avril 19, 2024

Wounds

De : Babak Anvari

Avec Armie Hammer, Dakota Johnson, Zazie Beetz, Brad William Henke

Année : 2019

Pays : Angleterre

Genre : Horreur

Résumé :

Dans un bar de la Nouvelle-Orléans, un étudiant oublie son portable. Will, le barman, empoche le téléphone. A la nuit tombée, des SMS évoquant un tunnel et un livre maudit s’affichent. Au petit matin, des photos de dents ensanglantées apparaissent…

Avis :

Les auteurs de romans horrifiques sont souvent des sources d’inspiration pour les jeunes cinéastes en herbe. On ne compte plus les adaptations de Stephen King, qui reste un orfèvre en la matière, mais d’autres semblent insuffler un vent de création chez de nombreux réalisateurs, comme Clive Barker ou  H.P. Lovecraft. Cependant, l’univers du type n’est pas facile à appréhender et les bonnes adaptations se comptent sur les doigts d’une main. Entre des monstres indicibles, des ambiances mortifères de fin du monde ou encore des thématiques nihilistes, Lovecraft inspire mais demeure très compliqué à adapter. De ce fait, les scénaristes décident de s’en inspirer tout en s’émancipant pour fournir une histoire originale qui n’aurait que peu de rapport avec les histoires de l’écrivain. Wounds s’inscrit dans cette mouvance, mettant en avant une ambiance cryptique étrange à base de créatures mystiques, dans un monde où l’être humain ressemble plus à une bête sauvage qu’à une personne civilisée. Est-ce un bon film pour autant ? Oui et non.

Réalisé par Babak Anvari (Under the Shadow, disponible aussi sur Netflix), Wounds répond à des critères qui font clairement appel à l’univers de Lovecraft. Une réalité morose, voire désagréable, des personnages fort peu sympathiques, des bestioles qui s’insinuent un peu partout, un mythe gore pour atteindre des déités lugubres, bref, tout est réuni pour faire penser à l’écrivain devenu culte après sa mort. Et c’est clairement cette ambiance qui va être le point fort de ce film. Comme dit auparavant, l’ambiance est clairement oppressante dans ce film, et cela dès son ouverture. Un bar miteux, des cafards, un couple qui se fait prendre à partie par un gros loubard fin saoul, des adolescents qui viennent boire alors qu’ils n’ont pas l’âge requis, et une bagarre qui se termine sur une énorme blessure à la joue. Bref, tout est là pour installer une ambiance lugubre, ou tout du moins sans l’once d’une belle humanité. Cela est renforcé par la relation duelle du couple, qui ne s’entend plus et qui navigue constamment sur la ligne fine de la rupture, chacun n’ayant plus confiance en l’autre. Le réalisateur peaufine alors cet aspect presque nihiliste, sans aucun espoir de trouver de l’humanité dans les personnages et dans cette ville que l’on devine de La Nouvelle-Orléans.

Si Babak Anvari capte bien une ambiance délétère, il va réussir aussi à interroger sur ce mythe étrange et l’apparition de ce tunnel qui semble hypnotiser toute personne le regardant à travers un écran. Jouant perpétuellement avec les images subliminales et s’inspirant de films cultes comme Ring par exemple, le réalisateur interpelle sur cette légende, sur ce rituel étrange et visiblement bien violent, qui propose de créer des plaies sur les hommes pour faire venir une créature mystique omnipotente. S’il joue sur les apparitions hypnotiques, le cinéaste va aussi jouer avec les sons de son film. Comme pour le film précité de Nakata, les sonorités sont très importantes, créant immédiatement un sentiment de malaise et d’insécurité. C’est organique et cela dérange grandement, se mettant en osmose avec la présence d’images gores, d’insectes grouillants et d’appartements insalubres. Tout est fait pour créer un malaise chez le spectateur, avec un rythme lent, langoureux et aussi hypnotique que le tunnel à travers l’écran.

Mais si l’ambiance est réussie et que le film intrigue par cette intrigue nébuleuse, si l’on gratte un peu la surface, il va en ressortir un énorme vide. Si le cinéaste avait plutôt réussi son entrée en la matière avec Under the Shadow et sa parabole entre guerre et mythologie du Moyen-Orient avec des djinns et une petite fille qui s’imagine des monstres comme allégorie à la violence des hommes, ici, il brasse du vent et du vide. Le film n’interroge sur rien et n’apporte aucune réflexion sur quoi que ce soit. Si on suit la descente aux enfers d’un homme qui va être de plus en plus incontrôlable, comme si toute la violence environnante s’invitait en lui, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et c’est bien là que le bât blesse. Si film d’ambiance il y a, si référence à Lovecraft il y a, cela n’apporte rien, hormis, peut-être, une vision dégradante d’une espèce humaine qui joue sur les réseaux sociaux et sur la violence omniprésente. Le rythme lent n’est pas une aide à l’adhésion complète du film, qui manque finalement de fond et ne reste qu’un essai plus ou moins intéressant. La fin arrive d’ailleurs comme un cheveu sur la soupe, laissant le spectateur dubitatif sur les raisons d’un tel ouvrage.

Fort heureusement, les acteurs sont assez bons dans l’ensemble. Surtout Armie Hammer qui porte le film sur ses solides épaules. Il n’avait pas forcément besoin d’un tel film pour démontrer son talent (Call me by Your Name est passé par là) mais il joue suffisamment bien la colère et la perte de repères pour que l’on s’attache à lui. Il n’en sera pas de même avec Dakota Johnson (50 Nuances de Grey), qui est d’une transparence crasse. Elle fait preuve d’un non-jeu assez incroyable et se révèle vraiment inutile. Reste Zazie Beetz (Deadpool 2), mais elle semble s’ennuyer à travers un rôle secondaire pas désagréable, participant à la descente du « héros ». Pour faire bref, hormis Armie Hammer, le reste du casting n’est pas forcément à la hauteur et ne sert pas le propos, qui se cherche désespérément.

Au final, Wounds n’est pas un film aussi mauvais que certains veulent bien le dire. Il n’est pas facile d’accès et brasse beaucoup de vide, mais pour autant, il essaye des choses et sort un peu le spectateur de sa zone de confort, refusant tout jump scare et peaufinant une ambiance morbide plutôt intéressante. En mettant en scène des personnages bourrés de vices (alcoolisme, violence, infidélité), le cinéaste tente de dresser une mythologie gore qui aurait gagné à être mieux développée. Si Wounds est un essai semi-raté, il n’en demeure pas moins un film plutôt intéressant et à contre-courant de ce qui se fait aujourd’hui. Alors oui, le film n’est pas mirobolant, il lui manque plein de choses, mais c’est loin d’être une bouse, comme on peut le lire par endroit.

Note : 08/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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Une réflexion sur « Wounds »

  1. suis OK avec vous. Mais je trouve le dernier plan, par contre, très bien vu. En étant attentif, cette dernière scène vient justifier, les propos depuis le début puisqu’on entend le personnage joué par A.H. dire [soiler!] à peu de choses près selon mes souvenirs, en « aspirant » la plaie ouverte: « donnes moi ce que je n’ai pas » …

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