mars 19, 2024

L’Age des Miracles – Karen Thompson Walker

9782258098374

Résumé :

Une journée d’octobre apparemment comme les autres, l’humanité découvre avec stupeur que la vitesse de rotation de la Terre a ralenti. Les jours atteignent progressivement 26, 28 puis 30 heures. La gravité est modifiée, les oiseaux, désorientés, s’écrasent, les marées se dérèglent et les baleines s’échouent… Tandis que certains cèdent à la panique, d’autres, au contraire, s’accrochent à leur routine, comme pour nier l’évidence que la fin du monde est imminente. En Californie, Julia est le témoin de ce bouleversement, de ses conséquences sur sa communauté et sa famille. Adolescente à fleur de peau, elle est à l’âge où son corps, son rapport aux autres et sa vision du monde changent : l’âge des miracles.

Avis :

Si les catastrophes naturelles ont toujours nourri des peurs ancestrales dans la littérature, l’art ou le cinéma, les derniers événements en date ont montré une recrudescence de ces histoires à vocation sensationnaliste. En général, l’on nous offre du grand spectacle sur fond d’un récit basique et sans surprise. Il faut reconnaître que le genre dispose de limites assez contraignantes et n’offre que peu de marges à la nouveauté. Néanmoins, Karen Thompson Walker décide pour son premier roman de se plonger dans une fin du monde en devenir. Le livre est un succès commercial et les critiques lui offrent des éloges flatteurs. Mais qu’en est-il réellement ?

Le postulat de départ est intrigant et prometteur. La rotation de la Terre diminue si bien que les journées s’étendent de plusieurs heures. De 24 heures, nous passons à 40, puis à 50. Cet allongement semble sans limites. De fait, le contexte se révèle prenant. L’on se demande comment vont réagir les protagonistes et, à plus grande échelle, l’humanité. D’ailleurs, les premiers chapitres tendent à entretenir cet effet de mort latente qui plane au-dessus de la civilisation comme une épée de Damoclès. L’écriture est soignée et, en dépit d’une première personne qui empêche de s’identifier à l’héroïne, on est enclin à poursuivre l’aventure.

Tout est parti pour nous offrir un roman sensible et sensé, mais l’on se rend rapidement compte qu’il s’adresse à un public féminin, voire adolescent. On ne pestera pas contre le style de l’auteur qui recèle des tournures séduisantes malgré leur apparente simplicité. Non, on regrette que le point de vue d’une collégienne monopolise l’attention. Comprenez que l’exercice se focalise davantage sur les états d’âme d’une jeune fille aspirant à être femme que sur le cataclysme mondial. Son quotidien se ponctue des journées à l’école, de ses premières amours pour le beau gosse ténébreux de sa classe et les conversations au ras des pâquerettes de ses amies.

Qui plus est, le titre du roman y fait allusion d’une manière tout à fait limpide. Là où l’on aurait pu songer à l’avènement d’une nouvelle ère pour l’humanité, il faut se rendre à l’évidence, l’âge des miracles fait référence à l’adolescence, ses questions et ses transformations. D’ailleurs, l’auteure ne s’en cache point et le cite clairement. Certes, le parallèle entre la mutation d’une jeune fille et celui d’un monde émergent peut être intéressant, mais le ralentissement est occulté par la vie de Julia, de sa famille et de ses choix. Le reste est présent pour poser une ambiance, une atmosphère, mais n’est nullement le moteur de l’intrigue.

Les personnages réagissent avec une troublante résilience. Ils consentent à l’inéluctable avec un minimum de prévoyance et continuent leur existence comme si de rien n’était. La population est passive, presque léthargique et accepte les décisions du gouvernement. Là encore, l’idée de la diviser en deux clans distincts (les adeptes du temps réel qui s’adaptent et les réfractaires qui persistent dans les journées de 24 heures) n’est pas assez développée. On sent de l’hostilité, de la peur et de l’intolérance, mais tout cela est (presque) sans conséquence. Dommage, car le potentiel était palpable.

On regrette cette facilité à nous faire entrevoir des promesses qui ne seront que partiellement tenues. Le constat se confirme avec les protagonistes. Les collégiens sont de vagues esquisses de ce que recèle l’adolescence (avec toute la bêtise qui les définisse) et leurs réflexions au ras des pâquerettes, mais les adultes ne sont pas en reste avec leur volonté à se réfugier dans la religion et la sécurité illusoire que leur présentent des gouvernements incompétents et dépassés. La caractérisation s’avère des plus sommaires et n’offre aucun répondant sur la durée.

Au final, L’âge des miracles se réserve pour un public jeune et féminin. Les histoires d’amourettes et les états d’âme d’une collégienne prennent le pas sur la fin d’un monde. Un départ immersif qui ralentit sa progression (un peu comme la Terre) et ne tient pas sur la longueur. La préférence pour narrer le quotidien impavide d’une adolescente se fait au détriment d’un cataclysme planétaire qui laisse quasiment indifférent l’humanité. Il en ressort un roman fade, à la construction facile et décevante.

Note : 11/20

Par Dante

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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