avril 23, 2024

The Dirt

De : Jeff Tremaine

Avec Douglas Booth, Machine Gun Kelly, Iwan Rheon, Daniel Webber

Année: 2019

Pays: Etats-Unis

Genre: Biopic

Résumé:

Un biopic sur le groupe de rock Mötley Crüe, adapté du livre « The Dirt: Confessions of the World’s Most Notorious Rock Band ».

Avis:

Les biopics sont à la mode. Ce n’est un secret pour personne, mais après avoir quasiment épuisé les adaptations littéraires et les possibilités de remakes, de nombreux scénaristes se sont rués sur les biopics de stars et autres groupes de légende pour rameuter en salles les nostalgiques. Et entre les humoristes, les hommes politiques, les parcours incroyables ou encore les groupes de musique légendaires, il y en a pour tous les goûts et à toutes les sauces. Cependant, il est difficile de donner du crédit à certains biopics. Entre la volonté de romancer ou d’atténuer les côtés sombres, on tombe parfois sur des récits hagiographiques qui en oublient totalement de retracer la vérité. Le dernier à être tombé dans le panneau est bien Bryan Singer (ou Dexter Fletcher) avec Bohemian Rhapsody, effaçant les aspects sombres de Queen (et de Freddie Mercury), pour finalement livrer une version aseptisée d’un concert mythique et non pas la vie sulfureuse d’un groupe rock. Fort heureusement, et c’est rare quand on dit ça, mais Netflix n’est jamais loin et le meilleur biopic rock n’roll de l’année pourrait bien être sur cette plateforme avec The Dirt.

The Dirt se base tout d’abord sur un livre, The Dirt: Confessions of the World’s Most Notorious Rock Band, écrit par tous les membres de Mötley Crüe, à savoir le bassiste Nikki Sixx, le chanteur Vince Neil, le batteur Tommy Lee et le guitariste Mick Mars. Un livre que l’on peut qualifier d’authentique puisque chaque membre y parle de son passé, de sa vie, de ses succès, mais aussi et surtout de sa déchéance avant une résurrection miraculeuse. Et ce livre, c’est Jeff Tremaine qui va le mettre en images. Papa de Jackass et Bad Grandpa, on pouvait bien évidemment s’attendre à quelque chose de sulfureux, de très explosif et qui ne ferait pas la moitié des choses. Mais on pouvait craindre aussi un choix très ciblé, celui de la fête et des conneries, sans jamais aborder la dépression. Pourtant, Jeff Tremaine assure le taf et propose un film fou, rythmé, drôle, vulgaire, mais aussi touchant, voire triste, n’oubliant jamais les démons du groupe et les déboires qui, à quelque part, on fait le succès retentissant de Mötley Crüe.

Le film est très clairement structuré en trois parties distinctes. La première concerne la création du groupe et la présentation des personnalités des quatre membres. On aura donc droit à Nikki Sixx et sa vie de famille chaotique, le forçant plus ou moins à fuir le foyer familial et à se débrouiller dans la rue. Tommy Lee, quant à lui, baigne dans un milieu assez aisé et surtout très compréhensif, très tolérant, mais les femmes le rendent complètement fou. Mick Mars est considéré comme un vieux, mais il se bat surtout contre une maladie qui lui cause une arthrose terrible. Quant à Vince Neil, c’est un homme à femme narcissique qui rentre dans le groupe pour se faire encore plus de nana. Cette première partie va aller jusqu’au succès que l’on connait pour le groupe. La démesure, les fêtes, les filles faciles, les groupies, les concerts mythiques et les folies dans tous les hôtels du monde, le film ne lorgne pas sur le côté festif de la chose, allant même jusqu’à l’extrêmement gênant, notamment avec la rencontre d’Ozzy Osborne qui sniffe des fourmis et boit sa pisse.

La deuxième partie sera plus dure et montrera que les démons du groupe finissent par les rattraper. Chaque membre va user et abuser de ses vices et Mötley Crüe va peu à peu disparaître dans une décadence qui met mal à l’aise. Nikki Sixx tombera dans l’héroïne jusqu’à en faire une overdose. Tommy Lee divorcera plusieurs fois à cause de ses infidélités, alors qu’il est tout de même amoureux de sa femme. Mick Mars abusera de l’alcool pour oublier ses douleurs. Quant à Vince Neil, c’est peut-être lui qui aura le parcours le plus compliqué, car il sera impliqué dans un accident mortel (lui coûtant plus de deux millions de dollars et 30 jours de prison), et perdra sa fille alors âgée de huit ans d’un cancer. Une deuxième partie plus glauque donc et qui montre l’envers du décor du succès fulgurant et de l’argent « facile ».

La troisième partie est celle de la rédemption. Fini les excès, fini les grosses beuveries, le groupe essaye de se reformer, allant chercher Vince Neil qui avait quitté le groupe. Cette partie demeure assez touchante, car elle montre que même dans les moments calmes, le groupe galère à trouver un terrain d’entente, Nikki Sixx étant très pointilleux sur les règles pour ne pas faire une rechute, et Vince Neil s’ennuyant lors d’une tournée sobre. Cependant, ce moment de grâce suffit à montrer comment les fraternités se font et se défont, tout en essayant de s’améliorer, de grandir, de devenir meilleur et d’avoir un peu de sagesse. On pourrait croire que cette dernière partie n’est présente que pour finir sur une bonne note, mais elle reste fidèle à l’histoire du groupe qui, en aucun cas, n’a édulcoré son propos ou son image, faisant du livre, et donc du film, une entité à part entière, à l’image de la formation, délurée mais teintée d’humanité.

La réussite de The Dirt se voit aussi dans la mise en scène de Jeff Tremaine. Habitué à la gaudriole et aux farces de la clique de chez Jackass, il n’a pas perdu de sa superbe et livre un biopic dense, rythmé et bourré de bonnes idées. Le fait est que chaque personnage peut briser le quatrième mur, ce qui arrive souvent, mais à bon escient, et avec une certaine classe. Chaque protagoniste va prendre la parole pour évoquer certains souvenirs et l’ensemble est fait dans une logique qui frise l’insolence. Non seulement c’est bien foutu, mais en plus de cela c’est fluide et ne laisse aucun temps mort, s’amusant même en faisant quelques plans séquences comme lors de la première scène. Mais cette mise en scène un peu grandiloquente et punk dans l’âme, va aussi se calmer pour trouver des phases plus simples et qui touchent au cœur. Ainsi donc, lors de la mort de Skylar, la fille de Vince Neil, on ressent une forte émotion, non seulement parce que l’on ressent de l’empathie pour le chanteur, mais parce que ce n’est pas dans l’ordre des choses. C’est à ce moment-là que l’on voit tout le travail qui a été effectué par le réalisateur pour nous rendre ces stars si sympathiques. Et que dire de la prestation des acteurs, qui sont vraiment très bons, notamment Daniel Webber (The Punisher) qui est très touchant, ou encore Machine Gun Kelly qui est métamorphosé pour le rôle. Iwan Rheon est comme d’habitude parfait et Douglas Booth campe un Nikki Sixx convaincant malgré sa bouille d’ado pré-pubère. Les seconds rôles sont aussi exquis et amènent des points de vue différents sur le groupe, ce qui est intéressant.

Au final, The Dirt dépasse de loin toutes les espérances que l’on avait placées en lui. Bien loin du récit hagiographique, à l’image du groupe, ce film est très rock n’roll mais n’oublie jamais que la forme n’est qu’au service du fond et Jeff Tremaine l’a très compris, proposant un biopic qui n’oublie pas de tirer à boulets rouges sur les membres du groupe quand ils déconnaient. Il en résulte un film sauvage, résolument punk, à la bande-originale exquise et qui met en lumière un star system que personne n’a vraiment envie de connaître. N’occultant rien sur la vie du groupe, parlant des bons comme des mauvais moments, The Dirt pourrait bien se hisser dans de nombreux tops de l’année 2019.

Note : 18/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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