avril 20, 2024

Carrie au Bal du Diable

Titre Original : Carrie

De : Brian De Palma

Avec Sissy Spacek, John Travolta, Piper Laurie, Nancy Allen

Année: 1977

Pays: Etats-Unis

Genre: Horreur

Résumé:

Tourmentée par une mère névrosée et tyrannique, la vie n’est pas rose pour Carrie. D’autant plus qu’elle est la tête de turc des filles du collège. Elle ne fait que subir et ne peut rendre les coups, jusqu’à ce qu’elle ne se découvre un étrange pouvoir surnaturel.

Avis:

Dans les années 70, un réalisateur commençait à émerger sur la scène mondiale. Brian De Palma, qui avait alors réalisé quelques courts-métrages et films avec plus ou moins de succès, déclarait sa flamme au film de genre, à l’horreur, qui est, comme on le sait, un formidable terreau pour des artistes qui veulent s’exprimer librement. Et après Sœurs de Sang, l’incroyable Phantom of the Paradise et Obsession, il décide d’adapter pour la première fois au cinéma une œuvre de Stephen King, et pas n’importe laquelle, puisqu’il portera son dévolu sur Carrie, premier roman publié du maître de l’horreur. Un roman qui possède sa petite notoriété, puisqu’il fut retrouvé dans la poubelle de l’auteur par sa femme, qui lui a demandé d’essayer de le faire publier, y voyant une histoire superbe. Et si le roman connut un succès phénoménal permettant à l’écrivain de devenir ce qu’il est aujourd’hui, l’adaptation ne va pas être en reste et confirmera la grande forme du réalisateur américain.

Carrie est une jeune femme sensible qui vit avec sa mère, une bigote complètement frappée du ciboulot qui prêche la bonne parole à qui veut bien l’entendre. Carrie, vivant dans un carcan insoutenable, découvre la vie au lycée et alors qu’elle est moquée par ses camarades, l’une d’elles, prise de remords, va demander à son petit copain d’inviter Carrie à sa place. Un repentir qui va mal finir, d’autant plus que Carrie comprend qu’elle possède un don, la télékinésie. Pas besoin d’aller plus loin dans le pitch, puisque de toute façon, tout le monde connait plus ou moins cette histoire, avec la suite mais aussi le remake de Kimberley Peirce sorti en 2013. Une histoire qui met en relief deux choses qui peuvent paraître antinomique, la religion et la découverte de son corps qui passe du stade adolescent au stade adulte. Brian De Palma arrive parfaitement à capter le rapport entre les deux, le sang, qui deviendra une sorte de catharsis dans le film, puisqu’il intervient au début comme élément déclencheur de l’histoire, puis à la fin comme élément destructeur. Ce qui est amusant, c’est que le sang est très peu présent à l’écran, et pourtant, c’est lui qui déclenche tout et c’est lui qui est à l’origine de cette histoire. Une matière bien mise en avant par le réalisateur, tout d’abord de manière presque sensuelle, lors d’une douche, puis à la fin de manière brutale, frontale, sans une once de finesse.

La réalisation est d’ailleurs quelque chose de très important au sein de ce film. Dès le départ, Brian De Palma va instaurer ses tics de réalisation, comme ce long travelling au ralenti dans le vestiaire des filles qui prennent leur douche, dénudées, s’amusant dans une liberté totale. On sent une libération du corps, tout le monde est décomplexé et même les filles avec des rondeurs ou avec peu de poitrine semblent s’éclater sur ce plan. Un plan angélique mais trompeur par rapport à la violence qui se dérouler quelques secondes plus tard. A partir de là, la réalisation de De Palma va devenir plus classique jusqu’au point d’orgue, la séquence finale, complètement folle, dans laquelle il va instaurer plusieurs split screen afin de montrer ce que fait Carrie et de quelle façon elle le fait. Cela rajoute du dynamisme et de l’intensité dans la violence voulue par le personnage principal. Bien sûr, durant le milieu du métrage, on trouvera certains plans intéressants et totalement réfléchi, comme ce moment où l’on voit deux plans différents sans aucun effet flou, mettant sur un pied d’égalité Carrie et le garçon qu’elle trouve charmant. Malgré son grand âge, Carrie au Bal du Diable reste un film où la mise en scène est exemplaire, tout comme son fond qui ne délaisse aucun thème.

On a déjà parlé du rapport au sang, mais Carrie aborde aussi deux thématiques très fortes, le passage à l’âge adulte et le rapport que l’on peut avoir avec la religion. Le premier thème se retrouve avec les errances de Carrie dans son lycée, souvent moquée, très discrète, quelque fois dans la lune, et qui devient une sorte de risée lorsqu’elle découvre qu’elle a ses règles. Le déferlement de violence psychologique est très marquant et pointe du doigt la cruauté des adolescents les uns envers les autres, n’acceptant plus la différence. Et si parmi les personnages, on a droit à une jeune fille qui regrette et souhaite se faire pardonner, on aura aussi la salope de base, celle qui ne pardonne pas et manie son monde comme bon lui semble. Nancy Allen est tout simplement incroyable dans ce rôle de garce qui manipule son voyou d’homme par le bout du nez pour avoir ce qu’elle désire. Un personnage ignoble que l’on a envie de baffer du début à la fin. L’autre thématique parle bien évidemment de la religion catholique. Stephen King étant un parfait agnostique, il avait insufflé un message cinglant dans son roman que Brian De Palma respecte à la lettre. La mère de Carrie est complètement siphonnée, trouvant une sorte de rédemption dans la religion, l’amenant à des actes horribles, proche de la torture, et trouvant des excuses dans la Bible et certains versets. Là aussi les images sont violentes, virulentes, et alors que Carrie se sent prête à embrasser la carrière de sa mère, le final, explosif, démontre que l’on ne peut lutter face à la folie dévorante des croyances. Et si la maison s’enfonce sous terre, ce n’est pas pour rien, lançant un joli pied de nez à la religion, puisqu’une fervente croyante finira en enfer.

Au final, Carrie au Bal du Diable est encore et toujours un excellent film et une première adaptation très réussie du premier roman de Stephen King. Outre l’histoire profonde et très intéressante (et critique), outre la réalisation très inspirée de De Palma, il faut aussi et surtout retenir la prestation des actrices et notamment de Sissy Spacek, qui est habitée par son personnage, ainsi que les messages toujours d’actualité que véhiculent le film. Carrie peut se voir comme un brûlot envers la religion, très acerbe, mais aussi comme un film qui montre la cruauté des humains envers l’autre. Bref, un grand film qui n’a pas pris une ride.

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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