mars 28, 2024

Loba Loca

Auteurs : Run et Guillaume Singelin

Editeur : Ankama

Genre : Aventure, Action

Résumé :

Élevée par sa mère et en manque de repères, Guada accumule les frustrations et cherche sa voie dans la mégalopole crasseuse de Dark Meat City. Un road trip surprenant qui conduira la jeune fille sur le chemin de son avenir, et sur les traces de son passé, quitte à rencontrer des personnages aussi insolites qu’infréquentables…

Avis :

S’il y a bien un univers qui mérite d’être approfondi avec divers personnages, c’est celui de Mutafukaz. Déjà signée par Run au scénario, Mutafukaz propose une plongée étrange dans une pop culture exacerbée où des personnages loufoques évoluent dans une ville crasseuse, Dark Meat City. Fort de son succès papier et d’un film qui a eu les honneurs des salles obscures, il était presque évident de faire un spin-off autour d’autres personnages. Et ici, on va s’intéresser à Guada, jeune adolescente perturbée qui souhaite retrouver ses racines paternelles. Nous voici donc engagés dans un road trip aussi violent que passionnant, où les thématiques sont riches et profondes pour un résultat tout simplement jouissif.

L’entrée en matière est assez forte. Guada fait l’amour avec le type le plus en vue du lycée, mais ce n’est pas comme elle l’espérait. Alors harcelée par la coqueluche du lycée, elle perd les pédales et la tabasse devant tout le monde. Alors assignée à résidence, Guada, élevée par sa mère, va découvrir que son père est un ancien catcheur de la Lucha Ultima. Elle décie, pour les grandes vacances, de partir à la rencontre de l’acolyte de son père, Tigre, et d’apprendre la lutte afin de canaliser sa colère et de marcher sur les traces de son paternel. Sauf que, comme on s’en doute, les choses ne vont pas forcément se passer comme prévu. Loba Loca est une série qui s’appuie sur l’adolescence et la recherche de ses racines pour tisser des liens indéfectibles entre un gros bourru et une jeune femme en quête de personnalité. Run l’a bien compris, s’il veut que ça marche, il faut un duo alchimique, où les relations seront poussées à leur paroxysme.

Ainsi donc, on se retrouve avec Guada et Tigre, qui ont chacun leurs démons. Si Guada ne maîtrise pas sa colère et va rendre la vie dure à Tigre, ce dernier n’est pas en reste avec un problème digestif intempestif et un passé qu’il ne veut pas remuer. On trouvera dans ce récit les différentes souffrances d’un passé assez lourd à porter. Car si Guada recherche son père supposé mort, elle veut connaître son passé pour pouvoir avancer et grandir. Quant à Tigre, il semble résolu à faire un trait sur son ancienne gloire, de peur de devenir la risée de tous et de ne plus être à la hauteur. Loba Loca va donc bien plus loin que son simple postulat de road trip. On y trouve des éléments très touchants concernant les deux personnages, ces deux écorchés vifs qui vont se trouver et s’aimer. Tigre prendra alors la place du père, tandis que Guada apprendra la vie et deviendra une jeune femme accomplie et réfléchie.

Outre les axes sur les mentalités et les évolutions des personnages, Loba Loca est aussi une histoire très riche en thématiques sociétales. On va y voir les ravages des réseaux sociaux et cette volonté d’être connu à tout prix. Car si Guada souffre, c’est aussi à cause d’harcèlement via les réseaux et elle se sent un peu à part, ne s’intéressant absolument pas à la télé-réalité. Run va alors aborder, en filigrane, l’idiotie de ces programmes télé qui ne sont là que pour « détendre », laissant apathie une bonne partie de la population, tandis que l’autre se moque éperdument de ces personnages, se sentant supérieur durant l’émission. C’est fait de façon intelligente, d’autant plus que ces petites allocutions durant le récit trouveront un écho sur la fin, où l’action se déroule sur le plateau de cette émission. On verra aussi comment la popularité peut détruire. Le personnage de Tigre souffre de son passé glorieux, tout comme ses différents amis catcheurs qui veulent faire un trait sur le passé.

En dehors de ces critiques distillées dans tout le récit, le scénariste a l’ingénieuse idée de proposer des personnages qui sont tous, absolument tous, attachants. Rares sont les récits où il n’y a pas d’antagonistes, et c’est clairement le cas avec Loba Loca. L’aspect buddy movie se ressent avec le duo phare, qui fonctionne parfaitement, mais on sera aussi touché par cette mère célibataire qui essaye de tout faire pour sa fille. On sera touché par cette catcheuse qui fait ça à cause de mauvais choix avec de mauvaises personnes et qui se retrouve prisonnière de sa condition. Difficile de ne pas succomber aux charmes de Guerrera. Et puis il y a toute cette galerie de personnages secondaires, comme les deux amies de Guada, des ados dans l’air du temps, ou encore ces personnages de télé-réalité qui, finalement, ne seront pas si mauvais que ça, malgré leur bêtise. Reste le final, qui fait intervenir un pauvre geek martyrisé, victime de producteurs véreux, qui seront le vrai cancer de cette histoire, surtout sur la fin. Quand on vous dit que cette histoire est intelligente. S’il y a une forme de jugement, ce sera sur tous ces types qui veulent de l’argent à tout prix, exploitant les autres.

Enfin, difficile de passer à côté des planches de Guillaume Singelin. L’univers est parfaitement exploité et on ressent la chaleur de cette ville et de cette région. Il s’échappe de ces images une sorte de candeur qui s’assimile parfaitement avec l’histoire pourtant rude et parfois violente. Les traits sont dynamiques, les séquences d’action sont maîtrisées et surtout, on ressent la puissance dans les coups, notamment avec le massif Tigre ou les guerrières athlétiques. Selon toute vraisemblance, on ne peut rien reprocher à l’ensemble, tant tout semble s’imbriquer de la plus belle des façons.

Au final, Loba Loca est un comic français très intéressant et intelligent. Sorte de road trip à la recherche de ses racines, récit autour d’une ado qui cherche à canaliser sa colère en recherchant son passé, l’histoire de Run et de Guillaume Singelin est une véritable bouffée d’air frais et de bonheur. Si violence il y a, elle sert à chaque fois le récit et les évolutions des personnages. Bref, il serait dommage de passer à côté de cette histoire, qui peut être lue sans forcément connaître Mutafukaz.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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