mars 19, 2024

Les Fantômes de Marseille – Geneviève Casaburi et Joëlle Behez

Auteures : Geneviève Casaburi et Joëlle Behez

Editeur : Provence-Poésie

Genre : Policier, Historique

Résumé :

En 1881, un commissaire de police souffre d’hallucinations en poursuivant jour et nuit un suspect qui prend tour à tour devant ses yeux le visage de grands auteurs qui traversent Marseille.

En 2000, une femme flic et un détective semblent retrouver le même criminel à travers les mêmes rues et parmi les mêmes silhouettes de personnages historiques.

Les crimes se succèdent sans qu’ils ne parviennent à démasquer le coupable. Le récit entre les deux époques à travers les quartiers de Marseille…

Avis :

Les fantômes de Marseille est un roman policier et historique à la fois. Ecrits à plusieurs mains, les différences de tons et de langages se ressentent et collent parfaitement aux personnages auxquels elles sont liées. Les fantômes de Marseille nous fait voyager dans le temps et dans l’espace, par un plongeon dans un vieux Marseille que l’on reconnaît, pour ceux y ayant vécu, puis dans une ville plus moderne, marseillaise, souvent décriée et que les auteurs souhaitent réhabiliter. On ressent dans chaque ligne tout l’amour qu’ils éprouvent pour cette ville et le pari est plutôt réussi. Les descriptions sont ainsi très détaillées, vraies, et parsemées de nombreuses anecdotes sur les fondations de la cité.

Il est dommage que certains mots issus du patois ou de langues plus anciennes, ne soient pas toujours traduits ou développés. De même, certains faits ou échos du passé peuvent ne pas nous parler, selon le lecteur, étant donné que l’on ne connaît pas forcément toutes les figures illustres ayant séjourné à Marseille, y ayant seulement fait un arrêt ou celles ayant contribué à la postérité de la deuxième commune de France. Ces références, notamment incluses dans la partie narrée par Frank Zorra, auraient mérité des détails supplémentaires pour les non-connaisseurs.

Les chapitres sur Ferrand, un commissaire des années 1880, sont écrits tout en finesse et en poésie. Amoureux des lettres, il cite souvent Jules Verne, Maupassant ou Victor Hugo, s’imagine discuter avec eux, ou les vois dans ses rêves alors qu’il tente de résoudre des crimes incompréhensibles. Est-il fou ou croise-t-il réellement ces personnes célèbres ? Tout l’enjeu du roman se trouve ici, dans ces remous littéraires et ces noms bien connus, qui hantent le commissaire et qu’il discerne sur les scènes de meurtres. On se balade dans Marseille avec un Ferrand rêveur, auquel on s’attache vite. Intelligent et plein de ressources, il ne cesse d’analyser les indices trouvés sans pourtant parvenir à démasquer le coupable. On souffre avec lui.

Dans les années 2000, Frank Zorra, accompagné de sa commissaire Cathy, enquêtent sur une autre série de meurtres, qui rappelle fortement celle que Ferrand n’avait pas su résoudre à l’époque. Les énigmes s’enchaînent, comme les flaques rouges sur les sols de la ville, et l’assassin court toujours. Egalement obnubilée par des auteurs qui l’ont marquée, Cathy Scrivat, « la Julie Lescaut de Marseille », n’a pas du tout le même caractère que Ferrand. Plus stressée, davantage perdue, on la sent en fuite, en proie à des maux dont elle ne fait pas part à Frank, le narrateur, ni aux lecteurs. Frank est plus terre à terre, direct et parfois cru dans son parler. Très spécial, il ne se dévoile pas beaucoup pour autant et marque une certaine distance avec les lecteurs non familiers des faits dont il parle et qui lui tiennent à cœur. Il va vite, et ne s’attarde pas sur des explications de situations qui n’auraient pas été inutiles. Il enchaîne des anecdotes, des références et tout s’emmêle. Chaque mot a son importance et il ne faut pas perdre le fil.

D’un côté, avec Ferrand, l’enquête ne semble pas progresser et stagne, tandis qu’à notre époque, dans les années 2000, tout s’enchaîne bien trop vite, sans nous laisser le temps de réfléchir à ce qui vient de se passer. La résolution de l’enquête se fait également plutôt rapidement et manque de détails sur les mobiles, les mises en scènes et l’organisation globale, pour nous happer complètement. Bien que la fin soit surprenante, elle manque de pauses et d’arrêts pour nous faire ingurgiter les informations plus calmement. On ressent, notamment avec Frank Zorra, une écriture pleine d’images, qui ne s’embarrasse pas de détails, à la Arsène Lupin pour les connaisseurs. Les passages avec Ferrand sont plus calmes et apaisent le lecteur, grâce à une écriture fluide et efficace, et grâce à une plongée dans un passé sombre qui continue de faire rêver.

L’enquête policière est bien construite, et l’alternance des passages passé/présent est agréable à suivre. On en apprend plus sur Marseille et quelques photos parsèment le roman. De même que dit plus haut, il est dommage que ces images ne soient suivies d’aucune légende. Seuls ceux qui connaissent s’y retrouveront quand les autres ne verront dans ces images qu’une ville lambda, ce qui n’est pas le but.

L’Histoire embellit ce roman dont les références ne cessent de se multiplier, au détriment d’une résolution d’enquête qui aurait pu être plus satisfaisante. La poésie englobe le tout d’une atmosphère ésotérique plaisante et l’on se prend à s’imaginer, comme Cathy ou Ferrand, que Jules Verne, Maupassant ou Victor Hugo continuent de nous suivre dans notre quotidien.

Note : 14,5/20

Par Lildrille

Lildrille

Passionnée d’imaginaire et d’évasion depuis longtemps, écrire et lire sont mes activités favorites. Dans un monde souvent sombre, m'évader et fournir du rêve sont mes objectifs. Suivez-moi en tant qu'auteure ici : https://www.2passions1dream.com/. Et en tant que chroniqueuse aussi là : https://simplement.pro/u/Lildrille.

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