avril 25, 2024

La Conquête de la Planète des Singes

Titre Original : Conquest of the Planet of the Apes

De: Jack Lee Thompson

Avec Roddy McDowall, Don Murray, Natalie Trundy, Hari Rhodes

Année: 1972

Pays: Etats-Unis

Genre: Science-Fiction

Résumé:

En 1990, les animaux domestiques et le personnel de service ont disparu au profit des singes-esclaves. Mais ces derniers se révoltent et prennent le pouvoir, sous l’impulsion de Caesar, le fils de Cornélius et Zira…

Avis:

Alors que la Fox était en grande difficulté financière, La Planète des Singes va relancer l’entreprise et sa suite, Le Secret de la Planète des Singes, malgré sa qualité moindre, continuera de confirmer l’amour du public pour cette franchise signée Pierre Boulle à la base, puis Paul Dehn à l’écriture des scénarios. Cependant, avec Les Evadés de la Planète des Singes, la saga avait pris un ton plus léger, notamment dans sa première moitié, ce qui avait ravi le public et surtout les familles, et cela malgré un dernier tiers très violent, lorgnant du côté du thriller et montrant le pire aspect de l’espèce humaine. Voulant continuer sur cette vague de succès, la Fox commande alors une autre suite, qui se nommera La Conquête de la Planète des Singes. Avec un cador à la réalisation en la présence de Jack Lee Thompson (Les Canons de Navarone et Les Nerfs à Vif), le film va néanmoins surprendre, au point de devoir changer la fin du film, jugée trop violente lors d’une avant-première test à Phoenix où des enfants furent choqués. Car oui, cette troisième suite ne sera pas du tout du même acabit que ses aînés.

Dès le départ, le film nous resitue dans un contexte très différent du film précédent. On se retrouve vingt ans plus tard, et tous les singes sont réduits à l’esclavage, subissant des tortures pour exécuter des ordres simples et ainsi être mis aux enchères pour des humains de plus en plus fainéants. Caesar arrive donc dans ce contexte et va devoir se fondre dans la masse en attendant la libération supposée de son ami Armando, le patron du cirque à qui il fut laissé à la fin de l’épisode précédent. Voyant toute cette haine, toute cette violence envers ses congénères, Caesar ne va pas tarder à se sentir mal. La mort d’Armando ne va pas calmer ses ardeurs, pire, il va monter une rébellion pour que les singes prennent le pouvoir. Comme on peut le deviner, le film va prendre une tournure assez inattendue, très violente, dès le début du métrage, et cela va aller crescendo jusqu’à un final très marquant, puissant dans sa symbolique et dans l’avenir de la franchise. Oui, La Planète des Singes délaisse le côté léger pour faire réfléchir et ramener finalement à des phénomènes de société très ancrés dans le réel.

Passionné par la politique, Jack Lee Thompson est très marqué par les problèmes raciaux de son pays et voit en cette franchise le moyen d’exprimer la violence que subissent les noirs dans un pays qui se veut démocratique. Ce film rappelle donc les émeutes de Détroit, mais aussi les meurtres de Malcolm X et de Martin Luther King, mettant en avant un climat très tendu et proposant donc d’iconiser le personnage de Caesar comme principal élan de révolte pour prendre le pouvoir et montrer que les singes ne sont pas seulement des esclaves. Le film a donc un regard sur le monde de l’époque (et cela n’a pas trop changé aujourd’hui) et tout cela est cristallisé en une seule dite par Caesar à son sauveur dans le film, un homme noir, où il lui fait comprendre que s’il y a bien une personne ici capable de comprendre les agissements de Caesar, c’est bien lui. Ainsi donc, cette violence crue, cette volonté de choquer par des passages durs et sans filtre, permet de remettre en avant un contexte social compliqué, raciste et terrifiant.

Si cette suite semble essentielle sur un plan réflexif, elle l’est aussi sur le tournant que doit prendre la franchise. Si l’opus précédent était intéressant dans son ton plus léger, c’est surtout son final dramatique qui va marquer les esprits avec les morts de Zira et Cornélius. Ici, scénariste et réalisateur vont à fond dans l’action, le drame et la mise en scène flamboyante lors des attaques des primates. C’est très cru et cela est accentué par quelques moments gores, notamment sur la toute fin, avec cet amoncellement de cadavres, montrant finalement la colère inassouvie de Caesar. Le réalisateur joue aussi énormément avec les décors et les lumières. Il y a une volonté de créer un monde humain terne et triste, avec des colorations grises, des décors uniformes et une sorte de lissage. On ne voit pas un seul humain heureux dans ce métrage et on pense irrémédiablement au régime nazi. C’est d’ailleurs la volonté du réalisateur de mettre peu de couleur, d’habiller tous les humains en noir, pour accentuer cet aspect totalitaire. Si les singes portent des couleurs, c’est aussi pour montrer leur côté « sauvage », non éduqué, et on ne peut qu’applaudir ce genre d’audace, faisant un pied de nez à un studio qui ne veut que des petits projets rentables et familiaux. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la fin a dû être retournée et qu’un conflit allait naître entre Paul Dehn, le scénariste et la Fox.

Enfin, difficile de ne pas aborder la prestation de Roddy McDowall, enfant star à Hollywood, ayant connu un passage à vide à sa vingtaine, puis renouant avec le succès du septième art grâce à La Planète des Singes. C’est véritablement dans cet épisode qu’il démontre tout son talent, donnant vie à Caesar et lui offrant une sensibilité très prégnante. Le moment où il prend conscience de la mort d’Armando est incroyable et avec quelques regards, quelques mimiques avec le maquillage, il parvient à jouer une palette assez impressionnante d’émotions. Dans ce film, il passe d’ailleurs par quatre stades, le singe qui observe, innocent, l’esclave, le rebelle puis le chef et il est à chaque fois très convaincant. A ses côtés, pour jouer le bad guy, il y a Don Murray, qui s’est largement inspiré des nazis pour parfaire son rôle. Il est glaçant, et finalement, sa destinée n’est que méritée. Pour le reste, même si on peut noter la belle prestation de Hari Rhodes, Roddy McDowall vole la vedette à tout le monde.

Au final, La Conquête de la Planète des Singes est une excellente suite qui change vraiment du ton plus léger et presque badin de l’opus précédent. Plus noire, plus sombre, plus ancrée dans le réel, cette troisième suite surprend par sa violence frontale et par le tournant sanglant que prend la franchise. Reste à savoir maintenant si ce cap sera maintenu pour La Bataille de la Planète des Singes, ce qui n’est pas vraiment sûr, vu les divergences entre scénariste et producteur.

Note: 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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