avril 24, 2024

Les Oiseaux

Titre Original : The Birds

De : Alfred Hitchcock

Avec Tippi Hedren, Rod Taylor, Jessica Trandy, Suzanne Pleshette

Année: 1963

Pays: Etats-Unis

Genre: Thriller

Résumé:

San Francisco, 1962. Une jeune femme et un avocat entament un jeu de séduction chez un oiseleur. Afin de le revoir, elle use d’un stratagème et décide de lui livrer elle-même un couple d’oiseaux, « les inséparables ». Sur la route, elle est attaquée par une mouette. Bientôt d’étranges phénomènes liés au comportement des oiseaux annoncent un drame imminent…

Avis:

Au tout début des années 60, Alfred Hitchcock va connaître un succès monstrueux et inventer un nouveau genre, le slasher. Avec Psychose, il pose les bases d’un genre nouveau, redéfinit les codes de l’épouvante et de l’horreur et s’impose comme le maître incontesté du suspens. Outre la prestation sans faille d’Anthony Perkins et la mise en scène au cordeau avec des séquences qui marquent encore le septième art, c’est à partir de ce film que le slasher va naître, souvent copié, mais rarement égalé. Dès lors, les portes s’ouvrent encore plus grandes pour le réalisateur qui va alors surprendre tout le monde en adaptant une histoire de Daphné du Maurier mettant en avant des oiseaux qui s’en prennent aux humains. Prise de risque énorme pour le réalisateur qui va devoir se réinventer, trouver des astuces pour les effets spéciaux et surtout improviser lors du tournage, lui si méticuleux d’habitude. Ajoutons à cela une actrice novice repérée dans une pub, des avances repoussées et une sombre histoire de vengeance sur le plateau de tournage, on obtient alors Les Oiseaux, l’un des films les plus emblématiques d’Hitchcock, mais aussi son film le plus problématique d’un point de vue humain.

Accueilli chaleureusement en France, mais de façon mitigée aux States, les principales reproches que font les critiques de l’époque sont l’absence de fin au film. Et c’est sur le scénario au complet qu’il faut alors se replonger, car il est inédit pour les années 60 et il va poser les bases d’un autre style de film, celui du film de monstre. Hitchcock a voulu, avec ce film, mettre du fantastique et de l’horreur dans un quotidien et à l’intérieur de quelque chose qui nous semble inoffensif. C’est-à-dire que les oiseaux font partie de notre quotidien, on vit très bien avec eux et pourtant, quelque chose va les rendre agressif, très violent, jusqu’à tuer les êtres humains. Très malin dans son écriture, le film va avoir plusieurs niveaux de lecture. On peut y voir une allégorie aux sentiments des personnages, qui, lorsqu’ils commencent à avoir des doutes les uns envers les autres, déclenchent les attaques des volatiles. On peut aussi y découvrir une fable écolo dans laquelle les oiseaux attaquent pour se protéger des hommes qui polluent plus qu’autre chose. Mais on peut aussi y déceler la part d’ombre d’un humanisme qui joue avec les sentiments, quitte à se brûler les ailes. L’absence de fin et comme cette absence de raison dans les attaques, permettant aux spectateurs de se faire sa propre idée, sa propre résolution, laissant le champ libre à tout interprétation. Novateur pour l’époque et souvent copié comme on va le voir par la suite.

Cependant, Les Oiseaux va prendre son temps pour installer une ambiance macabre. Et ce temps, il est parfois un peu long. On va y suivre Melanie, une jeune femme travaillant au palais de justice qui va entamer une relation complexe et amoureuse avec Mitch, un avocat. Elle va rencontrer la petite sœur de Mitch, mais aussi sa mère, une sorte de marâtre qui ne veut pas que son fils épouse n’importe qui, et cache ainsi un vrai mal intérieur. Tout ce cheminement, toutes ces relations vont prendre beaucoup de temps et alourdir un mystère qui n’avait peut-être pas besoin d’autant de profondeur. Si on aime cette relation, ce jeu de séduction, si on aime voir Hitchcock brasser encore une fois le thème de la mère possessive et apeurée de se retrouver seule, si on aime aussi la tournure dramatique que prennent les évènements, force est de constater que par moments, le temps s’étire et semble bien longuet. Alors oui, les personnages sont divinement écrits, on prend un plaisir à les voir évoluer, ils ont une densité que n’ont plus les personnages des films d’horreur contemporains, mais l’équilibre est fragile et les attaques se font bien trop attendre.

Cependant, sans vraiment parler des attaques en elles-mêmes qui ont pris un gros coup dans l’aile en termes de technique, la grande force de ce film est de ne jamais vraiment identifier la menace. Pourquoi les oiseaux attaquent-ils? Comment leur échapper? De quelles façons planifient-ils leurs attaques? Des questions qui resteront sans réponse et qui ont laissé sur le carreau certaines critiques américaines qui avaient besoin qu’on leur explique tout. Mais en prenant le parti du mystère, l’angoisse est bien plus présente et on ne sait comment combattre cette menace tangible et bien réel. Sans le savoir, Alfred Hitchcock invente avec ce film le film de monstre invisible, le chaînon qui va relier les monstres de chez Universal aux prochains films à succès comme Les Dents de la Mer. Alors que les monstres représentaient une sorte de catharsis détestée par le peuple, qu’ils étaient identifiés comme de réelles menaces pour l’équilibre, avec Les Oiseaux, le monstre prend un visage familier et anodin avant de fondre sans raison sur le peuple. Inspirant et inspiré, Steven Spielberg, grand amateur d’Hitchcock, reprendra tous les codes de Les Oiseaux (et des performances techniques de Sueurs Froides) pour transformer les volatiles en un grand requin blanc vorace. Après avoir posé les bases du Slasher, Hitchcock pose les bases du renouveau du film de monstre. Incroyable.

Et le metteur en scène doit beaucoup à sa maîtrise de la caméra, comme il doit énormément à ses acteurs. Tombant sous le charme de Tippi Hedren lors d’une publicité, il décide de l’engager pour son premier grand rôle. Elle est rayonnante au départ, pour ensuite finir traumatisée par ces oiseaux de malheur. Mais aussi par le réalisateur lui-même. Tombant éperdument amoureux de l’actrice, cette dernière se refusa à lui plusieurs fois et pour se venger, le cinéaste employa de vrais oiseaux dans la scène du grenier, faisant rejouer la scène plusieurs fois, mettant l’actrice dans un état proche de la catatonie. Un comportement de goujat qui n’entachera pas, fort heureusement, la qualité du film et joua même sur la performance de l’actrice. On retrouvera aussi Rod Taylor, peu connu alors à l’époque, préféré à Cary Grant, qui va composer un avocat joueur et profondément touchant. Et que dire de Jessica Trandy, excellente dans ce rôle de mère que l’on a du mal à cerner et qui pourrait presque se comparer à la chère maman de Norman Bates. Tous les acteurs sont relativement bons, même Suzanne Pleshette que regretta Hitchcock à cause de son jeu issu de l’Actor Studio qui ne lui convenait pas.

Au final, Les Oiseaux est un film très réussi, même aujourd’hui, et qui continue d’inspirer un très grand nombre de cinéaste. Cas d’école, maîtrise absolu de son cadre malgré des improvisations qui n’étaient pas dans les habitudes du réalisateur, acteurs investis et même parfois traumatisés par les démarches d’Hitchcock, Les Oiseaux garde toute sa superbe malgré les années qui passent. On pourra cependant lui reprocher un début un poil trop longuet, un peu trop exposé, et, bien évidemment, des effets spéciaux qui datent un peu, mais ça, c’est du pipi de chat. Bref, l’un des meilleurs films du maître du suspens.

Note: 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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3 réflexions sur « Les Oiseaux »

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