avril 24, 2024

Complot de Famille

Titre Original : Family Plot

De : Alfred Hitchcock

Avec Karen Black, Bruce Dern, Barbara Harris, William Devane

Année: 1976

Pays: Etats-Unis

Genre: Thriller, Comédie

Résumé :

La richissime Miss Rainbird engage Blanche, une jeune voyante, et son ami George, pour retrouver son neveu Edward, dont elle veut faire son héritier. Nos enquêteurs en herbe retrouvent la trace d’Edward, dont la principale activité n’est autre que le kidnapping

Avis :

Toute carrière a une fin. C’est un peu triste à dire, mais au bout d’un moment, chaque réalisateur doit prendre sa retraite ou mourir à un moment et donc terminer sa carrière. Si certains choisissent de partir dans un dernier chant du cygne, voulant finir sur un beau coup d’éclat, d’autres n’auront pas le choix, décédant peu de temps après leur dernière œuvre. C’est le cas pour Alfred Hitchcock qui livrera Complot de Famille avant de décéder quatre ans plus tard. Habitué des thrillers et des films un peu tordus, il ne faut pas oublier que le cinéaste, de par le passé, a déjà réalisé quelques comédies et des films plus légers, comme Mais qui a Tué Harry ? par exemple. Avec Complot de Famille, il va mélanger deux styles bien différents, le thriller avec la comédie, et l’ensemble fonctionne plutôt bien.

L’histoire se divise en deux parties qui vont se rejoindre au bout d’un moment. Le film débute avec Blanche, une médium qui fait croire à des personnes naïves qu’elle peut communiquer avec l’au-delà. Elle se trouve avec Mme Rainbird, une riche veuve qui ne veut qu’une chose, retrouver son neveu pour lui léguer sa fortune. Elle promet à la médium dix mille dollars pour le retrouver. On enchaine ensuite avec Fran, une femme énigmatique qui fait chanter la police et échange un gros diamant contre un homme d’affaire que son mari à kidnapper. Mari qui répond au doux nom d’Arthur Adamson et qui est bijoutier le jour et kidnappeur la nuit. Manque de pot pour lui, Blanche et son mari George sont à sa recherche sans le savoir, car il n’est autre que le neveu de Mme Rainbird, sous une identité caché. Un quiproquo se met alors en marche puisque la tête d’Adamson est mise à prix et il pense que les deux personnes souhaitent l’attraper pour le livrer à la police.

Comme on peut le voir, le scénario se divise en deux histoires qui vont se regrouper. D’un côté, on aura une comédie avec un couple qui arnaque les gens crédules et qui vont trouver un boulot pouvant leur rapporter très gros. De l’autre, on a un couple de kidnappeurs arnaqueurs, particulièrement vils et qui n’ont pour seul motivation, l’argent. D’un côté le comique et deux personnages agréables. De l’autre, le thriller et un couple arrogant et machiavélique. C’est à partir de ce schéma narratif très simple qu’Hitchcock va peaufiner son intrigue, entre l’enquête menée par le couple et le train de vie décadent d’un arnaqueur qui ne vit presque que pour le crime. Cette façon de faire va permettre au cinéaste de présenter quatre personnes différentes, d’installer leur relation, et leur donner de l’épaisseur, sans jamais en faire des caisses. Voulant toujours donner du background à ses personnages, Hitchcock réussit ici ne pas perdre de temps dans de la présentation plus ou moins inutile.

Et les personnages, c’est vraiment ce qui importe dans ce film. Blanche est une jeune femme fort sympathique, très espiègle, qui arnaque les gens grâce à son bagou et pour laquelle on ressentira une profonde empathie malgré ses arnaques à la chaîne. En effet, sa bonhommie nous fait oublier qu’elle se fait de l’argent sur le malheur des autres. Son mari, George, est un acteur raté qui conduit des taxis. Il accompagne alors sa femme dans son enquête pour retrouver le fils perdu de la sœur de Mme Rainbird, et il va être à la fois drôle et pertinent. Bruce Dern est excellent dans ce rôle un peu de Pierre Richard mais qui trouve toujours une solution pour échapper au pire. Du côté des « méchants », on a un homme vil et sans respect pour quiconque. Arnaqueur, kidnappeur, tueur à ses heures perdues, Hitchcock dresse le portrait d’un sociopathe manipulateur que l’on va détester dès le début. William Devane est tout bonnement époustouflant dans ce rôle de salaud. Enfin, Fran, sa femme, est un être plus fragile, en proie à des démons, qui suit son mari plus par amour et obligation que par choix. Karen Black joue ce personnage torturé à merveille.

Et si les acteurs sont formidables et donnent corps à des personnages à la fois empathiques et malveillants, le film tient aussi énormément sur le déroulement de l’intrigue. Le départ est vraiment monté comme un policier où l’on mène l’enquête auprès de George. On fait des déductions, on essaye de savoir comment cet homme a pu se faire passer pour mort. On essaye d’émettre des hypothèses et toute cette enquête faire irrémédiablement penser à un Agatha Christie. Tout en gardant sa bonhommie de départ, le film nous embarque dans cette histoire rocambolesque où finalement tout le monde arnaque tout le monde. Car oui, malgré le ton comique de l’ensemble, Hitchcock joue avec nos valeurs, présentant quatre personnages qui ne sont que des joueurs, des acteurs, des roublards, prêts à tout pour quelques dollars supplémentaires.

En dehors des personnages et de l’enquête, on retiendra aussi une mise en scène assez sobre, correspondant parfaitement à la fin de cycle d’Hitchcock. Si l’ensemble manque peut-être de plans iconiques, il faut laisser au réalisateur un choix de colorimétrie intéressant (avec toujours le vert pour surligner ce qui peut paraître comme surnaturel, notamment au début) et certaines séquences plutôt stressante, comme la descente de la route de montagne sans frein. Un moment rondement mené et relativement bien shooté. Mais, c’est là aussi que l’on va voir les limites du mélange des genres.

En effet, si la mise en scène est bien, Hitchcock fait des choix hasardeux dans le maintien de sa tension. La comédie prend parfois trop le pas sur le thriller et la tension. Prenons un exemple concret, l’accident de voiture. La scène est dense, la voiture dévale une route à toute vitesse, la perte de contrôle et le mort sont les seules issues possibles. Sauf qu’avec le surjeu de Barbara Harris qui touche le volant, met ses pieds en l’air, tire la cravate de son mari, tout cela prête plus à sourire qu’à craindre pour eux. Pour la première fois, Hitchcock semble incapable de tenir son suspens sans faire une blague potache. Et ce n’est pas la seule scène qui est comme cela.

Au final, Complot de Famille est un film qui est réussi, c’est indéniable. Il y a une sorte de bonhommie qui se dégage du film qui fait un bien fou et montre que le réalisateur est en pleine forme. Cependant, entre une durée un poil trop longue (deux heures) et un mauvais équilibre entre le thriller et la comédie, le metteur en scène livre un métrage inégal qui oublie de faire craindre pour ses personnages. Pour autant, ce dernier film d’Hitchcock reste plutôt maîtrisé et démontre une volonté de toujours se mettre en danger, même si sa fin de carrière.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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