avril 20, 2024

Goodnight Mommy

Titre Original : Ich Seh, Ich Seh

De: Veronika Franz et Severin Fiala

Avec Susanne Wuest, Lukas Schwarz, Elias Schwarz, Hans Escher

Année : 2014

Pays : Autriche

Genre : Horreur, Drame

Résumé :

En plein été, dans une maison de campagne perdue au milieu des champs de maïs et des bois, des jumeaux de dix ans attendent le retour de leur mère. Lorsqu’elle revient à la maison, le visage entièrement bandé suite à une opération de chirurgie esthétique, les enfants mettent en doute son identité…

Avis :

Il arrive bien souvent que lors des festivals dédiés au cinéma, et plus précisément aux films fantastiques, on puisse trouver des inédits, des métrages qui n’ont pas encore d’exploitant et qui ne tomberont jamais sous les yeux d’un cinéphile lambda ne pouvant se rendre dans ces festivités. Fort heureusement, et c’est assez triste à dire, il y a internet et des moyens plus ou moins légaux pour voir ces films. D’après les dires d’Alexandre Bustillo, réalisateur, entre autre, de Livide ou A l’Intérieur avec son ami de toujours Julien Maury, peu importe comment le film est vu pourvu qu’il soit vu. Et on peut comprendre cette amertume quand on voit le sort réservé à leur deux derniers films, l’un qui a eu droit à très peu de salles (Aux Yeux des Vivants) et un autre qui a carrément fini en DTV (Leatherface). Cependant, et cela est un peu réjouissant, d’autres films trouvent le chemin des salles et peuvent se targuer d’avoir une petite réputation, comme ce fut le cas pour Goodnight Mommy. Film autrichien qui a eu les honneurs de quelques salles en France en 2015, bardé de prix lors de divers festoches de genre, le métrage de Veronika Franz et Severin Fiala avait de quoi interroger et attiser la curiosité déjà de par sa provenance, mais aussi de par son sujet. Mais qu’en est-il vraiment ?

Le scénario est assez obscur au départ, puis on comprend vite de quoi il en retourne. Lukas et Elias sont deux jumeaux qui évoluent seuls dans la grande maison de leur mère. Lorsqu’elle revient, elle a le visage entièrement bandé après une opération de chirurgie esthétique. Sceptique sur l’identité de leur mère, les deux jumeaux vont tout faire pour faire avouer à cette personne que ce n’est pas leur mère. Goodnight Mommy joue alors constamment sur la corde raide entre le fantastique, le drame et l’horreur. En ce sens, le début du film est très lent et pose une ambiance très lourde, très physique autour des personnages. La mise en scène est très racée, recherchant constamment le plan qui va marquer le spectateur. On aura droit à beaucoup de plans fixes, ou encore à des plans qui se répètent jusqu’à une micro action qui dévoile un élément de l’histoire. Une histoire sombre, difficile à appréhender au départ, notamment parce que les deux réalisateurs s’amusent à perdre le spectateur sur l’existence même de certains protagonistes. En effet, et même si on comprendra rapidement le premier plot twist de l’histoire, on ne saura jamais vraiment si les personnages existent, s’ils sont simplement des êtres vides de toute énergie ou alors des spectres errants autour d’une maison familiale.

Cette façon de faire est intéressante car elle maintient alerte sans en faire des caisses et sans jamais mâcher le travail de compréhension. On se doute bien qu’il y a une lourde histoire derrière l’opération de la maman. On se doute bien que les jumeaux ne sont pas forcément ce que l’on croit. Et pourtant, on comprend, au détour d’une conversation, on détour d’une image, d’un son hors-champ. On comprend que le drame est passé et qu’un autre est en train de se préparer. Pour en revenir rapidement à la mise en scène, Goodnight Mommy est intéressant dans le sens où il est filmé à hauteur d’enfant. On va suivre le parcours chaotique de ces jumeaux inséparables, et on va avoir leur ressenti, leur peur, leurs idées, leurs jeux, mais aussi leur penchant sadique à cause d’une mère trop autoritaire, trop secrète et très mal dans sa peau. Le point de vue des enfants pose alors des questions sur l’identité, la reconstruction de soi et surtout, le dialogue pour se reconstruire, pour retrouver un semblant d’humanité. C’est en cela que la première partie est forte, car elle joue sur l’épouvante et la psychologie de deux enfants qui naviguent entre deux mondes. Une réalité triste, grise et crue, et un monde plus imaginaire, mais macabre, à l’instar de ce passage où ils trouvent un chat dans ce qui ressemble à des catacombes. Tout est fait pour brouiller nos perceptions et c’est assez malin.

Le problème va venir tout simplement du rythme très lent du film. Si cela permet de poser une ambiance austère et malsaine, ça manque tout de même d’énergie et de vie, notamment dans les mouvements et la fluidité du montage. Tout est rêche, tout semble fixé et ça manque vraiment de souplesse. Cette rigidité confère au film une aura particulière, mais cela risque d’ennuyer plus d’une personne. Fort heureusement, la dernière moitié du métrage relève le niveau et montre un sadisme encore rarement atteint par des enfants. Moralement difficile, toujours filmé de manière crue et à hauteur d’enfant, le film devient une sorte de torture-porn juvénile qui fait mal. Le métrage fait mal car on ressent vraiment la douleur de cette mère et on peut aussi voir la dichotomie de l’esprit des jumeaux, qui sont eux-aussi choqués lorsque le sang gicle. C’est d’ailleurs cette façon très réaliste de filmer qui rend l’ensemble si percutant et cette seconde moitié si prenante. Toute la première partie, lente et sensorielle, prend tout son sens dans ce final violent, qui continue à brûler les pistes avec de petits détails, jusqu’à une séquence de fin tétanisante et nihiliste au possible.

Au final, Goodnight Mommy est un très bon film qui oscille constamment entre trois genres, à savoir l’horreur, le drame et le fantastique. Pour autant, l’équilibre entre toutes les parties est bien tenu et on regrette juste un rythme un peu lénifiant en son début, car même si cela sert le propos et l’ambiance, on peut rester de marbre face à ces belles images si immobiles et si rigides. Il en résulte donc un film protéiforme qui se glisse parfaitement dans cette nouvelle vague horrifique qui essaye de changer les choses, comme le Hérédité d’Ari Aster ou encore le Grave de Julia Ducourneau.

Note : 15/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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