avril 20, 2024

Oranssi Pazuzu – Varahtelija

Avis :

Le Black Métal est un genre qui est très souvent vu comme une hérésie, une sorte de blasphème à la sacro-sainte musique dite populaire. Très extrême, il faut dire que le genre aime se complaire dans des histoires rocambolesques afin de parfaire une imagerie satanique et parfois malsaine. Mais malgré tous les on-dit et la sale réputation que ce genre se traine auprès de la masse populaire, le Black Métal connait ses adeptes, de plus en plus nombreux et sait aussi jouer avec les codes du genre. Pour autant, certains groupes s’en affranchissent et tentent de trouver leur voie avec des choses différentes et souvent inédites. C’est le cas avec Oranssi Pazuzu, un groupe venu de Finlande et qui s’est formé en 2007. Tournant autour du guitariste chanteur et du bassiste, l’idée de faire un groupe de Black provient à la sortie d’un concert du groupe Emperor. Dès lors, les deux compères se mettent au boulot et embauchent une guitare supplémentaire, un batteur et claviériste qui fera aussi les percussions. Le premier album sort en 2009 chez Spinefarm Records, boîte avec laquelle ils vont signer un contrat. A partir de là, le groupe ne va cesser de surprendre et de sortir des albums, jusqu’à ce qu’arrive Värähtelijä, leur quatrième opus, qui va les propulser vers l’avant. En effet, l’album est un succès critique, et on va essayer de décortiquer tout ça.

La première chose qui frappe avec cet album, c’est qu’il y a peu de morceaux. Oranssi Pazuzu ne propose que sept titres sur cet album, et on peut se dire qu’on se fout royalement de notre gueule. Pourtant, l’album est bien fourni, peut-être même un peu trop, car on en aura pour plus de cinquante minutes d’écoute. Les morceaux sont longs, très longs, l’un d’eux dépassant même les dix-sept minutes. Du coup, à ce stade, on comprend mieux pourquoi le groupe n’a fait que sept morceaux pour ce quatrième effort. Le skeud débute avec Saturaatio, et dès le départ, on sait que l’on fait face à un groupe atypique et qui risque fort de nous en mettre plein les oreilles. Les riffs sont redondants mais complètement envoûtants, la ligne de basse est parfaite et annonce une montée progressive vers quelque chose de puissant, et c’est exactement ce qu’il va se passer. Difficile de ne pas rentrer en transe à l’écoute de ce long morceau qui mélange des éléments Black avec d’autres moments complètement psychédélique. On s’en doute, écouter du Oranssi Pazuzu tient plus de l’expérience musical que du simple album basique avec des morceaux qui s’enchainent. Cela se confirme avec Lahja, un titre plus court, plus concis, mais qui maîtrise les cloches pour offrir une ambiance délétère et bien stressante. Et c’est clairement là la puissance de ce groupe, proposer une véritable expérience sonore et musicale, bien loin des carcans agressifs du Black.

Une expérience qui pourtant n’entache jamais le plaisir d’écoute. On pourrait croire que le groupe joue pour lui-même, comme certains groupes de Free Jazz mais version survitaminée, mais c’est bien tout le contraire qui se passe. Bon, ce ne sera pas le cas avec Värähtelijä, avec son départ occulte et complètement bordélique et son bourdon incessant, offrant un titre anxiogène au possible, mais avec Hypnotisoitu Viharukous, le groupe se lâche et donne dans le pur Métal qui tache et qui fait mal. Les riffs sont agressifs, le rythme est très rapide et le chanteur s’égosille à ne plus savoir que faire. Mais on retrouve une mélodie abordable, tout du moins pour ceux qui aiment le métal et les changements radicaux. C’est violent, ça pulse fort, mais ça reste plus académique que le reste. Un conformisme qui se combine mal avec le reste de l’album, puisqu’avec Vasemman Käden Hierarkia, le groupe se fait plaisir et lâche un titre de plus de dix-sept minutes. Les variations sont nombreuses, on passe par plusieurs états, allant de la simple transe redondante aux moments plus cadrés et plus accessibles, mais le titre ne s’offre pas facilement et il faudra plusieurs écoutes pour saisir toutes les nuances du morceau. Et c’est sûrement là que le groupe gagne tous ses galons et trouve sa véritable identité. Oranssi Pazuzu est un groupe qui propose quelque chose qui va au-delà du simple album, au-delà de la simple écoute récréative. C’est dense, parfois brouillon, mais tout à un sens et pour un temps, on nage en plein film d’horreur.

Au final, Värähtelijä, le dernier album d’Oranssi Pazuzu, est une belle réussite. Complètement déjanté, pur moment en dehors du temps, les finlandais ne font pas les choses à moitié et livre ce qui s’apparente le plus à une expérience unique et étrange, qui repousse assez loin les limites du Black, dans le bon sens du terme. Dernier cet album, il y a un véritable travail de fond incroyable et il n’est pas étonnant de trouver cet album parmi les meilleures galettes de l’année 2016. Un titre amplement mérité tant on n’écoute pas ça tous les jours, et que c’est maîtrisé du début à la fin. Par contre, c’est à réserver aux très curieux et aux amateurs de musique extrême.

  • Saturaatio
  • Lahja
  • Värähtelijä
  • Hypnotisoitu Viharukous
  • Vasemman Käden Hierarkia
  • Havuluu
  • Valveavaruus

Note : 17/20

Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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