mars 29, 2024

Winter War – Guerre des Nerfs

De : David Aboucaya

Avec Manuel Goncalves, Laurent Cerulli, Laurent Guiot, Benoit Davin

Année : 2018

Pays : France

Genre : Guerre

Résumé :

Janvier 1945. Les troupes d’élites du 1er régiment de parachutistes français, combattant sur le sol Français depuis novembre 1944, et déjà durement éprouvées par la campagne des Vosges, entrent de plein pied, aux côtés de soldats américains, dans ce qui sera un des épisodes les plus meurtriers de ce début d’année. En effet, les combats pour la libération du village Alsacien de Jebsheim seront si acharnés qu’on surnommera plus tard cette bataille, le « Stalingrad Alsacien ». Le caporal Hénaq, du côté français, et le lieutenant Shaffer, du côté américain, font tous deux partie des sections qui sont chargés de nettoyer de toute présence ennemie le bois bordant le village, et tenir ensuite les positions, condition indispensable à la prise de Jebsheim. Hénaq, gravement affecté par la mort de ses meilleurs amis dans les Vosges, n’est plus le même aux yeux de ses compagnons d’armes, d’autant que depuis son arrivée en Alsace, sa terre natale, son comportement ne cesse de se dégrader, sans que les autres soldats ne réussissent à en connaitre la raison. Les conditions climatiques épouvantables, avec des températures avoisinant les -20°, plongent cette section dans l’enfer de cet hiver alsacien. Durant quelques jours, les soldats font face au froid, à la peur et au harcèlement des assauts allemands. La petite unité américaine qui les accompagne dans cette mission, partie en reconnaissance, va se retrouver totalement isolée, acculée par des troupes allemandes venues en renfort. Hénaq , avec quelques-uns de ses hommes, va décider d’aller prêter main forte à leurs alliés d’outre atlantique. Le destin de cette poignée d’hommes, composée d’individus aux caractères très différents, va se jouer dans cet univers glacé au milieu des horreurs provoquées par cette guerre. Celui d’Henaq va se démarquer en particulier, car il va se retrouver confronté à ce qu’il redoutait le plus.

Avis :

La Seconde Guerre Mondiale au cinéma, on en a bouffé à toutes les sauces. Les plus grands cinéastes se sont jetés sur le sujet afin de faire appel à notre devoir de mémoire et même certains français ont tenté leur chance. Le risque avec ce genre de film et de sujet, c’est de faire dans la redite, le déjà-vu et de ne pas proposer quelque chose de nouveau. Que l’on voit la guerre du côté des américains, des français, des résistants, des collabos, des japonais, des allemands, tout a déjà été fait, ou presque. Avec une telle thématique, il est possible de se pencher sur des cas précis, des batailles moins importantes, mais qui ont joué un rôle fatidique lors de la guerre. C’est ce choix précis que fait David Aboucaya pour son Winter War, mettant en avant une bataille pour la ville alsacienne de Jebsheim, dans laquelle français et américain vont s’entraider pour empêcher toute venue d’aide nazie. Un choix qui peut s’avérer payant, jouant sur la collaboration avec nos « sauveurs », mais qui propose en prime une autre réflexion, celle des malgré-nous, des français qui furent enrôlés de force par les nazis.

Winter War est un film un peu particulier dans le sillon français pour deux petites choses. En premier lieu, son budget. Le film n’a pas eu énormément d’aide et surtout, il possède un budget très faible par rapport à d’autres productions du même genre. Il faut dire que le cinéma français est frileux et s’il n’y pas de grandes têtes d’affiche ou d’humour un peu raciste, les producteurs font grise mine. Ensuite, le film a été très mal distribué dans la France, puisque seulement six salles dans toute la France ont accepté de le diffuser, c’est trop peu. Alors oui, c’est un métrage à petit budget qui parle d’un point précis de la guerre et qui est long (2h20), mais est-ce vraiment une raison pour le bouder à ce point ? A quoi sert ce travail de sape si ce n’est de décourager la fabrication d’un cinéma plus ou moins indépendant en France ?

Evidemment, Winter War possède quelques faiblesses et pas des moindres. Tout d’abord sa longueur. Il est vrai que tenir plus de deux heures avec un petit budget, c’est très difficile et parfois le film souffre de petits coups de mou. Cela se ressent notamment dans des dialogues pas forcément utiles, quelques schémas redondants comme les prises de conscience après chaque bataille ou encore dans des errances musicales qui ont du mal à habiller le film. On notera aussi quelques répliques trop téléphonées et peut-être des dialogues trop hachés pour faire vrai. C’est-à-dire que parfois, c’est très théâtral et il manque un peu de bordel, de vie dans les dialogues. On parle, ça répond, ça ne coupe que rarement la parole, bref, il manque cette tension dans les joutes verbales. Ensuite, on voit rapidement que le film est fauché. Certaines batailles peinent à convaincre, notamment la première avec de toutes petites explosions pour les mortiers et un effet gore très peu crédible. En fait, on voit rapidement que le film a ses limites, mais pas à cause de la maladresse de son réalisateur ou du mauvais jeu de ses acteurs, plutôt à cause d’une ambition un poil démesuré par rapport au budget.

Mais cela en fait-il un mauvais film pour autant ? Mérite-t-il cette distribution maudite ? Non ! Et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, le film est ambitieux et on ne notera aucune fausse note sur la reconstitution historique. Les costumes sont parfaits, les décors nous plongent directement dans cette époque et le seul petit truc qui peut nous sortir du film, ce sont les américains qui parlent comme des français. Cependant, le film réussit un joli tour de force durant ses fusillades. Très inspiré, David Aboucaya va filmer au plus près de ses personnages afin de donner un vrai dynamisme à tout ça et de nous montrer l’horreur des champs de tir. Les balles fusent, les morts sont rapides et personne n’est à l’abri. Certains choix de mise en scène sont efficaces et on sent que rien n’est laissé au hasard, de cette caméra embarquée qui suit le sauvetage d’un soldat blessé en tournant autour d’un arbre à ce plan fixe où deux antagonistes se rapprochent à cause de la mort de l’un d’eux. Bref, le cinéaste fait tout pour nous accrocher et ça marche.

D’autant plus que les comédiens sont relativement bons et complètement investis dans leurs rôles. Manuel Goncalves, qui joue le caporal Hénaq, est très crédible dans la peau de ce soldat mort à l’intérieur et relativement cynique sur le futur de cette guerre. On ressent vraiment sa tristesse et son mal-être. Les autres protagonistes sont assez bien travaillés, de sorte que l’on s’attache à chacun d’eux, malgré parfois des moments d’agacement, comme pour le personnage de Carlo, trop impétueux et fier. Enfin, il y a un autre point positif dans ce film, c’est qu’il tente de mettre en avant un sujet complètement occulté par les autres films du même genre, c’est les « Malgré Nous ». Il s’agit de citoyens français, habitant la frontière franco-germanique et qui furent enrôlés de force par les nazis pour tuer les hommes de leur propre nation. Un sujet délicat, relativement bien transcrit ici, avec un protagoniste perdu, complètement détruit lui aussi à l’intérieur. Avec tout ça, Winter War essaye de se démarquer de la masse avec honnêteté et passion, ce qui est déjà pas mal.

Au final, Winter War est un film très intéressant sur un point précis de la Seconde Guerre mondiale. Si le film possède des défauts inhérents à son budget minuscule et ses contraintes de tournage, il n’en demeure pas moins intelligent dans son traitement et force le respect sur le résultat final. Non dénué de défauts (trop long par exemple), le film de David Aboucaya a au moins le mérite de proposer un spectacle honnête, fait avec passion et qui n’a pas à rougir face à d’autres productions françaises dont les budgets sont nettement plus élevés. Bref, nous voilà à nouveau face à une distribution calamiteuse pour un film qui ne mérite pas son sort et qui, on l’espère, se rattrapera sur le marché du DVD et du bluray.

Note : 13,5/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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