avril 16, 2024

Man of Medan

Résumé :

Man of Medan met en scène un groupe de cinq jeunes personnes partant explorer l’épave engloutie d’un bateau, datant de la Seconde Guerre mondiale, dans l’Océan Pacifique et contenant diverses richesses. L’aventure est narrée par un personnage externe nommé le Conservateur.

Avis :

Aborder une histoire horrifique sous l’angle d’une aventure narrative n’est pas forcément chose aisée dans le domaine vidéoludique. Cela nécessite une bonne maîtrise des codes de la peur, autre que ceux du survival horror, et un scénario de qualité. Même s’il y a des précédents, Until Dawn créait la surprise en fournissant un bel hommage aux slashers. Après Hidden Agenda et The Impatient, Supermassive Games initie une anthologie de jeux horrifiques : Dark Pictures Anthology. Un projet inédit et ambitieux qui, pour son premier opus, s’insinue dans les couloirs exigus et suintants d’un navire-fantôme, errant sur les eaux sombres du Pacifique.

On connaît l’univers maritime pour ses légendes et ses histoires de disparition. Faute d’explications valables et d’investigations satisfaisantes, les rumeurs et les justifications portées sur le paranormal sont généralement avancées. Parmi les nombreux récits de vaisseaux fantômes qui hantent l’imaginaire collectif, on retrouve celle de l’Ourang Medan. Les faits se sont déroulés dans les années 1940, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’ensemble de l’équipage aurait été découvert mort, une expression de terreur gravée sur les visages. Bien que des théories rationnelles aient été proposées, comme l’empoisonnement au monoxyde de carbone, aucune cause véritable n’a pu être établie.

De même, l’impossibilité de vérifier les sources à l’origine de ce mystère tend vers une légende maritime et non vers des faits avérés. Entre le scepticisme des uns et la crédulité des autres, le récit accordera néanmoins les deux camps sur son formidable potentiel en matière d’horreurs. Par ailleurs, l’introduction du présent jeu tente de reconstituer l’histoire à travers le point de vue d’un membre de l’équipage. À bien des égards, l’entame se veut convaincante et prometteuse, notamment en multipliant les pistes de réflexion sur la nature des phénomènes et le contenu de la cargaison avec une étrange relique asiatique.

On enchaîne directement avec le concept d’anthologie et la présentation du Conservateur (qui revient par la suite, à l’occasion de différents intermèdes pour commenter l’évolution du récit) avant de suivre l’intrigue dans un cadre contemporain. La mise en condition reste intéressante, tandis que l’entrée en matière est soignée. Là où de nombreux scénaristes auraient joué de prétextes pour rendre l’apparition du navire opportune, l’attaque de pirates propose une approche plus crédible, car elle dynamise la progression bien avant de monter à bord de l’Ourang Medan. De plus, cet aspect fournit des éléments de tension supplémentaires afin de varier les situations entre une menace latente et un danger avéré.

Celles-ci tiennent parfaitement compte de l’architecture du bateau. Des cales aux coursives, sans oublier les ponts, la cohérence du level design permet d’explorer les lieux de manière réaliste. Certes, la progression reste extrêmement linéaire avec une succession de couloirs et de salles plus ou moins vastes dont on fait facilement le tour. Toutefois, la liberté du joueur ne se retrouve pas dans l’appropriation de l’espace, mais plutôt dans les choix narratifs. À l’instar d’Until Dawn, les réponses dépendent de la personnalité des différents intervenants et de nos propres décisions pour mettre en avant un trait de caractère spécifique plutôt qu’un autre.

Si les protagonistes sont suffisamment dissemblables, on n’évite pas pour autant certains poncifs auxquels il est difficile de se départir. De l’intello un peu coincé au beau-frère intrépide et séducteur, les portraits dépeints restent conventionnels à plus d’un titre. Quant à leurs réactions, elles se révèlent tour à tour en rupture avec le contexte, puis crédibles avant de se montrer énigmatiques. Autrement dit, un comportement étrange, voire incohérent. À noter que la valorisation de leurs décisions influe très peu sur la suite des événements. Cette dernière sera surtout encline à changer à certains moments clefs, notamment à l’occasion de QTE qui ne constituent guère de difficultés notables.

Cela vaut également pour la recherche des secrets et des tableaux, extrêmement faciles à trouver. Pour la plupart d’entre eux, il suffit de guetter les éclats scintillants et de se rapprocher pour enclencher une prémonition (tout comme dans Until Dawn) ou découvrir un élément censé expliquer la cause des phénomènes. Ce point reste essentiel à aborder, car il apporte certaines pistes de réflexion, voire des révélations, autrement inaccessibles. Le fil rouge narratif s’attache plutôt à subir les événements, mais certainement pas à leur fournir un début d’éclaircissements. Si celles-ci sont avancées, elles peuvent se montrer évasives si l’on ne parcourt pas les notes et les différents documents lors de la fouille des lieux.

On ne peut s’empêcher de constater une fin quelque peu précipitée dans le dernier acte. La dynamique créée débouche sur un dénouement abrupt qui tranche littéralement avec l’immersion du joueur. L’épilogue n’est pas en reste avec de vagues considérations et un retour sur chaque protagoniste survivant qui n’apporte aucun éclairage sur le mystère qui entoure l’Ourang Medan. De là à dire que la conclusion manque de répondant, il n’y a qu’un pas qui se justifie partiellement par son format court. Il faut compter entre 4 et 5 heures maximum pour en faire le tour. La rejouabilité tient à la découverte de nouveaux embranchements narratifs, au multijoueur en ligne et au déblocage de vidéos en guise de making-of.

Au final, Man of Medan s’avère une aventure horrifique sympathique, mais non dénuée de défauts. On apprécie son atmosphère soignée, parfaitement représentative de l’image d’un vaisseau fantôme. Toutefois, on regrette certains raccourcis narratifs et des errances comportementales qui atténuent le concept initial des choix offerts au joueur. S’ils ne constituent pas un handicap réel, les déplacements restent assez lourds et soumis aux aléas de la caméra. Certains angles sont assez travaillés. D’autres idées de cadrage sont, en revanche, plus maladroites. Le titre de Supermassive Games manque donc de finition pour rendre l’expérience vraiment angoissante. En ce sens, il aurait été bienvenu de réduire la profusion de jump scares pour qu’ils gagnent en efficacité et en imprévisibilité. Des défauts que l’on espère voir corrigés pour le second opus, Little Hope

Note : 13/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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