avril 24, 2024

La Dernière Chasse – Jean-Christophe Grangé

Auteur : Jean-Christophe Grangé

Editeur : Albin Michel

Genre : Thriller

Résumé :

Le corps de Jürgen von Geyersberg, riche héritier de Souabe, est retrouvé décapité et castré. Saisis de l’affaire, le commandant Pierre Niémas et Ivana Bogdanovic, électron libre de la PJ, remontant la piste de la Pirsch, une chasse mystérieuse, multiplient les rencontres étranges qui les conduisent jusqu’aux Chasseurs noirs, un bataillon de criminels enrôlés par Himmler pour traquer les Juifs.

Avis :

Depuis 25 ans, Jean-Christophe Grangé s’est imposé comme l’un des plus grands auteurs de thrillers de la scène littéraire francophone. Réputé pour ses ambiances glauques et un suspense tendu, on peut toutefois regretter une perte de vitesse au niveau qualitatif durant les années 2010. Après Le Passager, excellent thriller à la narration tentaculaire, la constance a pour le moins été fluctuante. Kaïken fut décevant, tandis que le diptyque Lontano/Congo Requiem assez laborieux dans sa mise en place. Et que dire de La Terre des morts où la surenchère scabreuse masquait un manque de renouveau et, surtout, de fonds ?

Aussi, La Dernière chasse est attendu au tournant, car il s’agit de la suite des Rivières pourpres, l’un de ses plus grands succès critique et commercial. On se souvient de ce deuxième ouvrage remarquable et d’une grande originalité. Après deux adaptations cinématographiques, l’histoire a connu un regain d’intérêt avec la série éponyme. Pour rappel, il ne s’agissait pas de reprendre l’intrigue initiale, mais de lui offrir une suite, bien des années après l’affaire de Guernon. L’initiative était louable, a tout le moins dans les intentions. Avec le présent roman, on peut se dire que les personnages créés par Grangé bénéficient d’une notoriété nouvelle et complémentaire à l’écran, comme sur papier.

Cependant, La Dernière chasse ne constitue pas une histoire inédite à proprement parler puisqu’on est en présence de l’adaptation des deux premiers épisodes de la première saison. Si l’on comprend parfaitement que l’auteur a toute largesse sur son œuvre, on reste perplexe sur l’intention à se lancer dans la novellisation des épisodes, surtout pour un écrivain de son gabarit. De là à parler de paresse créative pour un retour sur investissement rapide et sans fournir de trop grands efforts, il n’y a qu’un pas. Malgré cette déception et l’approche mercantile de l’initiative, on peut toutefois espérer découvrir un récit enlevé, digne successeur du premier tome.   

Là encore, la déconvenue est de taille. On part sur les bases d’un crime relativement violent qui confronte l’aristocratie germanique et le domaine de la chasse. En dehors de l’« exotisme » tout relatif que confère la Forêt-Noire, le postulat initial est d’une banalité confondante. Cela tient autant à la présentation des faits qu’à l’évolution de l’intrigue qui se complaît dans des investigations de surface ennuyantes. C’est bien simple, on nous ressasse une rétrospective sans relief de la victime et de son entourage. Cela sans compter un florilège d’allusions qui mettent en avant les clichés propres aux chasseurs.

Cela passe par la « noblesse » d’une pseudo-pratique où l’on valorise la beauté de l’animal avant de l’abattre. Un paradoxe qui s’accompagne d’une nécessité de réguler la population avec une arrogance consommée. En effet, la nature se débrouille parfaitement sans l’intervention inopportune de l’homme. Si l’on écarte les errances propres à cette fascination morbide purement gratuite, il demeure une certaine complaisance illusoire à placer l’homme au-dessus de la chaîne alimentaire. Le propos reste détestable, tout comme les protagonistes. En effet, les soi-disant arguments coupent court à toute interprétation par le biais d’une condescendance explicite.

À cela s’ajoutent des caricatures d’un autre âge où l’on continue de confronter la rivalité entre policiers et gendarmes. Une allusion qui n’a pas lieu d’être étant donné que l’enquête se situe au-delà de la frontière allemande. À ce titre, on a connu l’auteur plus inspiré pour s’attarder sur les subtilités d’organisation des forces de l’ordre, notamment pour la collaboration entre services de deux pays différents. Là encore, on se contente d’évoquer sans approfondir. Il faut aussi compter avec les velléités machistes de Niemans qui confèrent au ridicule tant sa considération de la femme demeure affligeante. On est bien loin du flic torturé, un rien mystérieux sur son passé, dépeint dans Les Rivières pourpres.

On déplore également un style d’écriture des plus simplistes. Les descriptions sont surfaites et ne retranscrivent nullement l’ambiance du cadre. Cela sans oublier cette inexplicable propension à la métaphore et autre analogie. À force d’enchaîner les points de comparaison avec plusieurs tournures poétiques, dont certaines demeurent discutables, on ne parvient nullement à s’immerger dans l’intrigue. De même, l’écrivain ne peut s’empêcher de multiplier les rapprochements si bien que certains en deviennent contradictoires en l’espace d’un paragraphe. Proprement incompréhensible tant du point de vue des lieux que des portraits dépeints.

Bien plus que médiocre, La Dernière chasse est un roman complètement raté qui privilégie un opportunisme de façade à une histoire réellement entraînante. Une atmosphère surfaite, des personnages qui manquent de consistance, un style qui nivelle l’excellence de l’auteur dans des profondeurs abyssales… On peut même déplorer un traitement des sujets archaïques et faciles qui trahit un dédain évident à l’égard du lectorat. Bref, il s’agit vraisemblablement du plus mauvais roman de Jean-Christophe Grangé qui, en l’occurrence, ne semble plus rien avoir à raconter si ce n’est par l’entremise d’une novellisation à l’inutilité stupéfiante. Ou quand la fainéantise littéraire se rapproche dangereusement de l’auto-plagiat… Un véritable comble !

Note : 04/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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