mars 29, 2024

Wardruna – Runaljod – Yggdrasil

Avis :

Issu de diverses formations de black metal, dont Gorgoroth, Wardruna s’est imposé à la fin des années 2000 avec un premier effort remarquable. Premier opus de la trilogie Runaljod, Gap var Ginnunga nous conviait à la découverte de la culture scandinave à travers des compositions dark folk du plus bel effet. Laissant planer une atmosphère mystique en parfait reflet avec l’alphabet runique du vieux futhark, il en ressortait une écoute troublante et immersive. Renvoyant au mythe de l’Arbre Monde, Yggdrasil n’est autre que le deuxième volet de la trilogie Runaljod. L’occasion de poursuivre ce voyage au cœur des croyances vikings, des rites païens et de la magie qui découle des runes…

Contrairement à son prédécesseur, Yggdrasil s’inaugure avec un morceau qui offre une mise en condition immédiate. Le départ tonitruant initié par Rotlaust tre Fell délaisse la classique introduction pour appuyer la cohésion avec Gap var Ginnunga. Une notion que l’on retrouvera différemment et à plusieurs reprises au sein de l’album. Si continuité il y a, elle marque néanmoins une évolution notable. L’approche se veut beaucoup plus frontale avec un degré d’expressivité qui se manifeste par davantage de chants, comme si l’influence guerrière indissociable à la culture scandinave s’éveillait. Entre autres, cela passe par une connotation épique, presque iconographique, soutenue par Fehu, la deuxième chanson.

Bien que l’on retrouve cette aura empreinte de mysticisme propre à la symbolique magique et spirituelle des runes, le travail sonore se révèle plus dynamique. À certains égards, l’interprétation peut paraître moins intuitive de la part de l’auditeur, il n’en demeure pas moins une immersion intacte qui préserve toute sa force à travers des compositions denses. En moyenne, il faut compter entre 4 et 8 minutes par morceaux pour une écoute totale excédant les 65 minutes. L’ensemble est cohérent dans son déroulement et marque des scissions minimalistes entre chaque piste, comme souligner l’évolution naturelle d’une symphonie unique.

De même, le travail de fond reste assez soutenu pour respecter le concept de base. La signification des runes du vieux futhark se partage entre traditions et mythes avec toujours ce rapport étroit avec la nature. Les enregistrements réalisés partiellement en extérieur et l’usage d’instruments traditionnels tels que le violon hardinger, pour ne citer que lui, renforcent cette impression. De plus, les rythmiques lancinantes s’accompagnent de chœurs (masculins ou féminins) qui renvoient à la cohésion précédemment évoquée. Celle-ci tend aussi bien vers l’unicité des valeurs transmises à travers les chants qu’à l’architecture logique des pistes elles-mêmes.

L’aspect universel qui découle des chants ou de l’harmonie musicale se traduit par des sonorités entêtantes. La connotation primitive qui en ressort puise son inspiration au-delà de la culture scandinave pour toucher au paganisme dans tout ce que peut suggérer le terme. On parlait de tonalités épiques pour inaugurer ce voyage initiatique. Les dernières compositions, elles, renouent avec une sagesse ancestrale. Solringen intègre des hurlements de loups qui évoquent Fenrir, comme si l’on entrevoyait déjà les prémices du Ragnarök. Quant à Sowelu et Helvegen, ils rappellent la conclusion furtive avancée par Algir et ses croassements lointains de corbeaux. En l’occurrence, l’augure devient présage avec, en filigrane, la figure non moins mythique de Valravn.

À l’instar des sagas contées en vieux norrois, Yggdrasil, deuxième opus de la trilogie Runaljod, est une nouvelle expérience immersive à bien des égards. La poursuite de cette exploration de la culture scandinave par l’alphabet runique est à la fois très proche de son prédécesseur (richesse de la palette sonore, qualité de l’ambiance, technique sublime…) et différente. Sur ce dernier point, les chants et les chœurs trouvent une place plus importante avec des rythmes plus dynamiques. L’intensité qui en découle a beau prendre des atours dissemblables, Wardruna signe un second album tout aussi fort et essentiel dans son interprétation des musiques traditionnelles vikings.

N.B. À noter que la sortie d’Yggdrasil en 2013 coïncide avec la première saison de la série Vikings. Malgré quelques dénégations de la part d’Einar Selvik sur cette dernière, ses créations se retrouveront à plusieurs reprises dans sa bande originale. Pour le présent album, on peut notamment évoquer Helvegen et Rotlaust Tre Fell. Quant à Heimta Thurs, issu de Gap var Ginnunga, le morceau a illustré le sacrifice de l’aigle de sang dans le final de la saison 2.

  • Rotlaust Tre Fell
  • Fehu
  • NaudiR
  • EhwaR
  • AnsuR
  • IwaR
  • IngwaR
  • Gibu
  • Solringen
  • Sowelu
  • Helvegen

Note : 19/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.