excellent Verkligheten sorti en janvier 2019, Soilwork a eu le temps de sortir un EP quelques mois plus tard et un autre en ce mois de décembre. Ce dernier prouve encore une fois que le groupe de death suédois n’a pas de limite à la créativité. En atteste le premier morceau, A Whisp of the Atlantic, long de plus de 16 minutes, véritable monstre digne des grands élans des gros groupes progressifs. Louchant entre death et prog, le (gros) morceau s’autorise des passages jazzy, des alternances entre calme et chaos, des gros riffs et solis monstrueux, des variances de chant et de finir avec des notes de piano, probablement le morceau le plus délirant de l’année. Les autres morceaux sont plus classiques mais d’une redoutables efficacité avec du gros blast et des growls rugueux. On peut citer Feverish ou le plus rapide et énervé Desperado, mais dans l’ensemble, il n’y a que d’excellents morceaux introduits par l’un des titres les plus ambitieux et aboutis de l’année.

#1 Zeal & Ardor – Wake of a Nation

Un jour, lors d’une discussion sur le forum 4Chan, des utilisateurs suggèrent, probablement pour troller, à Manuel Gagneux, musicien et chanteur passé par le black metal quand il était ado puis ayant fondé le projet chamber pop Birdmask, de fusionner deux genres radicalement opposés : le Negro Spiritual d’un côté, équivalent rural du gospel, et de l’autre, le Black Metal. Manuel Gagneux les prend au mot est lance Zeal & Ardor. Après une demo, Zeal & Ardor sort un premier album, Devil Is Fine, qui connait un petit succès critique et fait connaitre le groupe. Un second album sort en 2018, le sublime Stranger Fruit qui rend hommage entre autres à Billie Holliday. Une œuvre forte, séminale et ambitieuse, l’un des meilleurs albums de 2018.
Ceux qui n’ont pas vécu dans une grotte en cette terrible année 2020 sont au courant du mouvement de révolte contre les violences policières aux USA à la suite de la mort de George Floyd. Des évènements qui marqueront durablement les USA et face auxquels Manuel Gagneux ne pouvait pas rester muet, en tant qu’artiste, en tant qu’humain tout simplement. C’est ainsi qu’à quelques jours des élections présidentielles sort l’EP Wake of a Nation, véritable brûlot aux paroles plus pragmatiques que d’habitude chez Zeal & Ardor. 6 titres pour seulement 17 minutes. Cette très courte durée est bien là le seul défaut de Wake of a Nation.
Dès la superbe pochette où des matraques sont disposées pour former une croix renversée, on sait que Zeal & Ardor ne fera pas dans la dentelle. Vigil débute l’album avec Manuel Gagneux qui chante les dernières paroles de George Floyd. Tuskegee fait dans le black metal pur et dur pour délivrer un vrai monument de rage. At the Seams alterne ballade et envolée de riffs et de frappe black. I Can’t Breathe sample des slogans de manifestations. Trust No One rappelle le credo de Zeal & Ardor en mêlant vocalises et chœurs gospel voire soul et shriek black metal. Un vrai moment de grâce et de violence mélangées avant le revendicatif Wake of a Nation. Par la forme, Wake of a Nation livre une musique ambitieuse et de haute volée, le mélange des genres opère à merveille et s’avère totalement pertinent pour un véhiculer un message essentiel. Par le fond, Wake of Nation est une œuvre pertinente et intelligente, et tout simplement de prime importance.

Par Nikkö

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