avril 20, 2024

Sumac – What One Becomes

Avis :

S’il y a bien un genre qui s’affranchit de tous les codes marketing musicaux, c’est le métal. Déjà de par sa violence supposée et son aspect de niche, mais aussi par la longueur de certaines compositions. Et les professionnels de la chanson longue officient bien souvent dans un genre nouveau, le Post-Métal. Entre le Death/Black et le Métal Progressif, le Post-Métal est un genre très difficile à cerner et qui se caractérise par des riffs lourds, des chants gutturaux, des moments plus aériens, presque éthérés, et des sujets animistes. Bref, un genre à part, qui peut en rebuter plus d’eux et qui s’ouvre petit à petit à un auditorat exigeant, en demande d’expériences auditives. Parmi les groupes les plus en vogue, on peut citer Sumac. Formé en 2014 sur les cendres d’Isis, autre groupe plutôt expérimental, Sumac va rapidement sortir un premier album, The Deal, qui ne sera pas forcément accueilli les bras ouverts. Pour autant, il en fallait un petit peu plus pour décourager le trio américain, et c’est un an plus tard, en 2016, que la formation sort What One Becomes et ses cinq titres. Si on pouvait croire à un EP avec un si petit nombre de chansons, il s’agit bien d’un LP puisque l’album dépasse aisément l’heure d’écoute et chaque morceau dépasse les dix minutes. Il en ressort une expérience unique, des moments qui frôlent le n’importe quoi et d’autres passages touchés par la grâce.

Le skeud débute avec Image of Control, et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est du lourd, du très lourd, voire même du trop lourd. C’est bien simple, durant les deux premières minutes du morceau, on a clairement l’impression que le groupe fait n’importe quoi et règle ses instruments avant de passer sur scène. Si la batterie tabasse sévère, on a vraiment un sentiment de bordel et ce n’est pas très agréable à l’oreille. Cependant, une fois passé ce passage étrange, on tombe sur quelque chose de plus léger, de plus mélodique et le groupe change de fusil d’épaule, déstructurant volontairement son style, son morceau, pour surprendre et rendre l’ensemble presque inconstant. Les riffs lourds s’enchainent par la suite, le bon gros growl bien Death rugit alors et l’ensemble est tout de même bien plus plaisant et construit. Si ce n’est un final qui rejoint le début dans un grand bordel sonore qui fracasse les tympans. Il en va de même avec Rigid Man qui arrive après, même si le titre se veut un poil plus accessible. Le tout est rude, âpre, sans concession, la lourdeur est proche du Doom, tout comme la rythmique assez lente. Néanmoins, on ne peut exclure une certaine mélodie et une volonté de rendre une ambiance bien dark, bien glauque au sein d’un genre particulier, intangible et pourtant terriblement pesant.

Avec les trois morceaux suivants, le groupe va se rendre encore plus accessible et défaire tout ce qu’il a construit auparavant pour rendre une copie un peu plus propre, tout en gardant un aspect mystérieux et dérangeant. Clutch of Oblivion démarre de façon très lente, très calme, dans une ambiance reposée, légère et impose de ce fait un moment de répit. Un répit qui durera la moitié du titre, lâchant par la suite la lourdeur et les riffs assassins. On pourrait presque y trouver un semblant de Gojira dans la façon de faire et dans les riffs surpuissants. Le morceau en est d’autant plus riche, alternant les phases rapides et les autres plus lentes et lourdes afin de construire une structure complexe mais diablement efficace. Blackout enfoncera le clou avec ses dix-sept minutes, son aspect totalement expérimental, son début à concept et sa batterie imposante. Pièce maîtresse de l’album, le titre sera un réel plaisir d’écoute et une montée crescendo vers une puissance contrôlée et pourtant envahissante. Enfin, avec Will to Reach, Sumac ne se démonte pas et continue son exploration d’un Post-Métal à part, toujours à la frontière des genres et ne subissant jamais les assauts de la facilité. Puissant, étrange, envoutant, là-aussi le titre se veut difficilement attrapable mais après plusieurs écoutes, l’ensemble fonctionne parfaitement et laisse pantois devant tant de technique et de maîtrise.

Au final, What One Becomes, le second album de Sumac, est un voyage sombre, glauque et terriblement addictif dans le milieu du Post-Métal. A la fois virulent, difficile d’accès mais aussi percutant et envoutant, le trio américain livre une expérience unique d’écoute, parfois décousue, mais qui arrive à raccrocher les wagons rapidement dans des structures tentaculaires et longues. Bref, un album réussi, mais loin d’être évident à appréhender et qui ne délivre ses secrets qu’après quelques longues écoutes.

  • Image of Control
  • Rigid Man
  • Clutch of Oblivion
  • Blackout
  • Will to Reach

Note : 16/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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