mars 19, 2024

Dans les Brumes du Mal – René Manzor

Auteur : René Manzor

Editeur : Pocket

Genre : Thriller

Résumé :

La mère de Tom est morte, et Tom a disparu.

Tom, mais aussi John, Michael et Lily. À chaque fois, une mère est assassinée et son enfant enlevé, comme évanoui dans les brumes inquiétantes qui submergent si souvent la Caroline du Sud.
Dahlia Rhymes, agent du FBI spécialisée dans les crimes rituels, s’impose dans l’enquête. Tom est son neveu, et même si elle ne l’a jamais vu car elle a rompu toute relation avec sa famille, elle ne peut pas l’abandonner.
En retrouvant les marais et les chênes séculaires de son enfance, Dahlia retrouve aussi Nathan Miller, un ancien gamin des rues devenu un des meilleurs flics de Charleston. Ensemble, ils se lancent à la recherche des enfants, sans autre indice que le témoignage d’un voisin, qui prétend avoir vu rôder autour d’une des Maisons une shadduh, une ombre vaudoue.
Et si, pour une fois, le mobile n’était ni l’argent,
ni le sexe, ni la vengeance, ni même l’amour?

Avis :

Il est parfois difficile de maîtriser ou de renouveler un genre. Pourtant, certains auteurs excellent tant dans leur rôle de conteurs qu’ils démontrent qu’une bonne histoire n’a pas besoin d’être complexe pour être appréciée à sa juste valeur. Avec des enquêtes qui jouent dans la surenchère du sordide, le thriller est un genre particulièrement représentatif d’une certaine redondance dans l’exploitation de ses thématiques de prédilection, comme les tueurs en série ou la séquestration. Au fil des livres, il est bien difficile d’y déceler une approche originale, à tout le moins capable d’intriguer et de garder en haleine son lectorat. Dans les brumes du mal s’aventure dans un terrain marécageux à plus d’un titre…

René Manzor n’est autre que le metteur en scène de 36 15 code Père Noël, ainsi que de réalisations diverses pour la télévision française et américaine. Le changement de média culturel est parfois sujet à quelques craintes. Ce lien entre littérature et cinéma n’est pas sans précédent, démontrant par là même qu’ils sont deux moyens d’expression différents, voire complémentaires. Ici, l’auteur et cinéaste s’insinue dans un domaine propre aux écrivains anglo-saxons. D’ailleurs, le style et la force de description de la Caroline du Sud ne sont pas sans rappeler quelques grands noms, comme John Irving, James Lee Burke ou Pat Conroy. Ce dernier étant sa principale influence.

À ce titre, le livre dégage une ambiance très particulière où les marais évoquent les bayous de la Louisiane. L’hostilité naturelle de la faune et de la flore procure une sensation d’isolement et de perdition parfaitement retranscrite lors de certains passages. En ce sens, l’atmosphère des petites villes américaines du Sud tient autant du fantasme que de la réalité. L’esprit communautaire contraste avec un conservatisme qui met encore en exergue les scissions raciales. D’ailleurs, le choix d’un enquêteur afro-américain, comme l’un des personnages principaux, accentue cette problématique sociétale. Néanmoins, il ne s’agit pas là de la portée majeure du roman.

De par le kidnapping d’enfants et le passif houleux des protagonistes, l’approche se focalise sur les traumatismes de l’enfance, a fortiori commis par un parent. Maltraitance, abandon, harcèlement, torture morale… Tout y passe pour mieux opposer le monde des adultes et celui des enfants. L’obligation de grandir prématurément et de se confronter à la violence de la société démontre à quel point l’innocence n’y a pas sa place. D’ailleurs, certaines analogies possèdent une résonance des plus judicieuses pour exposer les propos d’une manière moins théorique. Des considérations qui s’intègrent parfaitement à l’enquête.

Investigations qui, au demeurant, sont pour le moins entraînantes. La structure dynamique sert des chapitres parfaitement équilibrés entre descriptions, introspections, dialogues et phases d’action… L’ensemble est construit de telle façon à suivre les différents acteurs de l’intrigue, sans pour autant perdre de vue la ligne directrice. Par ailleurs, le folklore gullah et les meurtres rituels proches des cultes vaudous apportent une certaine étrangeté à l’histoire. Impression soutenue par la présence latente d’une secte. La progression réserve son lot de rebondissements et, chose peu courante, le dénouement présente des révélations étonnantes.

Au final, Dans les brumes du mal est un thriller qui réussit à jouer avec les attentes du lecteur pour mieux le surprendre. La qualité d’écriture et de la narration développe une ambiance propre au sud des États-Unis. René Manzor maîtrise parfaitement les tenants et les aboutissants de son enquête, ce qui permet de ne pas sombrer inutilement dans un traitement glauque exacerbé. Il y a bien quelques aspects malsains dans les assassinats ou la portée de certaines révélations, mais elles trouvent une justification pertinente. Notamment sur la façon d’aborder les traumas de son passé et les cicatrices qu’elles laissent dans leur sillage. Un livre original dont le réalisme joue de certaines connaissances scientifiques pour mieux détourner la « fantaisie » pervertie d’une conclusion déstabilisante.

Note : 17/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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