avril 18, 2024

Prevenge

De : Alice Lowe

Avec Alice Lowe, Gemma Whelan, Kate Dickie, Jo Hartley

Année: 2017

Pays: Angleterre

Genre: Horreur

Résumé:

Suivant les conseils avisés de son fœtus, une femme enceinte décide de s’adonner à l’auto-justice et se débarrasse de tous ceux qui se mettent en travers de son chemin.

Avis :

Si le nom d’Alice Lowe ne vous dit rien, c’est plutôt normal, car la jeune femme, même si elle n’est pas une débutante, a une carrière assez discrète. Elle campe souvent des seconds rôles dans des films de genre britanniques, comme par exemple Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde d’Edgar Wright ou encore Kill List de Ben Wheatley et s’avère assez discrète ailleurs. Elle scénarise en 2012 Touristes, qui sera alors tourné par Ben Wheatley, puis elle va se concentrer à l’écriture, à la réalisation et à l’interprétation de son propre premier film, à savoir Prevenge qui nous préoccupe aujourd’hui. Sorti directement en VOD chez nous, Prevenge est un film d’horreur teinté de comédie noire où une femme enceinte va trucider des gens en écoutant son fœtus qui semble lui parler. Voulant parler de ces femmes célibataires enceintes, de la transformation du corps, de la peur d’être maman, mais aussi de l’image de la femme dans notre société, Alice Lowe propose un film imparfait, un peu mou, mais qui joue avec les codes du genre et c’est plutôt sympathique.

Le début du métrage est très déroutant. La musique choisie fait penser à une comédie noire, puis le film bascule assez vite dans un film d’horreur assez morbide, où cette femme va égorger, sans raison apparente, un vendeur d’animaux exotiques. On sera dérouté par plusieurs points. Outre la musique qui semble hors de propos, c’est le déroulé de l’histoire qui semble aléatoire. On va suivre cette femme qui va tuer des personnes assez détestables sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. On se doute bien qu’il y aura quelques explications au fur et à mesure du métrage, mais commencer son film ainsi est assez couillu, voire même dangereux, puisque le rythme lancinant et l’aspect très low cost du film peuvent tendre à un abandon de la part du spectateur. Forcément, Alice Lowe va proposer une explication au trouble de la femme en question et donner des raisons à ces meurtres plus ou moins sanglants, qui consistent surtout à égorger du connard. Si on regarde le film sur son fil rouge principal, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, sinon un slasher un peu sale, dans la façon d’aborder les meurtres et dans l’aspect rugueux du métrage. Une tonalité qui cherche à rendre un Londres poisseux et délétère.

Fort heureusement, Alice Lowe est bien plus intelligente que cela, et va fournir des thématiques intéressantes au sein de son film. Un film qui se veut féministe dans l’âme et qui va donc parler de thèmes purement féminins. En mettant en place une femme enceinte qui pense entendre son futur bébé lui parler, on aura un écho à ce corps étranger qui se trouve en nous. Une transformation physique qui n’est pas facile à accepter et qui a des enjeux psychologiques, que l’on retrouve dans la peur d’être mère. C’est d’ailleurs un autre problème soulevé par le film, la peur de ce qui va sortir du ventre et de comment va être ce nouveau-né. Des questions qui font flancher l’héroïne, pensant avoir l’antéchrist dans son ventre et ne sachant comme faire dans un futur proche pour s’occuper de cet enfant. Et puis il y a aussi la place de la femme enceinte célibataire au sein de la société, celle que l’on regarde de travers et qui ne trouve grâce aux yeux de personne, justifiant presque les meurtres. Mais le thème le plus important ne se trouverait-il pas dans l’image de la femme et sa place dans la société tout simplement ?

Car Prevenge est un film fait par une femme, avec de nombreuses femmes au casting et où chacune a un rôle bien précis. Alice Lowe sera la victime potentielle, celle que l’on pense fragile et qui est mal vue dans la rue, car enceinte et célibataire. Une proie idéale mais qui laisse dans l’indifférence générale. Et elle sera perçue comme différemment par ces victimes qui pense qu’elle est inoffensive. Le premier pense qu’elle est une mère de famille facilement manipulable et un peu conne. Le deuxième sera un DJ raté égoïste, qui profite de sa mère malade et ne souhaite qu’une chose, baiser cette pauvre femme qu’il pense alors juste grosse et non pas enceinte. La troisième victime sera une femme d’affaire, complètement déconnectée de la réalité et jugeant de façon inhumaine des personnes en situation de fragilité. La quatrième victime sera une nana sportive qui ne comprend pas trop ce qui lui arrive. Et on pense aussi au type trop gentil qui sera une victime collatérale de la folie grandissante de cette femme enceinte, rejetée de partout et qui tue pour une bonne raison. Bref, malgré une forme qui montre un gros manque de moyen, Prevenge est un film riche en thématiques et rien que pour cela, il faut un petit coup d’œil.

Maintenant, le film possède aussi de gros défauts. Le premier est bien évidemment son visuel. Le film n’a pas eu un énorme budget et cela se sent. L’image est terne, l’ensemble fait très film d’auteur et il manque un certain panache à certains meurtres. A titre d’exemple, lorsque l’héroïne plante une statue dans l’œil d’un type, elle le fait tout doucement, en évitant la caméra, ce qui fait forcément faux. Tout comme elle donne des coups de couteau de façon lente et cela nuit à la sauvagerie du meurtre. Il se dégage du film une atmosphère très amateur et cela gâche un peu le plaisir. Il manque aussi au film une certaine audace dans les meurtres et les moments qui auraient pu être gores. C’est-à-dire que l’on sent qu’Alice Lowe est un peu timorée à cette idée et elle ne veut pas que son film sombre dans le bis assumé. Cela a pour contrainte de fournir un film trop gentillet par rapport à ce qu’il raconte et à la folie grandissante de cette femme. Enfin, le dernier point noir du métrage, c’est son humour qui arrive parfois comme un cheveu sur la soupe. L’exemple le plus flagrant et lorsqu’elle veut assassiner la sportive et que cette dernière prend des gants de boxe pour éloigner la tueuse. Non seulement c’est ridicule, mais en plus de cela, ce n’est pas drôle, ou tout du moins, ça arrive de façon trop abrupte, en décalage avec le ton du film.

Au final, Prevenge est un film assez intéressant qui essaye de manier l’humour noir avec l’horreur, et cela ne marche malheureusement qu’à moitié. Alice Lowe a au moins le mérité de propose un film d’horreur qui a un message à faire passer, qui a du fond et c’est assez rare de nos jours pour le signaler. Alors oui, le film a des problèmes de rythme, une mise en scène pas fameuse et surtout une fin qui laisse à désirer, mais globalement, Prevenge reste un film sympathique à défaut d’être vraiment bon.

Note : 12/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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