mars 19, 2024

Gwendy et la Boîte à Boutons – Stephen King et Richard Chizmar

Auteurs : Stephen King et Richard Chizmar

Editeur : Le Livre de Poche

Genre : Fantastique

Résumé :

Il y a trois manières d’accéder à Castle View, un point de vue panoramique de la ville de Castle Rock : par la route 117, par la Pleasant Road, ou via Suicide Stairs, les marches du suicide.
Tous les jours de l’été 1974, Gwendy Peterson, 12 ans, monte ces marches qui sont maintenues par de solides (mais rouillées par le temps) verrous qui zigzaguent jusqu’en haut de la falaise.
Au sommet de cette escalade, Gwendy rattrape son souffle et écoute les bruits des enfants du terrain de jeu. D’un peu plus loin peut être entendu le raclement d’une batte de baseball en aluminium puisque les jeunes de l’équipe de Grande Ligue s’entrainent pour le match caricatif du 4 septembre.
Un jour, un étranger dit à Gwendy : ‘Hé, petite fille. Viens ici un petit peu. Il faut que nous palabrions, toi et moi’.
Sur un banc à l’ombre, se tient un homme dans un jean sombre, un manteau noir comme celui d’un costume, et une chemise blanche déboutonnée en haut. Sur sa tête se trouve un petit chapeau noir.
Le temps viendra où Gwendy fera des cauchemars à propos de ce chapeau…

Avis :

Autant à l’aise avec les longues fresques qu’avec les nouvelles, Stephen King collabore régulièrement avec des auteurs plus ou moins reconnus de ce côté de l’Atlantique. On peut évoquer Joe Hill, son fils, pour Plein gaz. Roman court dont le format rappelle celui du présent ouvrage. Si l’on connaît la bibliographie de King pour mettre en avant des enfants (Le Talisman, La petite fille qui aimait Tom Gordon…). Au vu du pitch initial, on aurait tendance à rapprocher Gwendy et la boîte à boutons d’un conte pour enfants, éventuellement pourvu d’une morale macabre ou à double tranchant. En somme une histoire fantastique relativement décalée, mais pas forcément éloignée d’autres récits de son principal auteur.

Le cadre prend place à Castle Rock, ville fictive du Maine que l’on retrouvait déjà dans Dead Zone et Bazaar. On notera d’ailleurs quelques occurrences avec cette dernière référence. On songe à la « foire aux timbres et monnaies » où l’on trouve une carte de baseball dédicacé par Mickey Mantle. Mais l’allusion la plus probante gravite autour de Richard Farris, celui par qui le malheur (ou le bonheur) arrive. Sa personnalité et le mystère qui l’entoure rappellent l’énigmatique Leland Gaunt, propriétaire du Bazar des rêves. On croit même déceler dans la première rencontre entre Farris et Gwendy une projection entre Grippe-Sou et George Denbrough dans Ça. On songe bien évidemment à la réplique « Eh bien voilà. On se connaît » après un bref échange de patronyme.

Il est vrai que le récit reste ultra-référentiel. Pour preuve, le sujet principal, ainsi que la période (les années 1970) ne sont pas sans rappeler Le jeu du bouton, nouvelle signée Richard Matheson et adaptée à l’écran par Richard Kelly. En cela, il serait presque conseillé de la lire ou de voir le film pour disposer de quelques repères, à tout le moins pour se forger une opinion moins nébuleuse. Car si l’on suit le parcours de la petite Gwendy jusqu’à l’adolescence, puis son passage à l’âge adulte, l’origine ou la nature de l’objet de toutes les convoitises ne trouvera aucune réponse clairement établie. Pourquoi offre-t-il de savoureux chocolats et des pièces d’argent rarissimes ? Récompenses, tentations… Le mystère reste (presque) entier. Tout comme le rôle de monsieur Farris, mais aussi son identité.

La méfiance que ce dernier suscite laisse place à la perplexité. Celle de confier le sort du monde entre les mains d’une seule personne, a fortiori une enfant. Chaque bouton s’apparente à un continent et presser l’un d’entre eux équivaut à provoquer un véritable cataclysme. Le potentiel de destruction est une représentation flagrante du pouvoir nucléaire qui, sous la responsabilité d’un dirigeant plus ou moins névrosé, peut s’avérer dévastateur. Est-ce une critique acerbe et soigneusement masquée pour fustiger le gouvernement Trump ? Possible, mais le sujet est tellement universel qu’il peut se prêter à des situations similaires. De plus, le fait de commencer l’intrigue lors de l’été 1974 n’est sûrement pas anodin. Cette période marque la démission de Nixon, autre président américain des plus impopulaires.

Du point de vue du seul divertissement, le déroulement de l’histoire reste assez plaisant et dynamique puisqu’elle retrace les principaux événements de l’enfance de Gwendy. Les deux auteurs ne se concentrent pas sur des niaiseries, mais tendent à apporter une certaine maturité au personnage. Une manière de traduire que le poids des responsabilités oblige à grandir, parfois prématurément. Malgré certaines préoccupations de son âge, les choix de la jeune fille sont plus réfléchis qu’escomptés. De plus, les situations sont souvent mises en parallèle de l’importance de la boîte, à tout le moins de son influence sous-jacente sur ses décisions. Étrangement, ce déterminisme biaisé par quelque main invisible ne fait qu’accentuer sa culpabilité en cas de malheur, alors que la logique voudrait le contraire.

Au final, Gwendy et la boîte à boutons reste une modeste nouvelle de par sa taille, mais assez dense dans ce qu’elle suggère. En prenant l’apparat d’un conte pour enfants (les illustrations y concourent également), cette histoire écrite à quatre mains joue de subtilité pour divertir et interpeller le lecteur. Si l’on dénote plusieurs clins d’œil et références au fil des pages, il n’en demeure pas moins que le récit possède une identité propre, traitant sa thématique avec une ambivalence évidente. Comme bien souvent, il n’est pas uniquement question de bien ou de mal, mais d’une interprétation subjective des événements. Un moment de lecture très court et néanmoins intrigant qui laisse de nombreuses zones d’ombre dans son sillage.

Note : 16/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

Voir tous les articles de AqME →

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.