avril 19, 2024

Lomepal – Jeannine

Avis :

Le rap français, ou plutôt francophone, vu le nombre de rappeurs belges qui envahissent nos ondes, est en pleine expansion, et on peut dissocier le mouvement en deux grands groupes. D’un côté les rappeurs dans le style un peu « gangsta », qui jouent de leur image de racailles des cités pour parler de drogues, de filles et de conflits entre bandes rivales. De l’autre, des rappeurs un peu plus mainstream, qui abordent des thèmes plus larges et qui surtout essayent d’élaborer une image plus complexe, jouant avec les codes pour mieux déjouer les a priori. Si on peut noter Roméo Elvis, Orelsan ou encore Youssoupha qui sont dans cette mouvance, il faut désormais compter sur Lomepal qui a sorti Jeannine en 2018, son deuxième album, qui s’éloigne volontairement des codes du genre. Alors qu’il connait une enfance étrange et plutôt difficile avec une maman artiste bohème qui avait parfois du mal à joindre les deux bouts, Lomepal va tomber dans le rap en étant proche du collectif L’Entourage et il va sortir quelques EP avant de connaître le succès avec FLIP, en référence à son sport préféré, le skate. Fort de ce succès et de cette sensibilité qui le caractérise, Lomepal va enchainer avec Jeannine, en référence à sa grand-mère décédée qui souffrait de schizophrénie. Il va en résulter un album généreux, plutôt réussi, savamment écrit, mais qui souffre d’une certaine redondance dans la structure des morceaux.

La première chose qui frappe quand on jette un œil sur la playlist de l’album, c’est le nombre pharamineux de pistes, 17, ce qui est presque normal pour du rap, mais qui révèle aussi une certaine envie d’écrire des textes et une imagination débordante. Parmi toutes ces pistes, on notera une introduction, fort sympathique avec Ne Me Ramène Pas, joli texte sur le succès et la joie qu’éprouve l’artiste à s’être accompli pleinement, puis deux interlude, l’un marrant qui annonce un titre, puis un autre qui concerne la maladie de sa grand-mère à travers le témoignage de sa propre mère. Cela laisse donc 14 titres à se mettre dans les oreilles et globalement, c’est une belle réussite. Déjà, les instrumentalisations sont de très grande qualité. On trouvera certains titres avec des beats assez classiques comme pour La Vérité, en duo avec Orelsan, ou encore Ma Cousin, un long titre dont les paroles parlent de la jalousie de certaines personnes autour du succès du chanteur. Cependant, les meilleurs titres se reposent sur une instru plus calme, plus douce, bien souvent au piano, laissant alors à l’artiste une place pour des textes plus beaux, plus propres et plus profonds. Le Vrai Moi est par exemple un superbe titre d’amour, où le piano donne des airs de comptine à un titre d’une rare tendresse. Trop Beau, second hit pour vendre l’album, est un vrai petit bouleversement, que ce soit au niveau de l’instru, cinégique en diable, mais aussi dans le texte, parlant d’une rupture douloureuse et c’est d’une rare justesse. Difficile aussi de passer à côté de Le Lendemain de l’Orage, très joli titre sur la maturité ou encore Beau la Folie, en référence à sa grand-mère, à qui il offre un titre très touchant et relativement aérien.

Comme on peut le constater, il est difficile de nier le talent du bonhomme, que ce soit dans l’écriture, très fine, jouant constamment avec les mots, évitant soigneusement la vulgarité gratuite ou encore en faisant beaucoup de référence au cinéma (quel autre rappeur connait Sonatine de Takeshi Kitano ?), ou encore dans les instrumentalisations choisies, qui sont souvent douces et mettent en avant le texte. Lomepal fait partie de ces rappeurs qui n’hésitent pas à se mettre en danger en chantant et en abordant des thèmes intelligents, sans vouloir faire le racoleur en parlant des filles faciles, de la cité ou encore du trafic de drogues. Mais il y a un mais sur cet album et il va concerner la structure des titres. Comme je l’ai dit auparavant, il y a 14 vrais morceaux en tout (et même 13 si on vire Dans le Livret qui sert d’outro) et on va vite se rendre compte que chaque titre est composé de la même manière. C’est-à-dire que l’on va avoir l’instru qui démarre, puis le premier couplet, un refrain, le deuxième couplet, un refrain, parfois répété, et une plage instru plus ou moins longue pour terminer. Absolument chaque titre est foutu pareil, et si cela peut passer lors d’une simple écoute, quand on commence à répéter la lecture, une redondance pointe le bout de son nez et l’ennui ne tarde pas à montrer sa queue. C’est dommage car cela nuit un petit peu à l’ambiance onirique qui se dégage de l’ensemble. Cela ne dessert en rien l’hommage que veut faire Lomepal à sa grand-mère, mais ça manque de véritables prises de risque et on a parfois l’impression que l’artiste se rassure un petit peu avec une zone de confort un peu trop visible.

Au final, Jeannine, le dernier album en date de Lomepal, est une réussite, c’est indéniable. C’est bien écrit, c’est touchant, cela sort des sentiers battus du rap français que l’on entend à longueur de journée sur les ondes. Cependant, si on rentre un petit peu dans les détails des chansons, on va vite se rendre compte d’une répétition de structure qui amène à une légère lassitude au bout de plusieurs écoutes, et c’est bien dommage. Bref, un excellent album qui aurait gagné à prendre plus de risques.

  • Ne me Ramène Pas
  • Mômes
  • X-Men feat Jeanjass
  • Plus de Larmes
  • 1000°c feat Roméo Elvis
  • Le Vrai Moi
  • Skit Roman
  • La Vérité feat Orelsan
  • Trop Beau
  • Le Lendemain de l’Orage
  • Skit Mamaz
  • Beau la Folie
  • Evidemment
  • Dave Grohl
  • Ma Cousin
  • Cinq Doigts feat Philippe Katerine
  • Dans le Livret

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.