avril 20, 2024
BD

Sky-Doll

Auteurs : Alessandro Barbucci et Barbara Canepa

Editeur : Soleil

Genre : Science-Fiction

Résumé :

Dieu est mort. Son corps gît dans son bureau de l’Heaven Spaceshisp Wash, un astrolavage parmi tant d’autres sur la planète Papathéa. Mais quel est le lien entre le créateur de l’univers et cette poupée synthétique conçue pour le plaisir des sens, en cavale de planète en planète ? Pourquoi semble-t-elle toujours en proie à une avalanche d’événements désastreux tels des électrons gravitant autour du noyau d’un atome ? Peut-être que la papesse sait ou pressent quelque chose. Peut-être ce secret est-il gardé par les mystérieux habitants de la ville blanche. Peut-être, tout simplement, que personne ne sait rien. Sans doute, lorsque la vérité éclatera au grand jour, sera-t-il trop tard. Pour tous.

Avis :

Depuis plusieurs années, le monde de la bande-dessinée tire un peu la gueule. Pas parce que les ventes sont mauvaises ou que le médium tombe en désuétude, mais surtout parce que la loi du marché régit les éditeurs qui ne veulent plus prendre de risque et rémunèrent à coup de cailloux les dessinateurs et scénaristes. De ce fait, on trouve beaucoup de séries qui tombent dans l’abandon le plus total soit par démission des auteurs, soit par une volonté de stopper la série de la part de l’éditeur qui ne trouve pas son compte (en banque). Dès lors, on peut trouver de l’originalité dans le neuvième art, mais il est fort à parier qu’il n’aura pas de conclusion, et c’est assez frustrant. A cela va se greffer une troisième problématique, l’accumulation de projets par les scénaristes et dessinateurs afin de pouvoir manger à sa faim tous les jours. C’est un problème pour le lecteur qui risque souvent d’attendre un long moment avant de voir la suite de sa série préférée, parfois une bonne dizaine d’années.

Ce qui est le cas de Sky-Doll. Initiée en 2000 avec le premier tome La Ville Jaune, les auteurs Alessandra Barbucci et Barbara Canepa frappent un grand coup dans la fourmilière de la science-fiction. Doté de graphismes à couper le souffle et d’une histoire à la fois sexy et aux thématiques gargantuesques, ce premier épisode promettait beaucoup de bonnes choses et donnait l’eau à la bouche. Un appétit qui fut vite rassasié avec un deuxième tome qui sortira deux ans plus tard, puis un troisième opus qui prendra plus de temps, puisqu’il n’arrivera entre nos mains qu’en 2006. Quatre ans, c’est déjà bien long pour sortir un seul tome, surtout que celui-ci n’a pas de conclusion, et il faudra s’armer de patience pour voir, enfin, le quatrième tome sortir, soit dix ans, puisqu’il arrive dans les bacs en 2016. Que s’est-il passé durant tout ce temps ? Tout simplement un surplus de projets, des priorités et un travail de longue haleine sur un dernier tome époustouflant d’un point de vue graphique. Et c’est d’ailleurs sur cela que l’on va s’arrêter en premier.

Car ce qui marque le plus avec Sky-Doll, c’est clairement la qualité de ses dessins. Baignant dans une sorte de Space-Opéra mystique, la série va mélanger deux styles qui peuvent paraître antinomique, les rondeurs d’un dessin jeunesse et une certaine crudité dans les nus et dans un univers très mature. Sky-Doll, ce sont des personnages mignons mais qui font l’amour dans des positions lascives. Sky-Doll, c’est un monde dense, dangereux, avec des inégalités sociales, mais avec aussi de petites bestioles qui viennent égayer les rues et les cases. Le travail de Barbara Canepa est tout simplement impressionnant et le plus fort là-dedans, c’est que l’on voit les progrès au fur et à masure des tomes. Les premiers semblent assez vides dans les décors et bénéficient d’une ambiance lumineuse assez forte, alors que le quatrième opus est incroyable. On passe un cap au-dessus avec des détails qui frétillent la rétine et des choix de couleurs plus nuancés permettant de rendre ce tome peut-être plus adulte et plus mélancolique. Dix ans, c’est long, mais pour des dessins d’une telle qualité, ça vaut largement le coup. Est-ce pareil pour l’histoire ?

Sky-Doll est une série de science-fiction qui est très dense, très riche dans ses thématiques. La plus importante est celle de la religion et de la dualité qui règne dans l’univers, entre les admirateurs de Ludovique et ceux d’Agape. On y voit des vierges magnifiées, sexuées, mais dont le peuple se déchire l’admiration, offrant une guerre de religion. Derrière cette façade tragique se joue un jeu de stratège avec des prêtres qui tirent des ficelles et une Ludovique prête à tout pour rester la déesse adulée, même au prix de gros mensonges éhontés. On y voit donc de la manipulation de population, des shows télévisés grandiloquents qui masquent une cruelle réalité, privilégiant la forme au fond. Et au milieu de tout ça gravite Noa, cette poupée qui doit servir d’objet sexuel mais qui se rend compte qu’elle a une conscience, et qu’elle est même le réceptacle d’Agape, cette vierge disparue qui fait tant de tort à Ludovique. On va donc y parler de l’âme, de l’identité, de transhumanisme même et tout cela rajoute des sous-intrigues à une intrigue principale qui semble peiner un petit peu.

On ne va pas se mentir, si Sky-Doll est très joli et que les thématiques sont tout de même relativement intéressantes, il lui manque un truc, de la cohérence. Sur tous les albums, par moments, on passe d’une case à l’autre avec des dialogues qui semblent sauter ou qui vont trop vite. On a la sensation que les deux auteurs s’imposent un rythme et qu’ils refusent de le ralentir pour s’appesantir sur un sujet précis. De ce fait, on a parfois la sensation que les sujets sont à peine survolés et qu’à la base, chaque tome était centré sur une ville. Choix qui a dû être rapidement corrigé vu la vitesse de travail des deux auteurs. Et cela se ressent sur les trois premiers tomes qui ne prennent pas le temps et explore une nouvelle ville à chaque fois. Cela se ressent moins sur le dernier tome sorti, puisqu’il est plus long et que les auteurs ont conscience qu’ils ne peuvent pas continuer comme cela. Il y a une vraie rupture et ce n’est peut-être pas si mal.

Au final, Sky-Doll est une série qui est très intéressante dans son fond comme dans sa forme, mais qui n’est pas dénuée de défauts. Outre des dialogues qui parfois s’emboîtent mal ou encore des sujets survolés au profit de quelques scènes de cul, on peut être déçu de la finalité du projet après autant d’attente et de promesses pas forcément tenues. Certes, c’est beau, divinement beau, c’est parfois drôle et quelques fois profonds, mais il manque vraiment un truc à Sky-Doll pour pleinement convaincre et c’est bien triste…

Note : 14/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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