mars 19, 2024

Coldheart Canyon – Clive Barker

Auteur : Clive Barker

Editeur : Bragelonne

Genre : Horreur

Résumé :

Star de cinéma sur le déclin, Todd Pickett décide, afin de s’acheter quelques mois supplémentaires au sommet du box-office, de recourir discrètement à la chirurgie esthétique. Le résultat, catastrophique l’oblige à trouver en urgence une demeure à l’écart du feu des projecteurs. Ce sera Coldheart Canyon, l’ancienne résidence de Katya Lupi, gloire de l’âge d’or hollywoodien dont on disait qu’elle y donnait autrefois des soirées de débauche très prisées par le gotha mondain. De découvertes étranges en surprises macabres, Todd s’apercevra, à ses dépens, que les rumeurs étaient bien en deçà de la réalité.

Avis :

Rares sont les écrivains à posséder autant de cordes à leur arc que Clive Barker. Romancier, peintre, scénariste, réalisateur… Il a même touché à la production de jeux vidéo et au théâtre ! On pourrait qualifier l’homme d’artiste « complet ». En parallèle de sa carrière d’auteur, il s’est essayé à la mise en scène. On lui doit notamment l’adaptation de son roman le plus célèbre : Hellraiser. Sa relation avec Hollywood a particulièrement été marquée par le dédain du milieu pour l’aspect artistique des métrages au seul profit d’une rente pécuniaire immédiate. On songe aux saccages en règle et aux échecs successifs de Rawhead Rex, Cabal et Le Maître des illusions.

Aussi, Clive Barker en revient à ses premières armes pour régler ses comptes. Par l’entremise d’une fiction, il nous plonge dans un milieu souvent fantasmé, symbole de la démesure et du succès à l’américaine. Le préambule est relativement timoré avec une première approche dans les années 1920, à l’apogée du cinéma muet. Le contexte est instauré de fort belle manière avec une ambiance qui entremêle le faste des années folles et la connotation surnaturelle issue des contrées roumaines. À ce titre, cette entame est une réussite, car elle pose les bases d’une histoire intrigante, originale et hantée par des protagonistes aux charmes disparates.

De même, la découverte du Hollywood contemporain reste intéressante dans le premier tiers du livre. Très vite, on se rend compte que le vernis s’écaille sur une réalité aussi impitoyable que surfaite. Par le biais de scènes assez explicites, on côtoie un milieu qui privilégie les apparences à toute autre considération. Tout passe par l’image que les acteurs renvoient au public, quitte à préserver une jeunesse illusoire par l’entremise d’une opération chirurgicale. À cela s’ajoute également la mesquinerie des comédiens « concurrents », la veulerie des producteurs et l’opportunisme des agents. On ficelle le tout dans un beau paquetage de lâcheté et l’on obtient un pamphlet à charge en bonne et due forme sur la machine hollywoodienne.

En soi, ce fond n’est guère dérangeant. Au contraire, il apporte une densité et un sens à l’intrigue pour justifier les comportements des différents intervenants au regard de situations absurdes, à tout le moins surfaites. Avec cet exil forcé au sein d’une maison apparemment abandonnée et ignorée de tous, on pourrait même entrevoir un habile mélange entre Shining et Society. On retient l’isolement et les spectres pour la comparaison avec le roman de Stephen King. Quant à la dernière référence, elle renvoie à une critique acerbe sur l’aristocratie et les milieux aisés dans leur ensemble. Malheureusement, le rythme s’essouffle bien vite et les scènes se suivent et se ressemblent.

Là où l’on aurait apprécié des révélations successives sur cette étrange pièce qui semble abriter le Pays du diable, on nous inflige un cortège de tableaux pervers dans une routine presque extatique. Si certaines histoires de Clive Barker sont connues pour entremêler plaisir et douleur dans une spirale de sexe, Coldheart Canyon se complaît littéralement dans des déviances propres au sadomasochisme et au fétichisme. Les jeux de domination viennent prolonger des séances de tortures pour le moins déconcertantes, comme les guêpes enfermées dans des bocaux, eux-mêmes posés sur les seins d’une femme consentante. Les exemples sont légion et périclite le livre dans une sorte de porno hard qui finit par tourner en rond.

Privilégier ce type de séquences n’est pas préjudiciable à un récit lorsqu’elles ne le supplantent pas. Or, la libido débridée des personnages s’invite dans n’importe quelles circonstances. Peu importe qu’ils se retrouvent en danger sous la menace d’une épée, entourée de fantômes ou en pleine conversation. Un simple prétexte suffit pour ouvrir les hostilités. Par ailleurs, cette montée en tension en fait oublier la cohérence du texte avec un milieu d’ouvrage nettement plus percutant que le dénouement. Là où on aurait pu s’arrêter à mi-parcours, on poursuit le chemin pour une seconde moitié répétitive dans ses propos et ses situations.

Au final, Coldheart Canyon est un roman en demi-teinte. Si les premiers chapitres laissaient augurer une histoire audacieuse, décalée et immersive, la suite nous donne tort. La faute à des explications assez conventionnelles dans l’origine de la « pièce aux carreaux » et surtout à cette fâcheuse manie de remplir les pages par des ébats primaires ponctués de souffrances et de plaisirs, sans autre but que de succomber à ses bas instincts. Entre règlements de compte et sexes, l’on se dit que Clive Barker résume Hollywood sous la plume de l’aigreur en occultant ce qui fait la particularité de son œuvre. Néanmoins, cela reste parfaitement justifiable en raison de ses expériences personnelles. En revanche, cela rend son histoire redondante à bien des égards et percluse d’errances narratives dont on se serait bien passé.

Note : 11/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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