mars 19, 2024

La Parole Perdue – Frédéric Lenoir et Violette Cabesos

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Résumé :

À l’époque actuelle, Johanna est à Vézelay avec sa fille de 5 ans, baptisée Romane en l’honneur de la basilique. Tom, archéologue à Pompéi, lui dit qu’un de ses hommes a été tué. À l’époque de Néron, à Rome, Sextus Livius et les siens ont été condamnés aux arènes pour leur nouvelle croyance chrétienne. Sa fille Livia de 9 ans, porteuse d’un message de Jésus via Marie Madeleine (qui a oint le corps de Jésus) pour l’apôtre Paul, est vendue comme esclave à Faustina. À sa mort, vers +75, Faustina la donne à son neveu stoïcien : Javolenus qui l’autorise à pratiquer le christianisme discrètement et l’emmène à Pompéi où il y a l’eau courante. À l’époque actuelle, Johanna découvre que Romane vit la catastrophe de Pompéi (+79) chaque nuit depuis que Tom lui a donné un denier de cette époque. Une autre archéologue est tuée à Pompéi. Romane se prend pour Livia et veut retrouver le papyrus de Jésus. Johanna va à Pompéi et un troisième archéologue est tué. Lors de l’éruption du Vésuve en +79, Javolenus et Livia s’étaient réfugiés dans un caveau et le papyrus a sûrement été sauvé. Johanna et Tom pensent que le tueur veut les empêcher de le retrouver. Tom avoue à Johanna que c’est lui le meurtrier. Il veut tuer Johanna, mais le père de Romane, qu’elle n’a pas vu depuis la naissance, la sauve. Finalement, Johanna trouve le papyrus dans la sculpture de Marie Madeleine qu’elle avait à Vézelay. Elle demande à un moine de le traduire, mais celui-ci l’enterre en secret.

Avis :

Entre deux essais théologiques, Frédéric Lenoir revient à la fiction avec Violette Cabesos pour poursuivre les (més)aventures de Johanna, archéologue de son état. En effet, La parole perdue n’est autre que la suite de La promesse de l’ange, thriller historique se situant au Mont-Saint-Michel. Même si les deux écrivains ne sont pas restés les bras croisés durant les sept années qui séparent les deux livres, il aura fallu s’armer de patience pour découvrir ce roman. Fort de la spécialité de Frédéric Lenoir en ce qui concerne les religions et la spiritualité en générale, on pouvait s’attendre à ce que le récit s’ancre dans un contexte théologique poussé où s’entrecroisent crimes, intrigues et manipulation de la vérité.

Avant tout, l’on notera trois points narratifs distincts. Outre le présent, l’on plonge également dans un sombre Moyen-Age qui n’a rien à envier aux pérégrinations des sénateurs Romains à l’époque du glorieux et décadent empire. Ce dernier fait partie des réjouissances et s’avère le principal fil rouge à suivre (plus précisément vers la fin du premier siècle). Malgré l’épaisseur du livre (690 pages en format de poche) et la densité du texte (paragraphes très peu aérés), l’équilibre entre ces différentes périodes n’est pas des plus homogènes. Une remarque qui s’applique tant dans la place accordée au fil des pages que dans l’intérêt des récits secondaires.

L’époque contemporaine est clairement reléguée au second plan via une entame saisissante, mais qui s’effilochera durant l’histoire. La faute à une progression lénifiante qui stagne littéralement l’intrigue sur des problèmes familiaux (rattachés à la parole perdue de Jésus d’une manière discutable) qui prennent le pas sur toute autre considération. La période moyenâgeuse où l’on suit les turpitudes des moines se montre trop sporadique pour susciter l’adhésion. En revanche, les plus grandes promesses provenaient sans doute de Livia et les persécutions des premiers chrétiens. Sur un rythme enlevé où l’on ne lésine pas sur la violence, le lecteur se retrouve immergé comme il se doit. Seulement, la dernière ligne droite se penchera sur l’idylle naissante entre Javolenus et Livia.

On ne reviendra pas sur cette relation assez classique (maître et esclave) qui ébranle les castes sociales, mais le fait de considérer les esclaves comme des membres de la famille me laisse dubitatif. C’est un peu comme si tout le monde était heureux d’occuper la place qui leur incombe. Ne connaissant pas assez cette période historique et surtout les mœurs de l’Empire romain à cette époque, je ne m’avancerais pas plus sur le sujet. Toujours est-il que l’intrigue perd de son intérêt quand elle occulte son principal attrait : la parole perdue de Jésus. Eh oui, que devient-elle dans tout ça ? D’ailleurs, les protagonistes semblent même l’avoir oublié au profit de leur quotidien plus ou moins banal.

Il faut tout de même reconnaître que l’aspect historique jouit d’un soin tout particulier, peut-être un peu trop. L’on sent que les deux auteurs connaissent leur sujet. Ils parviennent à retranscrire les époques avec des mots savamment choisis. Toutefois, on a la fâcheuse impression de parcourir un manuel scolaire où les descriptions et les explications didactiques n’en finissent plus d’inonder les pages. Là où le contexte mérite le détour, la progression narrative s’achève en faisant du surplace. À cela, l’on ajoute d’interminables dialogues (peu vivants au demeurant) sur fond de théologie et de philosophie qui ravira les spécialistes, mais ennuiera aussi de par leur longueur (même si les propos restent intéressants).

Il est évident que dans cet état de fait, la caractérisation prend son temps pour détailler chaque individu. Livia demeure attachante en dépit de sa niaiserie, ses homologues insignifiants et la haute société romaine assez détestable dans son ensemble. Les moines disposent d’un passé, mais ne laissent qu’une empreinte anecdotique au sein de l’intrigue. Pour ce qui est de Johanna, on en garde également une trace fugace. Ni énervant ni intéressant, ce soi-disant personnage principal manque de relief et, exception faite des épreuves qu’elle a endurées, se révèle très conventionnel. Constat identique pour ses collègues ou sa petite fille, sorte d’incarnation surprenante et pas crédible pour un sou de Livia.

Au final, on sera déçu par la lecture de La parole perdue. On ne s’attendait pas à un rythme effréné où les chapitres se succèdent en deux temps trois mouvements, mais la progression est trop apathique pour susciter l’engouement. L’agencement des périodes est inégal et mal équilibré. Malgré un contexte soigné via un style détaillé, le récit reste assez prévisible dans son ensemble en utilisant quelques ficelles faciles pour relier le tout. On a davantage l’impression de parcourir un manuel d’histoire et de théologie plutôt qu’un thriller historique. L’exemple type de la documentation qui prend le pas sur l’intrigue. Bien agencé sur la forme, mais linéaire au possible (tout le monde sait comment a fini Pompéi) et pas très solide dans ses fondations.

Note : Le final tant espéré se révèle interminable et la parole perdue tant attendue de Jésus confère à l’imposture la plus totale. On nous fait languir jusqu’à la dernière ligne pour au final, nous la laisser cachée, car nous ne sommes pas encore prêts ! Ou comment se moquer du lecteur (d’où la note finale qui baisse de deux points)…

Note : 10/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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