avril 24, 2024

Berberian Sound Studio

De : Peter Strickland

Avec Toby Jones, Tonia Sotiropoulou, Cosimo Fusco, Susanna Cappellaro

Année : 2013

Pays : Angleterre

Genre : Horreur

Résumé :

1976 : Berberian Sound Studio est l’un des studios de postproduction les moins chers et les plus miteux d’Italie. Seuls les films d’horreur les plus sordides y font appel pour le montage et le mixage de leur bande sonore. Gilderoy, un ingénieur du son naïf et introverti tout droit débarqué d’Angleterre, est chargé d’orchestrer le mixage du dernier film de Santini, le maestro de l’horreur. Laissant derrière lui l’atmosphère bon enfant du documentaire britannique, Gilderoy se retrouve plongé dans l’univers inconnu des films d’exploitation, pris dans un milieu hostile, entre actrices grinçantes, techniciens capricieux et bureaucrates récalcitrants. À mesure que les actrices se succèdent pour enregistrer une litanie de hurlements stridents, et que d’innocents légumes périssent sous les coups répétés de couteaux et de machettes destinés aux bruitages, Gilderoy doit affronter ses propres démons afin de ne pas sombrer…

Avis :

On réduit beaucoup le cinéma au visuel et à ce que nous renvoie l’image. On parle énormément de mise en scène, de placement de caméra, de plans ou encore d’effets spéciaux, mais le cinéma moderne ne serait absolument rien sans le son et les bruitages. C’est d’ailleurs pour cela que certains films obtiennent un statut d’œuvre culte, avec une bande son qui habille à merveille les métrages. Cependant, peu de personnes connaissent l’envers du décor et le monde des studios d’enregistrement, le travail de ces orfèvres de l’ombre qui doivent trouver des astuces pour bruiter un film ou encore synchroniser les voix en divers langues. En ce sens, Berberian Sound Studio peut s’avérer un film intéressant par le monde qu’il explore et sa volonté de montrer des choses que l’on ne voit pas et qui sont essentiels au cinéma. Mais l’estampiller film d’horreur est tout de même un peu grossier.

Si c’est compréhensible par la bande-son du film justement, qui peut se voir comme une mise en abime sonore, Le métrage de Peter Strickland ne fait pas peur et n’officie dans l’horreur que lorsqu’il s’agit d’hors champs ou encore de bruits et chansons. En effet, on va suivre l’évolution d’un bruiteur de talent qui va se retrouver dans un studio miteux italien qui ne double que des films d’horreur. Sorte de chemin de croix pour le protagoniste principal, Berberian Sound Studio a bien du mal à avoir un fil rouge durant tout son métrage. En fait, il manque une vraie intrigue au film pour que l’on s’accroche. On va voir les tribulations de ce bruiteur, on va voir les humiliations qu’il subit de la part de ses supérieurs et on va voir comment, petit à petit, il semble sombrer dans l’horreur. Mais il manque du liant à tout cela, une intrigue, pour accrocher le spectateur.

Néanmoins, on peut féliciter Peter Strickland d’avoir osé un tel film qui se veut plus complexe qu’il n’y parait. Soignant sa mise en scène, il offre une ambiance étouffante qui se veut être un hommage au giallo. Plaçant son intrigue au sein d’un studio italien durant les années 70, période faste du genre, on peut y voir comme une référence aux premiers films de Dario Argento ou encore à Lucio Fulci. Le problème, c’est que cela se ressent uniquement sur l’ambiance anxiogène et sur les effets sonores, et non pas sur le visuel ou l’intrigue, puisqu’ici, il n’y aura pas de tueur en série avec des gants de cuir noir. Tout l’intérêt du film se porte alors sur le second film, celui qui est bruité. On s’imagine alors un film de sorcières avec des sacrifices et des passages gores qui seront bruités à l’aide de fruits et légumes fracassés. On voit toute l’horreur de ce film dans le regard que porte Toby Jones, qui semble constamment piégé par l’écran, le regard vide et la bouche entrouverte. Malheureusement, cela ne suffit pas à créer de la peur, même si l’expérience est intéressante. On sera plus tenté par Angoisse de Bigas Luna, bien mieux réussi. Néanmoins, on pourra tout de même avoir quelques plans étranges, notamment sur les textures des fruits explosés, écrasés, pourris, mettant en avant un certain malaise et symbolisant peut-être l’état mental se dégradant du personnage principal.

Enfin, le terme d’horreur pour ce film semble hautement galvaudé. Outre le fait qu’il ne suscite aucune angoisse ou peur, son intrigue demeure trop obscure et vaine pour rentrer dans cette case que les spécialistes lui ont offerte. Si on navigue dans une ambiance étrange aux couleurs tirant vers l’orange et le noir, on nous racontera surtout les déboires d’un studio qui part à vau l’eau et d’hommes usant de femmes qui cherchent un travail pour gagner leur vie. Ainsi, on sera plongé dans un univers machiste, où la femme n’est qu’un objet et qui peut se faire toucher contre son gré. Le réalisateur place alors un message féministe au sein de son métrage, montrant le ras le bol de certaines femmes qui veulent plus de considérations, mais surtout plus de respect. On n’évitera pas le cliché de l’italien versatile et bavard, ni celui qui parle fort et invective les autres. En un sens, Berberian Sound Studio est film qui use de clichés sans pour autant les remettre en cause. Fort heureusement, les parties bruitages sont réussis et montrent un envers du décor parfois drôles, parfois pénibles, mais relativement difficile.

Au final, Berberian Sound Studio est un film étrange, un ovni qui se situe entre le giallo sans meurtre et le drame démontrant la pénibilité d’un travail de l’ombre essentiel au septième art. Le problème, c’est que son manque cruel d’intrigue ne parvient pas à accrocher le spectateur et que malgré toutes les subtilités que recèle le métrage pour montrer l’impact de l’écran et du son sur notre subconscient, on peut rester sur le carreau et ne pas voir le message qu’a voulu faire passer le cinéaste. Bref, un film expérimental assez difficile d’accès, qui a le mérite d’exister et de proposer une alternative au cinéma si conventionnel de nos jours.

Note : 09/20

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Par AqME

AqME

Amateur d'horreur, Métalleux dans l'âme, je succombe facilement à des images de chatons.

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