avril 20, 2024

Il Etait Deux Fois – Franck Thilliez

Auteur : Franck Thilliez

Editeur : Fleuve Noir

Genre : Thriller

Résumé :

En 2008, Julie, dix-sept ans, disparaît en ne laissant comme trace que son vélo posé contre un arbre. Le drame agite Sagas, petite ville au cœur des montagnes, et percute de plein fouet le père de la jeune fille, le lieutenant de gendarmerie Gabriel Moscato. Ce dernier se lance alors dans une enquête aussi désespérée qu’effrénée.
Jusqu’à ce jour où ses pas le mènent à l’hôtel de la Falaise… Là, le propriétaire lui donne accès à son registre et lui propose de le consulter dans la chambre 29, au deuxième étage. Mais exténué par un mois de vaines recherches, il finit par s’endormir avant d’être brusquement réveillé en pleine nuit par des impacts sourds contre sa fenêtre…
Dehors, il pleut des oiseaux morts. Et cette scène a d’autant moins de sens que Gabriel se trouve à présent au rez-de-chaussée, dans la chambre 7. Désorienté, il se rend à la réception où il apprend qu’on est en réalité en 2020 et que ça fait plus de douze ans que sa fille a disparu…

Avis :

Pour les amateurs de polars et de thrillers, le milieu de l’année marque la sortie d’un nouveau livre de Franck Thilliez. Depuis plusieurs années, l’auteur joue de constance dans le calendrier de ses parutions, mais surtout dans l’aspect qualitatif desdits ouvrages. Son œuvre explore la noirceur de l’âme souvent par le prisme d’une rigueur toute scientifique. Au fil de ses romans, de nombreuses thématiques vont en ce sens, s’appuyant sur le rationalisme de toute enquête policière. La froideur des propos lorgne parfois vers le nihilisme, notamment lorsqu’on se confronte à une brutalité toute primaire ou à des « instruments », tels que le dark web, qui implique une tonalité glauque.

Entre deux enquêtes de Sharko et Hennebelle, Franck Thilliez réalise un nouveau one-shot avec Il était deux fois. Derrière ce titre énigmatique se dissimule une sombre affaire de disparitions. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’entame ne s’attarde pas sur les causes ou les prémices des investigations. Elle met immédiatement le lecteur en condition avec une découverte avancée des faits. Étant donné la période à laquelle se passent ces premiers évènements, on pourrait presque parler d’épilogue, voire de flashforward, tant cet aspect est le moteur pour générer le suspense et susciter l’intérêt. De même, le « voyage temporel » a de quoi décontenancer.

Seulement, cet élément singulier de l’intrigue est vite écarté par le biais d’une explication attendue pour correspondre aux fondamentaux du genre. On s’en éloigne assez rapidement, même si la suite donne lieu à une reconstitution des précédentes investigations qui se sont déroulées dans cet intervalle de 12 ans. L’ambiance et la fluidité d’écriture suffisent à emporter le lecteur à travers une enquête méticuleuse, coutumière des livres de l’auteur. L’ensemble demeure efficace et particulièrement bien amené pour suivre le cheminement passé du protagoniste plus que celui du coupable ou, en l’occurrence, des victimes disparues.

Aussi bien sur le fond que sur la forme, le roman présente des qualités indiscutables. Dans ce qu’elle évoque, l’idée est bonne, y compris dans ce que l’on considère comme moral à travers un acte passif. On suggère alors que ne pas intervenir, c’est consentir en tant que spectateur des évènements. Le rapport de la création artistique à l’homme (son créateur, comme son public) propose également une réflexion appropriée sur la manière d’aborder une œuvre ; qu’elle soit jugée transgressive ou non. Qu’il s’agisse d’un tableau, d’un livre ou d’une photographie, l’intérêt est-il synonyme d’une fascination morbide ? Celle-ci découle-t-elle alors d’un instinct primaire, d’une sauvagerie dissimulée sous les strates de la bienséance ?

La pertinence des propos floue davantage la frontière entre la réalité et la « simple » histoire que l’on parcourt. L’idée avait déjà été explorée avec Le Manuscrit inachevé et sa formidable mise en abîme. D’ailleurs, Il était deux fois s’inscrit dans sa continuité. Cela ne tient pas uniquement à une référence ou un clin d’œil, mais au partage d’un univers commun à travers ce mystérieux ouvrage. Les protagonistes sont néanmoins différents. S’il persistait des interrogations ou des pans que l’on aurait aimé approfondir, le présent roman se permet de les exploiter à bon escient, s’avançant ainsi comme une prolongation essentielle à son prédécesseur.

Au final, Il était deux fois est un thriller de qualité. Bien que l’approche soit relativement conventionnelle au vu de la bibliographie de son auteur, il reste un récit enlevé, particulièrement bien construit et énigmatique pour maintenir l’attention du lectorat. On apprécie également cette propension à magnifier une atmosphère ténébreuse, comme le font nombre d’écrivains anglo-saxons. Comme le présente la couverture, l’épilogue fournit une sympathique surprise, censée retourner à la fois l’esprit et le livre ; au sens littéral du terme pour ce dernier. S’il peut paraître « moins » exceptionnel que d’autres histoires de Franck Thilliez, il n’en demeure pas moins un roman efficace à plus d’un titre.

Note : 15/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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