mars 19, 2024

Le Soleil Noir de Thulé – Raphaël Aurillac et Philip O’Gyer

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Résumé :

Le président d’une ‘multinationale ‘pharmaceutique dénommée Tarosa, lié à la franc-maçonnerie et aux ‘services ‘, fils secret de Jörg Lanz von Liebenfels (fondateur de la Société de Thulé), grand maître de l’Ordre secret du même nom, qu’il a régénéré, ourdit depuis son complexe industriel de Washington construit suivant les plans dessinés par Himmler pour la citadelle SS de Wewelsburg, un vaste complot consistant dans l’organisation d’une pandémie par contamination au moyen d’un virus provoquant une dégénérescence cellulaire.
Le sang synthétique, support de cette pandémie, est produit et ‘généreusement ‘et distribué par sa firme aux populations dont il poursuit l’extermination au nom du ‘Christ Aryen ‘et de sa fi délité aux théories eugéniques jadis en vigueur pendant le IIIe Reich. Ce ‘complot de Thulé ‘, pour partie révélé par un érudit et dignitaire maçonnique assassiné pour avoir percé ce mystère, est déjoué par son disciple, un policier américain, avec le concours de l’héroïne, un médecin biologiste.

Avis :

En seulement l’espace d’une décennie, le thriller ésotérique s’est fait une place de choix au sein de nos librairies et nos bibliothèques. Le genre dispose de qualités évidentes au niveau du rythme, des énigmes irrésolues disséminées dans le cours de l’histoire et d’une narration assez précise et immersive. Même si les bases se posent rapidement, on notera la difficulté à innover dans le fond. Pourtant, Giacometti et Ravenne étaient parvenus à renouveler le genre grâce à un voyage dans le temps et une possibilité de lecture multiple pour des aventures toujours passionnantes. Si l’on cite dans ses lignes Antoine Marcas, ce n’est pas pour rien. En effet, l’on saisira très vite que le présent ouvrage possède de nombreux points communs avec ses homologues.

Tout d’abord, le pitch de départ évoque Le rituel de l’ombre. On plonge dans l’ésotérisme nazi (et ce qui a trait à l’occulte) pour entamer les hostilités. Il est vrai que les auteurs (ils sont également deux) connaissent leur sujet et décrivent avec maîtrise une multitude de détails tout en restant ancré sur le thème principal. Néanmoins, celui-ci étant très vaste, il aurait convenu de se concentrer sur certains de ses aspects (par exemple la société de Thulé, la recherche de la race aryenne…). Au lieu de ça, on nous sort à tout-va les Lebensborn (légèrement hors de propos, à tout le moins dispensable pour la compréhension des événements) ou un pamphlet sur l’alchimie.

Les thèmes abordés demeurent intéressants, mais, à l’instar de La théorie des ombres, le récit jongle avec sans jamais s’y pencher dans les détails. À cela, il faut compter sur l’appartenance du personnage principal à la franc-maçonnerie. On ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec l’œuvre de Giacometti et Ravenne. Seulement, là où ces derniers parvenaient à nous offrir une vision cohérente et plausible des francs-maçons, Le soleil noir de Thulé décrit les fantasmes liés à la célèbre société secrète en faisant fi d’une quelconque véracité. Les alliances douteuses entre frères, les complots à grande échelle ou bien encore la volonté de manipuler les profanes. De ce côté, les auteurs choisissent de leur donner une image discutable en alimentant les rumeurs.

Outre cet évident constat, le personnage principal demeure assez fade, voire oubliable dans certains de ses aspects. On a droit à un beau-gosse bodybuildé, surentraîné et séducteur par-dessus le marché. Cela reste très conventionnel et cliché à certains égards. De plus, les autres protagonistes sont dans la même veine. Très manichéens dans leur caractérisation, ils n’offrent que peu de marges de manœuvre pour la bonne progression du récit. D’ailleurs, la première entame s’attarde un peu trop sur leur passé et pas assez sur les événements qu’ils vivent. Les motivations des comploteurs s’avèrent des plus classiques, même si non dénuées d’intérêt pour l’avenir de l’humanité.

À ce titre, un autre aspect de ce texte décidément très dense se révèle. On dénonce la surpopulation, on énonce des solutions radicales et discutables via des propos eugénistes tout aussi sujets à polémiques. Certes, ce ne sont pas là les pensées des auteurs, mais l’on a l’impression d’assister à l’émergence d’un nouvel holocauste en devenir, ce qui a le mérite de faire froid dans le dos. Les classes sociales les plus défavorisées, ainsi que « les races inférieures » seront les premières victimes d’une pandémie virale qui occupe cahin-caha le cœur du problème. Cela peut s’expliquer par la longueur variable des chapitres qui occasionne de nombreuses errances.

Les passages brefs et incisifs à la tension montante se succèdent à des descriptions trop lancinantes via des paragraphes titanesques qui laissent peu de temps pour respirer. Si l’on rencontre cet écueil tout long du roman, on remarquera une baisse de rythme flagrante dans la seconde moitié. Malheureusement, l’histoire perd de son intérêt après 250 pages. Les rebondissements sont alambiqués et peu crédibles (le changement d’identité de John Davis) ; tandis que les situations se suivent et se ressemblent avec une troublante monotonie. À vrai dire, on a l’impression que l’intrigue fait du surplace et s’attelle davantage à la gastronomie qu’à l’éradication de la pandémie.

Au final, on restera mitigé à la fin de ce roman pourtant prometteur. Le sujet abordé s’avère fascinant et inquiétant sur la dépopulation sélective mondiale, mais le traitement se montre trop irrégulier pour se laisser porter par les mots. Parfois brouillon, parfois longuet, le récit multiplie les errances sur bon nombre d’aspects. Le style d’écriture s’attarde plus que de rigueur sur des lignes de dialogues interminables et pas du tout vivantes (très peu d’incises et encore moins de mouvements dans les conversations) tout en distillant une atmosphère inégale. Les descriptions étant soit sommaires, soit détaillées à l’extrême. On est donc bien loin des aventures du célèbre Antoine Marcas avec ce thriller ésotérique intrigant, mais trop irrégulier et inconstant sur la longueur pour en faire un bon roman.

Note : 11/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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