Auteur : Peter Straub
Editeur : Bragelonne
Genre : Thriller
Résumé :
Dans les années soixante, un gourou au charisme sulfureux invite ses jeunes disciples à pratiquer un rituel secret, une sorte de messe noire dans un champ isolé près de leur campus. La situation dérape très vite et il ne reste de cette nuit qu’un cadavre démembré, ainsi que le traumatisme profond partagé par les survivants. De nombreuses années plus tard, l’horreur hante encore ce groupe d’amis autrefois inséparables… qui vont bientôt se confronter de nouveau à l’épineuse question de la nature même du mal.
Avis :
La carrière littéraire de Peter Straub est émaillée de livres notables et, de temps à autre, d’ouvrages relativement dispensables. Sa propension à se perdre dans des digressions narratives est à double tranchant. Lorsque l’histoire est intrigante, son style permet de développer l’ambiance et les personnages. Le cas le plus emblématique reste Ghost Story et sa prose non dénuée de poésie. Quand le récit n’a rien à raconter, ou presque, on se retrouve avec un roman poussif, long et sans grand intérêt. De ce côté, Le Club de l’enfer s’avérait une pénible incursion. Aussi, il n’est pas toujours évident de déterminer si l’auteur nous offre un voyage éprouvant pour les nerfs en suscitant la peur ou en mettant à mal notre patience.
Au vu de ce que l’entame de Messe noire nous propose, le traitement risque d’être laborieux. D’emblée, l’histoire nous accable sous un déluge de descriptions et de détails liés à une masse d’intervenants déjà bien denses. Même en étant un lecteur familier de ses œuvres, il est difficile de tout assimiler et d’y trouver une justification pour les événements à venir. On ne peut pas vraiment parler de personnage principal. Les différentes parties changent constamment de points de vue. Pour donner un aperçu de ces lourdeurs, sur les trente premières pages, seules trois lignes sont consacrées à la messe noire, alors qu’on se retrouve dans la période temporelle correspondante.
Et cela ne tient pas qu’à une approche maladroite du sujet. Comme évoqué précédemment, on a droit à des « parties » pour scinder le livre. Hormis cela, il n’y a aucune structure, aucun chapitre. Quant à la trame, elle fait s’enchaîner les séquences avec une rare indolence. L’absence d’enjeux et la succession de scènes où les échanges stériles (et répétitifs) se multiplient n’apportent strictement rien ; même les récits et témoignages restent indigents. On ne peut pas dire que ceux-ci cassent le rythme étant donné que ce dernier n’existe pas. Là encore, de simples présentations peuvent s’étendre sur des dizaines de pages, tandis que l’intérêt d’un passage, comme une visite à l’hôpital psychiatrique, se condense sur les ultimes paragraphes.
Quant à l’aspect surnaturel, on frôle l’absurdité pure et simple, voire la raillerie de l’auteur lui-même. Pour rappel, la messe noire est indissociable des rites sataniques, à tout le moins des courants sectaires qui s’arrogent de nombreuses libertés. Il est vrai que Spencer Mallon tente de rameuter des fidèles pour son mouvement. Son côté marginal et le contexte des années 1960 peuvent le rapprocher de Charles Manson et de sa famille. Sauf qu’il n’y a aucun travail sur cet aspect communautaire, même restreint à un groupe de moins de dix individus. Par ailleurs, ceux-ci sont affublés de surnoms qui n’aident pas à leur identification. De plus, cela n’a pas pour vocation de les dépersonnaliser face à leur gourou.
Quant aux séances assimilées à une messe noire, la finalité est ridicule au possible. Pour preuve, les premières et très furtives incursions laissent à penser à une hallucination littéraire. Il faut revenir sur les lignes parcourues pour être certain d’avoir bien lu. Ces « invocations » font surgir du néant des canidés qui rappellent l’œuvre de Cassius M. Coolidge, en particulier sa série de peintures à l’huile Les Chiens jouant au poker. Un choix farfelu et particulièrement inadapté à un tel récit ! Et pour couronner le tout, les protagonistes enchaînent avec une petite fête improvisée et un bon repas. L’ensemble est tout aussi décousu qu’incohérent, presque dédaigneux à l’égard de son lectorat.
Au final, Messe noire est sans doute le plus mauvais livre de Peter Straub. Paru initialement en 2010, son dernier roman en date est sans le moindre intérêt à tous les niveaux. La narration et son style sont devenus impersonnels, avec une nette propension pour les échanges sommaires, longs et inutiles. Ces trois adjectifs résument également l’histoire en elle-même, percluse d’invraisemblances, dénuée de réalisme dans les comportements et, surtout, lénifiante à plus d’un titre. En ce qui concerne la tonalité horrifique ou surnaturelle, elle est grotesque, voire insultante, tant l’auteur derrière Ghost Story nous a habitués à mieux. Un contenu aussi dense que vide de sens pour une lecture fastidieuse.
Note : 05/20
Par Dante